Depuis des mois, Apache Aviation, la société de Jacques Bothelin, œuvrait dans l’ombre pour remettre en vol plusieurs TB-30 Epsilon . L’appareil qui a fait transpirer des générations d’EOPN (élève-officier du personnel navigant) vient de débuter une nouvelle carrière dans le civil pour continuer de faire suer des pilotes dans le cadre de stages UPRT (Upset Prevention and Recovery Training) qui seront obligatoires début 2019, pour les compagnies aériennes. Un premier contrat a été signé.
Apache Aviation a toujours eu plus d’un tour dans son sac, et les patrouilles Martini, Ecco, Adecco et Breitling ont souvent été la vitrine de l’entreprise qui propose une multitude de services à côté : vols à sensations, ATO, QT en tout genre, atelier de maintenance L-39, plastrons pour l’armée, etc. Aujourd’hui, les TB-30 Epsilon que la société dijonnaise a acquis sont les premiers à voler en France avec un CDNS. Mais, pour cela, une procédure de démilitarisation a dû être appliquée avec rigueur.
On n’achète pas un avion militaire comme on acquiert un ULM. Apache a acheté six TB-30 issus d’un lot de 19 appareils. Pour les choisir, il a fallu aller sur place avec des mécaniciens, et prendre le temps de tous les inspecter, afin de trouver les bonnes machines, certaines d’entre elles ayant potentiellement soufferts, lorsqu’elles étaient militaires. Mais, si demain, vous souhaitiez vous payer un Epsilon, ce ne sera pas simple, pour ne pas dire impossible… Car il faut d’abord savoir que les Domaines ne vendent pas ces avions à l’unité, de gré à gré. Tout se fait dans le cadre de vente par appels d’offre, qui concernent des entreprises titulaires d’une autorisation de commerce d’arme.
Apache ne disposant pas de ce titre, la société les a racheté à SECAMIC (société française de pièces de rechange et d’équipements aéronautiques militaires) pour les faire ensuite démilitariser. Pour ceux qui voudraient acheter un Epsilon pour leurs balades dominicales, le plus simple serait encore d’essayer d’obtenir un CNRAC ce qui, en réalité, serait une entreprise risquée pour ne pas dire vouée à l’échec, dans la mesure où l’avion ne présente pas un grand intérêt historique (car encore en service dans l’armée). L’autre moyen d’obtenir facilement un TB-30 serait d’aller aux USA, où quelques particuliers en font voler sous le très « confortable » statut Experimental.
Puisque Apache Aviation a décidé d’exploiter ces TB-30 dans le cadre d’une activité professionnelle, il a fallu ouvrir le domaine de vol civil : « On a convenu, avec la DGAC et Daher, de développer un CDNS avec tout ce qu’il inclut : maintenance, traçabilité des pièces, potentiel constructeur pour définir un niveau de sécurité optimal. », explique Jacques Bothelin. Il n’existait cependant aucune procédure de démilitarisation des Epsilon. Il a fallu en créer une…
Cette démilitarisation consiste principalement à retirer le cordon pyrotechnique de fragilisation de la verrière, mais on ne retire pas cet élément sensible comme on change des essuie-glaces : il faut suivre une procédure rigoureuse qu’Apache Aviation a établit en étroite collaboration avec le constructeur, et en accord avec la DGAC.
Toujours en collaboration avec Daher, de grands travaux de maintenance et de remise à niveau ont également été réalisés par les mécaniciens d’Apache, bien aidés par la société de Bruno Ducreux, Aéro Restauration Service, basée à Darois. Cellule et moteur ont ainsi été remis à neuf, et une avionique de dernière génération, cohérente avec la technologie EFIS, a été installée, garantissant la classification IFR, et la cohérence de la formation proposée par la société dijonnaise : l’UPRT.
Jacques Bothelin a toujours su anticiper les besoins mais, quoi qu’en espèrent les passionnés des patrouilles acrobatiques, s’il a racheté des Epsilon, refaire les Cartouche Doré n’est pas à l’ordre du jour ! Leur vocation sera avant tout, pédagogique. En effet, début 2019, dans le cadre de la nouvelle réglementation visant à réduire les risques de facteurs humains liés à l’accidentologie aérienne, la formation UPRT (Upset Prevention and Recovery Training) sera obligatoire pour les compagnies aériennes (de ligne comme d’affaires).
Si ce stage peut être réalisé en simulateur, ce n’est pas idéal, loin de là : d’une part, l’heure de simu est nettement plus chère qu’une heure de TB-30 et, d’autre part, il ne restitue pas les sensations physiologiques du vol, la désorientation spatiale, les facteurs de charge, etc. Dans un premier temps, les pilotes-stagiaires recevront une formation théorique à distance, via une plateforme de e-learning. Ensuite, chaque compagnie pourra adapter le nombre d’heures de vol sur TB-30 en fonction des besoins, de ses exigences et de ses pilotes, sur une base minimale de trois heures de vol, réparties sur quatre sorties de 45 minutes.
Dans le cadre de l’UPRT, les valeurs ajoutées du TB-30 sont multiples : « Le but était d’avoir un avion certifié voltige puisque dans l’utilisation qu’on en fera, on amènera le pilote vers de très fortes inclinaisons. On voulait aussi et surtout un avion qui ait une forte charge alaire, pour pouvoir être représentatif de l’aviation commerciale », explique Jacques Bothelin. Apache Aviation se distingue ainsi de certaines sociétés américaines qui pratiquent de l’UPRT avec des Extra 200 ou 300, mais dont la charge alaire, très réduite, est trop éloignée de celle des avions de ligne ou d’affaire. Qui plus est, les TB-30 d’Apache disposent d’une capote rabattable en place arrière qui supprime totalement les références visuelles, chose inenvisageable sur un biplace 100% dédié à la voltige. Ainsi privé de références visuelles périphériques, le stagiaire vivra pleinement sa formation UPRT.
Enfin, disons-le, avec cette livrée à dominante noire, presque guerrière, les TB-30 d’Apache ont une gueule d’enfer et, proposer un produit esthétique est également très important pour Jacques Bothelin.
Le 18 mai dernier, l’Epsilon numéro 1 d’Apache Aviation a réalisé son premier vol de contrôle. Le numéro 2 sortira bientôt des ateliers d’ARS, puis le n°3, et ainsi de suite jusqu’au numéro 6. Si, pour l’instant, aucune patrouille n’est envisagée sur les meetings, une activité de vols à sensations, voire de formation au vol en patrouille, pourrait prochainement voir le jour sur ces TB-30. En attendant, le client de lancement de l’UPRT selon « Apache Aviation Training and Services » est déjà booké : il s’agit de la compagnie luxembourgeoise Jetfly.
Affaire à suivre…
Bastien Otelli
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Toute l’équipe Ozelys est honorée et tellement heureuse de travailler avec l’équipe de Jacques et ses associés cofondateurs d’Apache Aviation Training & Services, Thierry, Frédéric et Olivier : bravo pour ce noble projet d’amélioration de la sécurité des vols !! Bravo Bastien pour le papier et les photos. Nous sommes d’accord : les avions ont une « gueule d’enfer » !
bravo encore pour cette initiative
au plaisir de vous voir tous et toute avec mes petits jeunes du BIA