Le rallye aérien de Tunisie est l’un des plus anciens et des plus renommés de ce genre de voyages organisés pour pilotes privés. Depuis 25 ans, la formule a ses inconditionnels.
Le rallye aérien de Tunisie a fêté cette année, en mai, son vingt-cinquième anniversaire. C’est avec le Toulouse-Saint-Louis-du-Sénégal, l’un des plus anciens. Au programme : Tunis, Tozeur, Djerba et Monastir. Rien de très original et pourtant, vingt-deux équipages venus de France, d’Allemagne, d’Italie, de Grande-Bretagne et d’Autriche se sont retrouvés sur cet itinéraire. La moitié d’entre eux connaissait parfaitement les étapes pour les avoir déjà empruntées, dans un sens ou dans l’autre, à maintes reprises au cours des éditions précédentes. Ils y ont visiblement pris pourtant toujours autant de plaisir.
Ambiance aéronautique et amicale
Un rallye aérien, c’est d’abord une ambiance, et c’est souvent ce que les participants recherchent en priorité. « Aux étapes, nous nous retrouvons entre gens qui font des voyages. A la longue, nous finissons par nous connaître », explique Jean Recullet. Le Maghreb, l’Egypte, l’Europe centrale, Toulouse-Saint-Louis-du-Sénégal, … A 87 ans, Jean les a tous faits. C’est un accro. « Je ne voyage qu’à travers les rallyes ». Il fait à peu près 200 heures de vol par an sur son MCR-01 et au moins deux rallyes.
« En 2000, quand j’ai eu 80 ans, je suis passé à l’ULM pour éviter de me voir refuser ma visite médicale et depuis, je ne fais que des grands voyages. Le fait de faire du local ne m’a jamais passionné. On s’habitue à faire des voyages de plus en plus longs », affirme ce pilote breveté en 1927. « A la base, j’aime les voyages ».
Il vient de changer son MCR pour un autre. « Je voulais bénéficier des perfectionnements de la version Pick-Up. Le moteur est plus puissant : 100 cv au lieu de 80. L’hélice est à pas variable, le train est oléopneumatique, il y a un parachute de secours, et en plus du réservoir principal de 80 litres, j’ai deux réservoirs dans les ailes de 47 litres chacun. Cela me fait une autonomie de six heures et demie minimum. Avant j’étais obligé d’installer des réservoirs de convoyage à l’intérieur de la cabine pour voyager ».
Jean continue à privilégier l’emport de carburant à celui d’un copilote. A l’aller, pour rejoindre Tunis, au départ de Briare (Loiret), il a fait une escale, en Corse, à Figari, où il a passé la nuit. « Je ferai le retour sans escale de nuit. Juste une étape à Figari, le temps de boire une bière et de faire la douane. Pour le confort, je vole à 130 kts. Au début, je volais toujours à 145 kts, mais dans les turbulences, ça tape et à l’arrivée cela fait peu de différence ».
Le temps des retrouvailles
A Tozeur, au terme de la première étape du 25ème rallye de Tunisie, le policier venu contrôler ses papiers, lui a manifesté toute son affection. « Je vous reconnais, vous étiez là l’année dernière ». Il n’en revient pas. Il montre la licence de Jean à l’essencier. « 87 ans ! Incroyable ». Malgré les 37°C et les deux heures qu’il vient de passer son sa verrière, le doyen du rallye ne perd pas de temps pour sortir de son petit biplace. Il ne laisse à personne le soin de faire le plein de son avion.
En fait, la plupart des pilotes sont vigilants. « Ils n’ont pas l’habitude de traiter des avions légers. Ils ne sont pas équipés pour. Il faut faire très attention », explique Gilles Moulet, en montrant la rayure que vient de faire le pistolet du pompiste, sur le bord d’attaque de son DA42. Lui aussi possède une grande expérience de ce genre d’expédition. Un peu plus loin, le suisse Sven Girsperger sort un magnifique entonnoir chromé et un tuyau de mise à l’air libre. Son Mooney est splendide et il entend bien qu’il le reste. Ces pilotes sont expérimentés. C’est dans ces détails qu’il est possible de le mesurer. Jean Breuil décharge ses bagages. Il sort de la soute arrière de son TB20 un carton de Macônnais. C’est une tradition sur les rallyes, partout où il va, il emporte des bouteilles. Chacun ses habitudes. « Sur les rallyes, nous nous retrouvons entre amis ».
Entre amis, mais aussi entre nationalités… La barrière de la langue décourage les échanges et encourage le communautarisme. Les pilotes ne se mélangent que très rarement. Chaque groupe vit à son rythme. L’ancien vice-président du club de Macon, qui possède un beau carnet de vol, le concède. Il a fait son premier rallye, il y a une dizaine d’années. Depuis, il est allé un peu partout. Son plus beau souvenir demeure l’Egypte. « Si je suis capable de voyager seul, c’est parce que les rallyes m’ont dégourdi. Je ne sais pas si je serais parti seul à l’étranger si je n’étais pas, d’abord, parti avec eux », avoue Jean Breuil.
Libéré des soucis d’intendance
Un rallye aérien comme celui de la Tunisie qui repose sur une organisation rôdée est, en effet, une opportunité de s’enhardir. « Toutes les demandes administratives sont faites en amont par les organisateurs, ce qui, pour la plupart d’entre nous, facilite grandement les vols », reconnaît Alain Sandon qui apprécie les échanges de connaissances aéronautiques entre les participants. « Les plans de vol sont également déposés par les organisateurs. Les taxes sont négociées. C’est vraiment un atout ». Ce pilote savoyard participait cette année à son quatrième rallye de Tunisie et en octobre prochain, il prendra, pour la dixième fois, le départ du Toulouse-Saint-Louis. Avec son PA28 Arrow III particulièrement bien équipé, il fait environ 200 heures de vol par an, dont 60 % dans le cadre de déplacements professionnels.
Le rallye est aussi la seule opportunité de voyager en avion privé à travers la Tunisie. En dehors de cette occasion, il est impossible de trouver de l’essence avion AVgas 100LL sur la plupart des aérodromes. Les organisateurs se chargent de faire venir un camion-citerne aux étapes pour faire le plein des réservoirs. Ce pend de l’organisation est plus particulièrement à la charge de la Fédération tunisienne des sports aériens, organisateur officiel du rallye depuis sa création en 1983, en partenariat avec le français Claude Elien.
A l’époque, il y avait une modeste activité associative avec quelques avions légers et des planeurs. Depuis : plus rien ! Aujourd’hui, la seule raison d’être de la Fédération tunisienne est l’organisation de rallye. Pour une poignée de passionnés tunisiens d’aviation, cet événement annuel est un moyen de continuer à exister. En maintenant ainsi la veilleuse allumée, ils ne désespèrent pas un jour de pouvoir relancer une activité. Pour l’heure, le contexte politique ne s’y prête pas.
Une autre manière de voler
Alain Sandon est plutôt du genre à l’aise en vol. Il maîtrise son sujet, mais il ne boude pas pour autant son plaisir de se laisser guider par la main. Ce qu’il apprécie également sur les rallyes se sont les épreuves qui viennent pimenter les étapes. Navigation de précision, survol de points caractéristiques, atterrissages de précisions… « Pour participer à un rallye, il faut entrer dans je jeu. C’est aussi un moyen de parfaire son pilotage ». Certains se prennent plus au jeu que d’autres. Avec son Pilatus PC12, le plus rapide des avions engagés cette année sur le rallye de Tunisie, Aurel Dan est un vrai compétiteur. Il a beau être un grand voyageur et traverser régulièrement l’Atlantique nord avec son magnifique monoturbopropulseur, il ne se refuse jamais le plaisir de venir s’amuser en Tunisie. Cet été, il a participé au rallye du Canada et en automne, il prendra le départ du Toulouse-Saint-Louis.
« La plupart des participants qui ont aujourd’hui un certain âge viennent avant tout sur un rallye pour le plaisir. Ils ne sont pas forcément intéressés par la compétition. Mais quand nous leur donnons leur enveloppe avec les épreuves, ils se prennent tous au jeu », fait remarquer Claude Elien. Avec le GPS, les épreuves de navigation ne revêtent plus la même importance. « Avant l’arrivée du GPS, nous donnions des points de contrôles en longitudes et latitudes. Charge aux pilotes de les reporter sur leurs cartes. Maintenant, nous traçons les points sur les cartes routières. Les concurrents peuvent ensuite entrer les coordonnées dans leur GPS. Les incertitudes de mesures les obligent à regarder dehors ».
Le GPS est apparu sur le rallye de Tunisie à la dixième édition, au début des années 90. S’il a modifié le déroulement des épreuves, en revanche il simplifie grandement la vie des organisateurs. « Les pilotes ne se perdent plus, il n’y en a plus qui traversent la frontière et se retrouve en Algérie, avec toutes les conséquences que nous devions alors gérer ».
Une activité de propriétaires
Paradoxalement, le rallye de Tunisie a connu son heure de gloire dans un moment où, au niveau mondial, la tension était extrême. « C’était en 1992, l’année qui a suivi la première guerre du Golfe. Quand la guerre a été déclenchée, nous avons maintenu le rallye. Il fallait le faire, vis-à-vis des autorités tunisiennes. Une interruption aurait sans doute signé la fin du rallye. En 1991, nous avons réuni une vingtaine d’équipages ». En 1992, le rallye de Tunisie a rassemblé plus de soixante-dix avions. Un record, d’autant plus impressionnant que, depuis plusieurs années, le régime de croisière se situe autour de la vingtaine de machines.
Cette année encore, du MCR01 au Pilatus PC12, l’éventail était large. La flotte des rallyes est en général très hétéroclite. Outre des turbopropulseurs, elle regroupe des bimoteurs (Beech58 Baron, Cessna C412, DA42, etc), des gros monomoteurs (Mooney, Arrow III, Bonanza, TB20, etc), des moins gros (PA28, C172, DR180, etc) et des ULM (MCR01, Zenair 602XL, etc). Le point commun à toutes ces machines est qu’elles appartiennent à des privés. « Jusqu’au dixième rallye de Tunisie, il y avait encore une bonne proportion d’aéro-clubs », constate Claude Elien, le coorganisateur du Rallye de Tunisie, organisateur du Rallye des îles grecques et du rallye d’Egypte… notamment. 52 rallyes au total organisés en 25 ans de carrière.
Jean Recullet qui s’est beaucoup investi dans l’animation de l’aéro-club du Gienois qu’il a créé en 1946 et dont il a été le président jusqu’en 1987 et au sein duquel il a fait de l’instruction bénévolement pendant dix ans, regrette qu’aussi peu de pilotes privés voyagent. « Le voyage c’est une question d’accoutumance. C’est aussi une question de budget ». Une opinion partagée par Claude Elien. « L’époque où il y avait 40 à 45 inscrits par rallye est révolue. Le coût est la cause principale du nombre actuel limité de participants ». Le prix de l’heure de vol plombe les budgets. L’inscription sur le rallye de Tunisie est de 1550 euros par personne et 630 euros pour l’avion. A cela s’ajoute l’essence.
Incontestablement, le rallye aérien n’est pas la façon la plus économique de faire du tourisme. « Pour un couple, il faut compter environ 4000 euros », estime Jean Breuil. Depuis qu’il est retraité, il fait un à deux rallyes par an, avec son TB20. « Il faut compter environ 7000 euros pour deux pilotes avec un avion d’aéro-club », précise Claude Elien. Pour sa part, Alain Sandon du haut de ses neuf Toulouse-Saint-Louis évalue le budget moyen de ce grand rallye à travers à l’Afrique de l’Ouest entre 12 et 15000 euros pour 45 à 50 heures de vol. Les propriétaires font rarement entrer en ligne de compte l’amortissement de leur avion dans leurs estimations. Pour un équipage avec un avion d’aéro-club, le budget est de ce fait supérieur.
Les rallyes aériens offrent une autre façon de voyager et d’appréhender un pays. Ils permettent de parcourir de plus grandes distances. Autant de raisons qui font que pour ces pilotes, le volet touristique est aussi l’une de leurs motivations. Ils apprécient la qualité des hôtels et les journées de relâche qui leur permettent d’aller visiter des endroits pittoresques. Depuis 25 ans qu’il s’occupe d’organisation, Claude Elien sait l’importance qu’attachent les participants à cette partie du programme. Et même s’ils ont déjà visité l’oasis de Tozeur en Calèche, lors d’un précédent rallye, ou qu’ils ont déjà découvert les gorges de Selja à bord du train le Lézard Rouge, ils prennent part aux excursions avec toujours autant d’entrain. C’est aussi ce qui caractérise ces hommes et ces femmes. Et puis, il y a des lieux dont il est impossible de se lasser comme la vallée du Nil et les temples égyptiens, où Claude Elien et ses amis tunisiens emmènent, à nouveau, les pilotes, en octobre prochain. Seul un rallye aérien peut leur ouvrir les portes du ciel Egyptien, surtout quand les taxes d’atterrissage sont au tarif unique de 500 dollars l’unité.
Gil Roy
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