Rester en vol le plus longtemps possible. Il n’y a qu’à Las Vegas que ce pari ait pu être lancé. Plus de 64 jours non stop. Qu’à Las Vegas qu’il ait pu être relevé. Et à la fin, comme toujours, c’est le casino qui gagne. En l’occurence, l’Hacienda qui avait parié sur un pilote, réparateur de machines à sous, et son Cessna C172.
Las Vegas, 4 décembre 1958 au matin, chez Monsieur et Madame Timm :
« Chérie, je file à l’aérodrome, je vais faire un tour avec le Cessna ! »
« Ok, tu rentres quand ? »
« Avant Pâques normalement ! »
« Je te garde une part de bûche de Noël ? »
Dans la ville du péché, aux bords du désert du Nevada, l’heure est au boom économique. En cette fin des années 50, Les casinos poussent comme des champignons et c’est à celui qui sera le plus beau, le plus gros, le plus moderne.
Le Hacienda, ouvert au bord du Strip deux ans plus tôt, était à la recherche d’une idée pour faire parler de lui. C’est Timm, réparateur de machines à sous après avoir passé la 2e guerre mondiale à piloter des B-17 depuis la Grande Bretagne, qui est arrivé avec « l’idée » ! Battre le record de durée de vol avec un avion léger spécialement préparé. La mise de fonds n’était pas énorme, 100 000 $ (1 000 000 USD en 2024) et le retentissement pourrait être grandiose. Banco ! non, en fait, tout sur le rouge !
Timm acheta alors un Cessna 172 auprès d’une compagnie locale, le N9217B. Pendant des mois, Il prépara l’avion aidé par Cook un mécanicien qui sera son copilote le moment venu. Car il fallait tout démonter.
Vu qu’il faudra tenir des semaines pour battre le record de durée, il fallait augmenter la capacité en carburant grâce à un réservoir ventral afin de réduire le nombre de ravitaillement quotidiens, tout enlever de la cabine pour disposer d’un petit lavabo, de petites toilettes amovibles et avoir la place de s’étendre dans la longueur de la cabine, un minimum d’espace vital en somme. Et puis surtout il était impératif de préparer le moteur Continental de 145 ch flambant neuf pour pouvoir l’entretenir à minima sans devoir se reposer.
Et donc, le 4 décembre 1958 l’avion décolla de McCarran en milieu d’après-midi !
Ils débutèrent leur vol en s’approchant d’un camion-plateau avec lequel il se mirent en formation pour que les officiels passent un coup de peinture blanche sur le dessous des roues, ainsi tout contact avec le sol sera décelable. C’est la même procédure qui est mis en place pour le ravitaillement en carburant. Une longue ligne droite, un camion plateau à 75 MPH (120 km/h) avec un ou deux hommes pour tendre le tuyau aux deux aviateurs et mettre la pompe à carburant en marche, leur passer leur nourriture, de bons petits plats cuisinés par le chef cuistot du casino. De quoi se régaler ? Même pas, pour de vagues questions de place et de transport tout a été passé à la moulinette et mis dans des thermos (je connais des responsables de mess et de cantines scolaires qui ont risqué la pendaison pour moins que ça !)
Dans un espace aussi réduit, à deux, il faut bien s’entendre et bien se coordonner. Il faut subir le bruit constant du moteur maintenu à son régime le plus favorable et attendre, attendre… chacune de leurs vacations aux commandes du Cessna dure quatre heures. Bien sûr un système de maintien d’altitude a été installé, il leur sauvera d’ailleurs la vie lors de leur 36e nuit de vol quand Timm finira par s’endormir aux commandes de l’avion. Parfois pour rompre la monotonie de leur aventure circulaire ils s’aventurent au-dessus de la Californie ou sont rassemblés par d’autres avions de passage, parfois avec des journalistes à bord. Ils tournent, volent et ne s’arrêtent pas. Le 22 janvier 1959, ils sont en l’air depuis 50 jours, le record est à eux mais pour autant, ils tiennent et ne se posent pas. C’est le Cessna qui va alors dicter son propre calendrier.
Depuis leur décollage le moteur a perdu graduellement en puissance, mais le plus inquiétant, ce sont les équipements qui cèdent les uns après les autres : le chauffage (et les nuits sont fraîches au-dessus du désert) puis le compte-tours. Le 6 février, c’est le circuit électrique qui lâche. Plus d’éclairage nocturne pour le tableau de bord, c’est la fin de l’aventure. Après 64 jours de vol, 22 heures et quelques minutes, le Cessna retouche le sol non sans que ses trains ne soient examinés pour s’assurer qu’ils n’étaient porteurs d’aucune trace.
Barbus, fourbus, ils sortirent péniblement de leur avion mais avaient gagné leur pari et leur sponsor se frottait les mains des retombés médiatiques de cet exploit unique. Jamais un avion n’avait volé si longtemps sans interruption. Quelle publicité incroyable pour le casino mais aussi pour le constructeur de l’avion, pour Cessna !
Si vous passez un jour par le Harry Reid International Airport, le nouveau nom de l’aéroport de Las Vegas, vous ne croiserez plus Timm et Cook, ils ont quitté ce monde il y a longtemps, et vous ne pourrez dépenser le montant de vos piges à l’Hacienda, démoli en grandes pompes en 1996. Mais dans l’aérogare, Le N9217B trône fièrement, accroché au plafond comme si il ne devait plus jamais toucher terre !
La prochaine fois que vous croisez un Cessna 172 dans sa forme primitive (sans la custode arrière) ou moderne, regardez la place dans la cabine et songez à ce chiffre fou : 64 jours en vol, à deux ! Et on comprend qu’aujourd’hui la FAI ne veut plus homologuer le moindre record d’endurance !
L’histoire ne dit pas si M. Timm a été accueilli à la maison par un « c’est à c’t’heure là qu’tu rentres ! Toi et tes satanés avions ! » Au moins, il était de retour pour la Saint-Valentin !!
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