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Aviation Générale

Electro An 1 (3/5) – Le Velis Electro à l’épreuve des opérations

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Gil Roy

A partir du moment où le Velis Electro a été certifié par l’EASA, il a tout fallu réinventer pour en faire un avion opérationnel. De l’immatriculation des machines au lâcher des pilotes, en passant par la formation des mécanos et des instructeurs ou encore à la mise en place d’un support client à l’échelle de la France, les obstacles ont été franchis les uns après les autres. Christian Stuck (Finesse Max), l’importateur français du Velis Electro, en première ligne, raconte.

La 10 juin 2021, un an après avoir reçu la certification européenne du Velis Electro, Pipistrel dressait un premier bilan. La flotte totalisait alors 1.500 heures de vol, les deux principaux exploitants étant la Fédération française aéronautique avec 6 avions et l’école suisse Alpin Air Planes avec 13. A travers l’Europe, 27 instructeurs étaient qualifiés sur le Velis Electro, ainsi que 27 mécaniciens. Derrière ces chiffres, il y a une autre réalité.

Le long chemin vers la certification a été abondamment raconté et commenté. L’implication de la FFA, au côté de Pipistrel a été déterminante, dans le grand chantier mené avec l’EASA. Mais ce qui a été constaté par les opérateurs au cours de la première année d’exploitation, est que chaque étape de la mise en service des premiers avions électriques a été en elle-même un parcours du combattant.

La certification obtenue officiellement en juin 2020, à l’échelle européenne, a dû trouver son interprétation localement. C’est un peu comme si l’EASA et Pipistrel s’étaient mis d’accord sur des principes en ayant conscience que ce serait, sur le terrain, qu’il faudrait apporter des réponses réglementaires pratiques, au fur et à mesure, que les questions se poseraient.

L’aviation électrique est une découverte pour chacun. La méthode retenue repose sur le pragmatisme. Il pouvait difficilement en être autrement.

Ce parti-pris mise aussi sur la bonne volonté des acteurs de terrain, leur ouverture d’esprit et leur capacité à prendre des risques. Et c’est là que le système retombe dans ses travers administratifs et que la patience des usagers est soumise à rude épreuve. Malgré les freins et les retropédalages, la machine prend son élan, sans doute parce que c’est avec un incroyable fatalisme que tous ceux qui se sont engagés dans la voie de l’électrification affrontent les obstacles les uns après les autres avec une détermination renforcée.

Parmi les acteurs de première ligne, il y a bien évidemment Finesse Max, le distributeur français de Pipistrel. Il est d’autant plus engagé que la FFA est le client historique du Velis Electro, et que le plus important client du biplace électrique slovène est le français Green Aerolease qui en a commandé 50 exemplaires. Quel que soit le client final du loueur breton, l’avion est immatriculé en France. Finesse Max a un rôle d’accompagnement primordial. C’est évidemment vers lui que se tourne tout un chacun dès lors qu’un blocage apparaît.

Les exemples ne manquent pas. Il a été décidé en haut lieu qu’il n’était pas nécessaire de faire une visite de 50 heures comme pour les avions à moteurs thermiques, mais qu’en revanche, les visites auraient lieu toutes les 100 heures. Le premier Velis français atteignant cette butée, quel doit être le programme de la visite ? Et ainsi de suite…

La stratégie de Finesse Max a été de mettre en place, à l’échelle de la France, un maillage national d’ateliers d’entretien. Dès janvier 2021, un premier stage d’une semaine a été organisé par Pipistrel dans son usine, en Slovénie. Chaque atelier intéressé par intégré le réseau a envoyé au moins un mécanicien Part-66. « Ce réseau va se développer avec l’extension de la flotte », explique Christian Stuck, le dirigeant de Finesse Max. « D’ici fin 2021, nous aurons en France, huit ateliers pour une vingtaine d’avions. C’est un bon calibrage ».

Les ateliers devront tous être agréés afin de pouvoir intervenir hors les murs. « L’avion électrique ne vient pas à l’atelier, c’est la maintenance qui va à lui ». C’est le genre de réalité qui se font jour en cours de route et auxquelles il faut apporter des solutions. Les dérogations sont de mises pour permettre de franchir les obstacles les uns après les autres.

« Fin 2020, je voyais une montagne pour organiser le réseau. Les ateliers se sont investis. Ils ont joué le jeu au-delà de ce que j’avais imaginé. La mise en place a été rapide et fluide ».

Actuellement 10 mécaniciens français pour 8 ateliers sont qualifiés pour travailler sur le Velis électrique. Même si le stage génère des frais supplémentaires du fait de la nécessité de se rendre, une semaine complète en Slovénie, pour Christian Stuck, il est important que les mécaniciens puissent visiter l’usine et rencontrer les techniciens du constructeur. A terme, ces techniciens constitueront le socle sur lequel s’appuiera l’électrification des ateliers de maintenance, sans doute au-delà même des moteurs électriques Pipistrel.

D’ici quelques mois, se posera aussi la question des interventions hors de France, sur des avions de Green Aerolease loué par des clients étrangers. « Nous ne savons pas encore comment nous allons pouvoir opérer sur une base aérienne militaire danoise, mais nous trouverons une solution », affirme confiant Christian Stuck, à qui, aujourd’hui, plus rien ne semble impossible, et pour qui, aucun obstacle n’est insurmontable.

Avant les mécanos, il y a eu les instructeurs. Finesse Max a formé les premiers pilotes, sur Alpha Electro, avant que le Velis Electro soit certifié. Là encore, chacun dans son domaine a dû faire preuve de souplesse et de détermination. « La FFA a été un partenaire extraordinaire », reconnaît Christian Stuck qui loue l’implication du président Jean-Luc Charron à toutes les étapes du dossier, depuis des années. Il reconnaît aussi que Jacques Carriquiriberry, le coordonnateur du Fab’Lab fédéral et l’un des premiers instructeurs à avoir été lâchés sur le Velis Electro, est « très précieux ».

Le Général Philippe Lavigne, Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE) à bord du Velis Electro « briefé » par Jacques Carriquiriberry, l’animateur avion électrique de la FFA. © FFA

Comme pour les mécanos, pour les instructeurs aussi, il a fallu un premier, pour former les suivants. La poule avant l’œuf, à moins que ce soit l’inverse ? Des heures de réunions pour se mettre d’accord sur un programme et pour accepter des dérogations. Mais au final, la marche avant est enclenché, et les formations se multiplient. Comme nous le verrons dans un prochain épisode de cette série consacrée au Velis Electro, la FFA procède par tache d’huile, en mettant à la disposition d’une région un de ses avions électriques pour former un groupe local d’instructeurs qui auront ensuite la possibilité d’en former d’autres et de qualifier des pilotes brevetés quand les premiers aéro-clubs feront le pas.

 

Au printemps 2021? Elektropostal a réceptionné à Aix-les-Milles, deux Velis Electro loués à Green Aerolease. © Elektropostal

La filière fédérale n’est pas unique. Hervé Berardi, par exemple a été formé en Suisse au moment de la préparation de la première édition du rallye Elektropostal, en septembre 2020, entre Genève et Aix-en-Provence. A Aix-les-Mille où il est instructeur au sein de l’école Elektropostal qui a loué deux Velis Electro à Green Aerolease, il a la capacité de former des instructeurs et des pilotes. Il travaille notamment avec la Fédération de vol en planeur qui a son propre Velis Electro, basé à Saint-Auban-sur-Durance. Selon l’expression de Christian Stuck, Saint-Auban est devenu « un nid ».

En avril 2021, la société FGS et la Fédération Française de Vol en Planeur ont débuté l’exploitation d’un Velis Electro pour la formation des pilotes Cadets Air France et des pilotes ab initio depuis le terrain de Château-Arnoux – Saint-Auban. © FFVP

Au fil des semaines, au niveau de la France, les effectifs de pilotes qualifiés grossissent pour notamment préparer l’arrivée des futurs machines. Elles sont livrées au compte-goutte, les capacités de production de Pipistrel étant inférieure à la demande. Les délais de livraison sont actuellement d’un an. Sur les cinq Velis Electro produits par mois en Slovénie, deux sont destinés à Green Aerolease. Finesse Max s’occupe de la classification des nouveaux Velis Electro auprès de la DGAC et de l’OSAC ainsi que du dossier d’immatriculation ; en résumé de toutes les formalités administratives.

Quel que soit le modèle, Pipistrel livre ses avions à Haguenau, où est implanté Finesse Max. Après remontage par l’importateur français, les avions sont livrés au client final. Pour le Velis Electro, il a été convenu que les avions seraient livrés directement au client final. C’est le chauffeur-mécano slovène qui remonte l’avion. C’est lui aussi qui signe l’APRS, l’autorisation de remise en service. Elle est validée par l’atelier agréé qui assurera la maintenance.

La procédure paraît simple. On imagine les semaines d’allers-retours entre le constructeur slovène, l’importateur français, l’EASA européenne, la DGAC et l’OSAC pour aboutir à un tel compromis. Là encore, le rôle de facilitateur de la FFA a été déterminant reconnaît Christian Stuck qui a été à la manœuvre sur ce dossier aussi.

L’Ecole nationale d’aviation civile (ENAC) et la Fédération française aéronautique (FFA) ont signé un accord pour l’expérimentation de l’utilisation du Velis Electro à l’ENAC. Le premier avion électrique a été mis à al disposition de l’ENAC, le 1er juin 2021. © ENAC

Après le temps des contorsions administratives qui ont duré plusieurs années et qui font désormais partie du quotidien de tous les acteurs engagés dans cette transition énergétique, arrive celui des vicissitudes des opérations. Des problèmes techniques d’exploitation apparaissent là où on ne les attendait pas. Avec toujours le même état d’esprit pionnier, les solutions se font jour.

« Nous passons les écueils les uns après les autres et nous arrivons à faire une exploitation », affirme Christian Stuck, prenant pour exemple un avion livré à la FFA, le 10 mars 2021, sur l’aérodrome de Toulouse-Lasbordes et qui a débuté ses vols en avril. Il fait une trentaine d’heures de vol par mois depuis.

« Tous ceux qui se sont engagés dans cette aventure du Velis Electro étaient très motivés. C’est une chouette expérience ».

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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