Ce n’est pas encore une conversion de masse, mais les mentalités sont en train d’évoluer sur les aérodromes. Par nécessité ou par conviction, les pilotes privés commencent à se préoccuper de leur environnement. Le salon de l’aviation verte qui s’est tenu mi-octobre 2006 à Aix-les-Milles, en est la preuve. Cette première édition a aussi permis de faire le point sur les solutions proposées pour rendre plus écologiques nos avions sans les brider.
» S’ils n’aiment pas les avions, il ne fallait pas qu’ils construisent leurs maisons en bout de piste. On était là avant eux ! « . Ce n’est pas faux, mais ce discours sentencieux ne passe plus auprès d’une opinion publique qui s’est découvert une fibre écologique. Les français trient leurs déchets et épluchent les étiquettes vertes avant d’acheter un lave-vaisselle. Les propriétaires de 4×4 sont des hérétiques et la SNCF et Air France se battent pour savoir lequel de l’avion ou du TGV est le moins générateur de CO2 entre Paris et Lyon. Ce tourbillon médiatico-environnemental entraîne tout le monde et ce n’est plus aux seuls riverains que les pilotes ont des comptes à rendre, mais à la société tout entière. Pour continuer à exister, l’aviation de loisir doit impérativement passer au vert… et le faire savoir !
Développer pour mieux défendre
Les usagers de la plate-forme d’Aix-les-Milles en sont convaincus. Avec le recul, ils ont conscience que cette démarche était la seule viable, même si elle leur coùte. Après le départ de l’armée de l’air, en 2000, ils ont senti le vent du boulet. Les 130 hectares d’un seul tenant de leur aérodrome situé à 10 minutes d’Aix-en-Provence et à 20 minutes de Marseille constituent une réserve foncière qui fait des envieux. Il s’en est fallu de peu que tout bascule sous la pression complice des riverains qui depuis une trentaine d’années étaient en guerre contre les pilotes. Du pain béni pour les promoteurs immobiliers. Un grand classique du genre.
Les aéro-clubs ont su intelligemment renverser la situation à leur avantage, à partir de 1981, en transformant l’association de défense de l’aérodrome datant de 1974, en association de développant. Dès lors, ils se sont inscrits dans une nouvelle logique de proposition, en rupture avec leur attitude précédente de résistance. Ils se sont mis en mouvement. » Face aux riverains qui en veulent de plus en plus, la problématique est de montrer que les pilotes sont responsables et concernés par leur environnement « , explique Yves Pleindoux, président du CODAAM, le Comité de développement de l’aérodrome d’Aix-les-Milles. » Nous avons entrepris de réduire le bruit à la source, en nous engageant à équiper, sur trois ans, les avions-écoles qui représentent 85 % des mouvements. Actuellement, 75 % de la flotte école, soit une vingtaine d’appareils, sont équipés de silencieux. Il nous reste un an, pour équiper le quart restant. Depuis deux ans, nous avons aussi aménagé les plages horaires en bannissant les tours de piste entre 12 h et 14 h, en semaine et entre 12 h et 16 h le dimanche « .
Certains peuvent estimer qu’il s’agit de concessions inacceptables. A Aix-en-Provence, la majorité se félicite du modus vivendi obtenu. » Il y a une véritable prise de conscience des pilotes qui ont compris que si les riverains ne râlaient pas, ils pouvaient voler plus tranquille. Pour en arriver là, il a fallu passer par une phase d’éducation, des deux côtés, pilotes et riverains. Après ce travail pédagogique, un travail de communication est nécessaire « , souligne le président du CODAAM.
Un salon expérimental
Et c’est précisément dans le cadre de cette stratégique de communication que s’inscrit le Salon de l’aviation verte qui s’est tenu mi-octobre à Aix-les-Milles. » Notre association est très impliquée dans l’organisation « , explique Yves Pleindoux. » Il fallait envoyer des signes positifs vers l’extérieur « . Et ces » signes positifs » consistent à donner de l’espoir aux riverains en leur promettant des emplois sur place, tout en les rassurant sur les bonnes intentions des occupants de la plate-forme et sur le fait que la qualité de vie des populations qui résident aux abords immédiats du terrain n’en souffrirait pas.
Bien que le vert soit à la mode en ce moment, le pari de faire un salon aéronautique à orientation écologique était osé. Le vert n’est pas forcément la couleur préférée des aviateurs. » L’idée d’organiser un salon de l’aviation verte a été lancée en janvier 2006 et en octobre suivant, le salon était une réalité « , confirme Christian Marquié, le président de l’Association des entreprises du pôle d’activités d’Aix-en-Provence qui a pris en main l’organisation à la suite d’un échange avec Franck Bourgine de Méder de la DAC Sud-Est.
» Cette idée d’un salon de l’aviation verte date de l’époque où j’étais l’adjoint de Philippe Hoeppe à la Mission de l’aviation légère. Pour la mettre en œuvre, il fallait trouver la plate-forme et l’organisateur « , explique Franck Bourgine de Méder qui occupe aujourd’hui la fonction de chef de programme, intégration des activités de l’aviation légère. » Il s’agit d’un poste expérimental, l’équivalent de la mission aviation légère mais sur le terrain « .
A Aix-les-Milles, tous les acteurs et les ingrédients étaient réunis : un grand terrain exposé à une très forte pression des riverains, des aéro-clubs engagés dans une démarche d’apaisement des tensions et des collectivités locales qui souhaitaient valoriser une zone d’activité. Un vrai cas d’école.
Ce petit salon n’est pas le Bourget. Il a réuni une soixantaine d’exposants, aéronautiques et extra-aéronautiques, qui se sont installés dans les hangars de l’ancienne base aérienne et sur le parking attenant. Ni moquette, ni signalétique ostentatoire, mais une forte conviction. Au premier coup d’œil, il était évident que les organisateurs ne poursuivaient pas un objectif commercial. Ils étaient seulement fiers de montrer le chemin parcouru, à l’image de Guy Mazet, le trésorier de l’aéro-club du Soleil XIII : » en l’espace d’un an, nous avons renouvelé nos trois avions avec des appareils neufs équipés de silencieux « . Les clés du troisième et dernier, un DR400-180, ont été symboliquement remises aux responsables du club, par Guy Pellissier, le PDG d’Apex, lors d’une cérémonie organisée pendant le salon.
Le vert dans toutes ses nuances
Malgré son intitulé faisant référence à une dimension européenne, ce salon était avant tout le rendez-vous des gens du sud pour faire une sorte de bilan d’étape. » Dès que j’ai su qu’il y avait ce salon, j’ai dit qu’il fallait que nous y participions « . Celui qui s’exprime ainsi n’est autre que Jean-Pierre Pago, le vice-président de Canal, un collectif d’associations de riverains d’aviation générale qui a vu le jour, il y a un peu moins de trois ans, à Aix-les-Milles. » Actuellement, 13% des 3457 avions légers qui composent le parc français sont équipés de silencieux. Nous poussons à faire équiper les avions, surtout les avions école qui font des tours de piste toute la journée « .
A Aix, alors que le parc des avions école est sur le point d’être entièrement équipé de silencieux, la charte de l’environnement est devenu le nouveau dossier prioritaire. Le chantier est ouvert depuis plus de quatre ans. » Nous espérons qu’elle sera signée en 2007 « . Les associations de riverains souhaitent que ce document ne soit pas simplement une déclaration de bonnes intentions, mais qu’elle revête, comme à Toulouse-Lasborde, une valeur juridique. Elles veulent également que le nombre annuel de mouvements soit plafonné. Autant de points qui font évidemment débat et retardent la signature.
A Cannes-Mandelieu, la charte a été signée en avril 2003. Elle est valable jusque fin 2008. » Nous ne sommes plus sur une logique de limitation des nuisances sonores, mais sur une stratégie de développement durable « , explique Sophie Chaumet-Dalmasso, responsable environnement de l’aéroport, présente également sur le salon. » Nous prenons en compte l’impact environnemental de la plate-forme au sens le plus large possible. Nous avons adopté une démarche plus informative que coercitive. Nous avons fait beaucoup d’efforts en ce qui concerne la lutte contre les nuisances sonores, mais nous trions aussi nos déchets et nos eaux pluviales ont 0 défaut « , se félicite Sophie Chaumet-Dalmasso qui souligne qu’ » au début, les aéro-clubs n’avaient pas une conscience très précise de la gêne qu’ils généraient « . Cette démarche volontariste a été enclenchée à la suite d’une manifestation spectaculaire des riverains en 2000. » L’aéroport est la première entreprise du bassin cannois à avoir obtenu sa certification environnementale ISO 14.001. Cette reconnaissance contribue à la survie de la plate-forme parce qu’elle entre dans son image de marque « .
Des solutions contre le bruit
L’un des intérêts majeurs de ce salon de l’aviation verte a été, précisément, d’offrir la possibilité d’échanger sur les solutions mises en œuvre par les uns et les autres, pour tenter d’aplanir les difficultés qu’ils rencontrent sur leurs aérodromes. Il a également été l’occasion de faire le point sur les matériels proposés sur le marché et sur les recherches en cours.
Pour l’heure, les progrès les plus concrets ont été réalisés sur les silencieux.
Deux fabricants français ont entrepris de développer une gamme. Ils ont déjà certifié chacun de leur côté une dizaine de modèles. Scai-Tech couvre la gamme Apex du 120 au 180 cv, les C150, 152 et 172, ainsi que le PA28. Chabord, pour des raisons historiques et du fait de sa proximité avec les pilotes de montagne, s’est d’abord intéressé au D140 Mousquetaire. Actuellement, il propose des pots pour le D113, D119, C150, C152, Rallye 150 et 180, DR400-120 et 180, et DR1050.
Ces deux fabricants issus de la compétition automobile au plus haut niveau (Formule 1 pour Chabord) ont mis au point des produits sophistiqués qui n’ont plus rien à voir avec les étouffoirs des premiers temps qui se faisaient passer pour des silencieux au détriment des performances. La perte de puissance était une fatalité, le châtiment. Malheur au vaincu du bras de fer contre les riverains. Les mentalités ont heureusement évolué, mais les a priori ont la vie dure.
Les matériels de nouvelle génération mis au point par Scai-tech et Chabord fonctionnent sur le principe de l’absorption. » Une chambre de détente en tôle perforée assure la diffraction. L’apport successif autour de la chambre de détente d’une couche de matériaux insonorisant assure l’absorption « , explique Alain Chabord. Et surtout, ces silencieux sont proposés avec des échappements accordés qui selon Alain Ferri, la patron de Scai Tech » offre un gain de puissance et réduit la consommation de carburant. Sur un DR400, on économise 4 litres à l’heure. Sur un C150, le gain de puissance est de l’ordre de 15 à 18 % « .
Quant à la réduction du bruit, qui demeure, le but initial recherché, elle est de l’ordre de 8 décibels. » En croisière, on arrive jusqu’à 15 dBA, mais au décollage on atteint à peine 5 dBA. A pleine puissance, l’échappement est couvert par le bruit de l’hélice. Lorsque les héliciers auront gagné 8 dBA de leur côté. Nous avons encore des marges de progression, en jouant sur la diffraction par augmentation des surfaces de contact des gaz avec l’air à l’intérieur du silencieux « , ajoute le patron de Scai-Tech.
L’hélice silencieuse se profile
L’ONERA travaille actuellement sur un projet d’hélice silencieuse dans le cadre du programme Anibal (Abaissement du NIveau de Bruit des Avions Légers) que sont venus présenter au salon, Claude Le Tallec et Franck Descatoire de ce prestigieux centre de recherches aérospatiales (voir encadré). » L’étude aéro-acoustique est terminée, ainsi que l’étude structure « , précisait ce dernier, au salon, mi-octobre. » La fabrication des pales en composite carbone est quasiment achevée. Les premiers essais statiques de traction doivent avoir lieu fin octobre 2006. Les essais sur banc moteur auront lieu dans la foulée au SEFA à Castelnaudary. Les essais en vol sont prévus début 2007 à Gaillac. Lorsque les performances de l’hélice auront été démontrées et qu’il aura été vérifié que les performances de l’avion ne sont pas altérées, le travail de l’Onéra sera terminé. Les résultats seront publiés et les industriels pourront prendre le relais « .
Ce DPT, développement technique probatoire, est financé par la DGAC à hauteur de 450.000 € en réponse à une demande la fédération de vol à voile qui souhaite équiper les remorqueurs de ses clubs. L’hélicier Duc-Hélice est impliqué dans le projet. Il a réalisé l’hélice à 5 pales dont le diamètre n’est que de 1,68 m contre 1,97 m pour l’hélice Sensenich de référence montée sur moteur Lycoming de 180cv des Rallye et DR400 des centres de vol à voile français. Mais Duc-Hélice, comme Scai-tech qui va fournir le pot accordé et le silencieux, n’auront pas l’exclusivité. Tout industriel qui le souhaitera pourra tirer parti du travail de l’Onéra et proposer sa propre hélice.
Le travail accompli par le centre de recherches est une véritable démarche globale menée à l’aide de modèles numériques et passant par un programme complet d’essais. Ni tâtonnements empiriques, ni bricolage. Dans le prolongement, la fabrication et la certification devraient aller vite, tout le travail amont ayant été mené méthodiquement par une structure dont la réputation n’est plus à faire et surtout dans un but industriel, en intégrant les impératifs d’homologation. C’est un véritable saut technologique qu’est en entrain de se réaliser. En diminuant encore de 8 dBA le bruit des avions légers, les Rallye180, DR400 ou encore PA28 vont devenir furtifs, d’autant que les fabricants de silencieux estiment pouvoir encore » gratter » 1 dBA.
Le prix du silence
Il est trop tôt pour connaître le prix d’une hélice silencieuse, mais en ce qui concerne un échappement accordé et un silencieux, il faut compter environ 4.500 € ttc et 4 heures de montage. Il faut savoir aussi qu’il est possible d’obtenir des subventions substantielles qui réduisent de manière sensible le coùt d’une installation. Les demandeurs doivent simplement faire preuve d’une détermination sans faille et s’armer de patience. Les dossiers sont complexes, le parcours sinueux et les fonds d’aides pas toujours approvisionnés.
Quoi qu’il en soit, l’argument économique ( » trop cher ! « ), comme l’argument technique ( » ça bouffe de la perfo ! « ) ne tiennent plus. Et maintenant que les matériels éprouvés sont disponibles, il va être de plus en plus difficile, pour les propriétaires récalcitrants de se retrancher derrière des arguments qui ne tiennent plus la route.
Les clubs doivent montrer l’exemple et ce n’est pas simplement pour les riverains installés sous le tour de piste qu’il faut le faire. Le développement durable n’est pas une notion abstraite. C’est un nouvel état d’esprit. La pérennité de l’aviation légère passe aujourd’hui par cette prise de conscience qui nous concerne tous, au quotidien. Plus nos concitoyens seront attentifs au rejet de CO2 de leur voiture, moins ils seront indulgents pour le monomoteur qui leur passent au-dessus de la tête en pétaradant.
Dans les années à venir, il faudra montrer patte verte. Pas seulement pour continuer à pouvoir voler en paix, mais surtout dans l’intérêt de la planète. Le mode de fonctionnement que met en place le gestionnaire de l’aéroport de Cannes-Mandelieu laisse entrevoir ce qui attend chacun d’entre nous sur son aérodrome, à plus ou moins long terme.
Pour l’heure, il n’est pas encore question de mesurer les émissions de gaz des avions légers, mais cela viendra. La vignette » avion propre » nous pend au nez. Dans ce contexte, le salon de l’aviation verte pourrait avoir de beaux jours devant lui en devenant un lieu d’information et d’échange. Les organisateurs prévoient une prochaine édition en 2008.
Gil Roy. Aviasport N°621 / Décembre 2006
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