Mi-Janvier 2024, l’aéro-club des Marquises-Jacques Brel a réceptionné un Cessna 172. Le convoyage a eu lieu entre le 18 et le 25 janvier 2024, entre Papeete et Hiva Oa, l’île de l’archipel des Marquises, où Jacques Brel a passé les dernières années de sa vie et où il est enterré. Une navigation de près de 1.000 NM, en trois étapes à travers deux atolls, réalisée par Vincent Roche et Gérard David.
Créé en 2008 à l’occasion du trentième anniversaire de la disparition du chanteur-poète-aviateur et de la première et seule visite de son épouse Miche sur sa tombe, l’aéroclub des Marquises-Jacques Brel avait été doté à l’origine d’un monomoteur ST Diplomate de 200 cv, convoyé de Papeete à Atuona via Faka Rava par Teva Reid Amaru (Ndlr : Gérard David était déjà de la partie).
Ancien avion Socata de Jean-Claude Calvet à Villeneuve sur Lot, à pas variable et train rentrant par « superstition » (sic) en cas d’amerrissage éventuel sur les mille miles nautiques qui séparent les Îles de La Société de l’Archipel des Marquises et pour conjurer le sort de ses futurs vols inter-îles sur place, ce bel appareil était un peu compliqué pour l’école de début. Il était aussi devenu très cher à utiliser dans cette France du bout du monde du fait de son alimentation exclusive à l’Avgas 100 L, carburant disponible seulement en fûts de 200 litres acheminés au mieux une fois ou deux par trimestre par le délicieux cargo mixte Ara Nui III.
Aussi l’aéroclub a-t-il décidé en 2017 d’en suspendre l’exploitation et de chercher une autre solution pour faire voler les Marquisiens et leur apprendre à piloter. Elle fut trouvée en 2023 par le jeune président Vincent Roche, mécanicien aéro confirmé, entrepreneur acharné de Marquises Maintenance Services et pilote privé, avec l’acquisition possible du Cessna 172-500 F-BXZX de l’aéroclub UTA de Papeete, cinquantenaire autorisé d’essence auto sur son nouveau moteur.
Aussitôt dit, mais pas vraiment aussitôt fait, nous sommes en Polynésie…, double administration française et territoriale, l’achat, le convoyage et la mise en service sur l’île d’Hiva Oa, celle de Brel, purent être programmés pour la mi-janvier 2024. Avec sinon tous les accords explicites mais finalement, à la dernière minute, les non-refus documentés des opérations par les autorités concernées, et grâce à l’aide de l’exceptionnelle compagnie Air Tahiti Nui, nous avons pu réaliser entre le 18 et le 25 janvier, c’était vraiment court pour tout faire, ce vol XXL, XX pour les deux X de l’immatriculation du 172, l’ampleur de « l’ambition » sinon du défi, et L pour la Longueur des étapes en avion léger sur l’immense océan pacifique.
Avec un départ rapide de l’aéroport de FAA, obligé dès le lendemain de notre arrivée la veille à minuit de Paris et après un rendez-vous officiel à 9h avec, préfet d’excellence, Éric Spitz, le Haut -Commissaire de la République Française (connu en 2008 comme Secrétaire Général et… administrateur par intérim des Marquises), départ avancé pour fuir la pluie annoncée sur Tahiti pour le soir et le lendemain. Puis, cerise sur le gâteau et faute de carte CIME, l’empêchement d’aller à notre avion au club UTA pourtant hors zone réservée, mais heureusement résolu par l’accompagnement d’un membre du club la possédant. Sinon c’était, hors escale à Seattle, 22 heures de vol pour rien et toute la mission annulée…
Enfin, après tour et caresses de la bête, mise en route, vérifications moteur approfondies, volets, radio, canot, gilets, GPS(s), cartes, jerricans pour les ravitaillements en essence auto aux escales, eau, biscuits etc…(oubli du test Irridium rappelé gentiment à l’ordre en vol par le contrôle) nous sommes, Vincent Roche et moi, ready to go en piste 04 pour ce voyage un peu particulier.
Vol XXL en trois étapes sur deux atolls, le premier après-midi, 14h loc 24h00 UTC) FAA-ANAA 235 nm en 2h35 pour se familiariser avec le nouvel avion ; le deuxième jour (7h-11h loc +10 UTC) AAA-NAPUKA 355 nm en 3h55 et le troisième matin (6h-10h loc) NAPUKA-ATUONA, magie des coïncidences chiffrées, 355 nouveaux nautiques et à nouveau 3h55 de vol. En contact radio avec Tahiti contrôle sur la première branche au FL 65, et, sans HF par dérogation, avec un appel téléphonique Irridium toutes les 30 minutes pour un position report sur les deux suivantes, avant de retrouver en fréquence Tahiti contrôle sur 133.500 à l’arrivée sur les Marquises.
Écoute attentive et permanente du ronronnement du moteur, contrôle et ajustement des 2350 RPM, surveillance et relevé de tous les paramètres, pression température d’huile, température (CHT) des têtes de cylindres, bilan carburant à la montre pour pallier l’imprécision des jauges et juger de l’autonomie restante, passés les rares déroutements possibles, actualisation constante des estimées en fonction du changement de force et de direction des vents, 15 kts mini, 25/30 par moments, essai de changement de niveau (plus ou moins 2000 ft) pour recherche d’une meilleure vitesse/sol et passer de 85 à 95kts de GS. L’avion a beau, lui, ne pas savoir qu’il est sur l’eau, les pilotes, eux, ne l’oublient pas en se répétant les consignes et les manoeuvres d’amerrissage avec un avion à aile haute et train fixe.
Comme constaté à l’arrivée après nos 10h25 de vols, on voit d’autant moins passer le temps, qu’entre l’absence de météo aéro précise pour l’atterrissage sur les atolls, le louvoiement entre les nuages orographiques qui les couronnent à l’arrivée, les 25 kts de vent de travers à Napuka, le souci des conditions à terre à l’issue du vol pour la nourriture (rien à Napuka, 200 habitants pas nommée pour rien île de la déception, voisine des îles de la désolation) et le sommeil (pour une pension Flo Turquoise très sympa et confortable à Anaa, à Napuka salle de repos municipale sans douche ni lit…mais merci au Maire pour tout le reste) la tête est, au bon sens du mot, prise tout le temps du vol et des escales par des interrogations permanentes sur le présent et sur la suite.
Autant dire qu’au terme de l’aventure, l’arrivée au terrain d’Atuona, à 1.500 pieds, hors des nuages qui recouvraient l’îlot voisin de Tahuata dont les sommets culminent à 3.000 ft et sont à survoler dans la descente, et qui entourent aussi la piste d’Hjva Oa en conférant une aérologie « montagnarde » particulière à la finale 02, les colliers de fleurs aux couleurs et aux senteurs rares, dont les Marquisiens accueillants décorent les pilotes avant d’en entourer tout l’avion de l’hélice à la dérive, la bénédiction religieuse du nouvel avion par le prêtre de l’île et son diacre, Charles, ancien AFIS de 2008 à la retraite, la « bénédiction marquisienne » d’une petite averse chaude et chaleureuse le tout rythmé par un grandiose haka local de bienvenue aussi vigoureux qu’impressionnant viennent conférer un final plus qu’heureux à l’expédition. Et sonner, pour les Marquisiens, les Tahitiens, tous les Polynésiens, et demain pour les pilotes métropolitains et internationaux rêvant de voler aux Marquises, l’heure du nouveau décollage de l’aéroclub Jacques Brel.
Avec l’arrivée d’un instructeur début février 2024, et le concours d’autres venus de Tahiti ou de métropole, l’aéro-club des Marquises va pouvoir reprendre et développer les formations initiées sur le Socata ST 10, pour les Marquisiens qui en sont demandeurs, notamment les jeunes du Régiment du Service Militaire Adapté.
Ce renfort et ce nouvel avion vont permettre, dans le cadre réglementaire autorisé, de proposer des vols découverte aux touristes et croisiéristes de passage un survol de l’île d’Hiva Oa. Les vols de navigation pourront, eux, être effectués sur les cheminements VFR ouverts depuis 2008 entre les autres îles de l’archipel, UA POU, NUKU HIVA et UA HUKA, formant un losange aux branches de 70 nautiques pour les plus longues, et de 40 pour les autres.
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Sacrée balade. Bravo!
En 1978 / 79 je faisais la ligne sur les Marquises en Twin Otter d'Air Polynésie, filiale UTA.
Vol hebdomadaire, départ très tôt le lundi, retour le mardi. Une simple piste décorée par le hangar abritant Jojo, le Twin Bonanza de Jacques Brel, et Maddly la compagne de Brel qui nous attendait pour nous offrir un pot.
La piste perchée sur un sommet était souvent dans les nuages. On tournait un moment, guettant la piste qui apparaissait brièvement, les alizés crevant les nuages pour quelques courtes minutes. Vite, on se posait.
Pas d'hôtel, la case du pilote pour le copilote et moi, et la case de passage pour les agents en mission, administration, banque, ...
A lire cet article on mesure que même ce coin de paradis lointain n'a pas échappé à la frénésie envahissante des hommes. La carte d'approche reflète bien ce que l'on appelle le progrès. Hélas.