Face à de nouvelles exigences de l’Agence européenne de la sécurité aéronautique (EASA), Elixir Aircraft se voit contraint de rappeler tous les avions biplaces en service afin de procéder à une série de contrôles des aérostructures. Ces contrôles devront être réalisés par le constructeur lui-même, en usine, car ils nécessitent le démontage des avions.
L’EASA exige d’Elixir Aircraft qu’il lui prouve qu’aucun séparateur n’a été oublié dans les structures composites. Les préimprégnés sont livrés en rouleau, imbibés de résine. Au moment de la mise en œuvre dans les moules, il faut d’abord retirer le film plastique. Une opération renouvelée des centaines de fois, voire des milliers de fois en fonction du calpinage. Le moindre oubli peut fragiliser l’ensemble.
Le constructeur de La Rochelle qui se présente comme « l’unique constructeur certifié à industrialiser la production d’aérostructures en Carbone OneShot » a mis au point des moyens de contrôle spécifiques sur la ligne de production agréée EASA Part 21 G. Dans le cas présent, il s’agit de compter les séparateurs et de les conserver afin d’être sûr d’aucun oubli. Traçabilité oblige…
Les premiers avions produits par Elixir Aircraft n’ayant pas bénéficiés de cette procédure rigoureuse de contrôle, l’EASA exige que le constructeur démontre la perfection de la fabrication. Autrement dit, il va devoir prouver qu’il n’y a aucune trace de séparateur dans l’aérostructure, c’est-à-dire dans la voilure, les gouvernes et le fuselage. L’EASA veut lever la totalité des doutes.
Face à ce casse-tête, le constructeur a dû d’abord imaginer une solution. Il s’est évidemment orienté vers des contrôles non destructifs. Il a fallu définir le type de contrôles et le faire valider par des experts. En fait, il s’agit d’effectuer des mesures d’épaisseur par ultra son en des centaines d’endroits précis. Outre la validation par les experts, il faut aussi que l’EASA valide de son côté la solution proposée par Elixir Aircraft.
Compte-tenu des moyens nécessaires pour réaliser ces contrôles non destructifs, mais aussi de la méthodologie retenue, cette opération ne peut être réalisée que par le constructeur, dans son usine de La Rochelle. Il faut en effet démonter les avions, notamment déposer la voilure. Hors démontage et remontage, le constructeur estime à trois jours le temps nécessaire pour le contrôle. En attendant, l’EASA a cloué au sol l’ensemble de la flotte des Elixir.
Elixir Aircraft a livré six avions à des clients, il en possède quatre et il en a une dizaine en attente de livraison. C’est évidemment un événement industriel douloureux pour le constructeur de La Rochelle qui va retarder ses plans. Il assure qu’il ne remet pas en question ses objectifs. Dans quelques jours, Elixir Aircraft sera présent au salon du Bourget avec quatre avions et il promet à la fois des annonces de futurs développements et de nouveaux contrats. Trois avions ont également été expédiés aux USA en prévision du salon AirVenture d’Oshkosh.
Même si les imprévus sont inéluctables et peuvent être parfois dramatiques, les porteurs de projets qui se lancent dans des aventures industrielles d’une telle envergure ont une détermination hors normes. Il n’en demeure pas moins qu’un coup dur comme celui que connaît aujourd’hui Elixir Aircraft, ou qu’a dû affronter l’année dernière Aura Aero, est une épreuve.
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Bonjour,
Parfaitement d'accord avec les commentaires de Bruno Guimbal. Il serait donc intéressant de connaître l'évènement qui est à l'origine de ces contrôles. Il y en a nécessairement un. On ne cloue pas au sol une flotte d'avions sans avoir constaté une anomalie très sérieuse mettant en péril les vols sur cet appareil.
Bonjour Gil,
Je fais évidemment partie de ceux qui apprécient qu'Aerobuzz accompagne avec enthousiasme, et même soutienne l'industrie de l'aviation légère française (je l'admets, c'est très intéressé de ma part...).
Elle en a bien besoin !
D'abord nous ne sommes pas si nombreux, c'est le moins que l'on puisse dire, ni en tendance, ni en niveau. Espèce en voie de disparition, et heureusement aussi en reconstruction...
Elixir est le petit dernier, bravo !
Mais surtout, notre vie n'est vraiment pas facile dans l'environnement économique, social et administratif national. Bien des fois nous nous demandons si ça ne serait pas plus facile d'importer de la cocaïne que d'exporter des aéronefs ! Sans parler bien sûr, de les construire en Chine ou même en Suisse.
Le discours gouvernemental actuel sur la simplification et sur la réindustrialisation, pourtant positif, nous semble tellement décalé de la réalité qu'il en est pénible.
Par contre, c'est un peu contre-productif pour soutenir un constructeur, de charger l'EASA. Au mieux, c'est sans effet, vu qu'Elixir est très fier, et à juste titre, d'être certifié EASA ; au pire, ça peut nous retomber dessus.
Le ton de cet article laisse vraiment penser, à tort, qu'Elixir est victime de harcèlement par l'EASA ; "nouvelles exigences" etc...
Ce n'est pas une bataille rangée "constructeur contre EASA". Je vais un peu les défendre, si j'ose dire.
D'abord, le contrôle de la production certifiée n'est pas exercé directement par l'Agence; elle le délègue à l'autorité nationale, représentée par l'OSAC.
Ensuite, si l'EASA en arrive à émettre une directive comme une consigne de navigabilité obligatoire (clouage au sol ou autre), c'est forcément qu'il lui a été rapporté un évènement imprévu ou un accident. Constructeurs et utilisateurs s'engagent formellement à rapporter à l'autorité tout évènement. Même un défaut apparemment mineur, s'il est détecté APRES la signature du CDN de la machine par l'Autorité.
Il n'y a aucune "nouvelle exigence de l'EASA" ici, c'est leur job habituel.
Le mérite d'Elixir en tant que constructeur certifié (leur gloire je devrais dire, ça me profite !), n'est pas de ne jamais laisser passer un séparateur dans un stratifié ni de prévoir à l'avance tous les contrôles possibles et imaginables - ça c'est impossible, personne n'y est jamais arrivé.
C'est d'une part de faire un design qui minimise les conséquences d'une déviation, design démontré par des essais, d'autre part de participer à un système organisé et coercitif de réaction à ces erreurs : signalement, rappels, correction etc.
Au passage, notre mérite est aussi que c'est nous qui payons le gendarme qui nous contrôle.
Je suis sûr que ce genre de "coup dur" ne fera pas peur aux clients d'Elixir, au contraire, car s'ils achètent un avion certifié, c'est pour de bonnes raisons. Pas la peine de charger l'EASA.
Et comme le disait Nietzsche (ou c'est peut-être Coluche, je les confonds un peu...) "tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort".