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Aviation Générale

Elixir, avion de jouvence

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Gabriel Gavard

Produit d’un Dream-Trio régénérateur d’aviation légère, l’Elixir, le biplace le plus prometteur du moment profite aussi d’acquis du nautisme, aussi bien technologiques qu’humains, initiés par Arthur Léopold-Léger. L’ingénieur aéronautique est autant à l’aise, avec ses associés, dans le fond de son atelier de la Rochelle où leur biplace Elixir est né, que seul à la barre de son monocoque, au milieu de l’Atlantique.

« Je suis né dans une famille ou l’on fait du bateau et de l’avion depuis plusieurs générations, et dans laquelle la recherche de performance est omniprésente. J’ai donc toujours fait du bateau et de l’avion« … Arthur Léopold-Léger a ainsi abordé parallèlement l’air (breveté pilote à 16 ans) et l’eau, puis était passé à la course au large et avait débuté en 2007 la construction de son monocoque prototype. Son diplôme d’ingénieur aéronautique s’est d’abord appliqué au nautisme…

En 2009, il est passé par l’épreuve initiatique du TAJP (Tour de France aérien des jeunes pilotes), sur MCR-01 car lui et son père Philippe participent activement à l’aventure Dyn’Aéro. Mais il est resté un régatier très actif, tout en cumulant aujourd’hui un millier d’heures de vol, pour la plupart en test ou en convoyage de machines expérimentales. Des machines qu’il connait intimement : également titulaire d’une licence nationale de maintenance aéronautique (LNMA), il a assemblé pas moins d’une vingtaine d’avions et assuré le suivi d’une centaine, très majoritairement des MCR.

L’avion rêvé…

Pensait-il déjà à en développer un biplace « idéal » ? « Indirectement oui : nous imaginons tous les jours des moyens de faire mieux, plus léger, plus solide, plus confortable, plus économiques, etc. Ces années de réflexion ont un poids important ans la démarche de conception de l’Elixir« .

Mais quand le but est affirmé de créer et de produire en série cette machine, d’autres qualités s’avèrent indispensables. Le très efficace et très communiquant Cyril Champenois, proche depuis leurs formations d’ingénieur, et qui s’est formé depuis chez Dassault Systèmes, sera responsable projet et organisation. Et le responsable du bureau d’études sera Nicolas Mahuet, ingénieur en conception des systèmes mécaniques aéronautiques et titulaire d’une LNMA, omniprésent pendant quinze ans à la conception et à la production chez Dyn’Aéro. La société Elixir Aircraft est créée en décembre 2014. La moyenne d’âge du trio dépasse alors à peine la trentaine.

… et réalisé

Dévoilé au Salon du Bourget de 2015, l’Elixir se démarque de toute concurrence par ses lignes très efficacement revisitées associées à une polyvalence jamais tentée jusque là sur ce segment, visant à satisfaire autant le pilote privé prospère (performances, confort, sécurité, capacité d’emport) que le gestionnaire d’aéro-club (simplicité, économie, fiabilité, grande sûreté). Des avantages rendus possibles grâce à de nouvelles solutions, elles aussi issues du nautisme. Selon Elixir Aircraft, une technologie de construction tout-carbone, inédite en aviation générale, permettra une simplification extrême et une masse à vide sans concurrence (265 kg annoncés, pour 280 kg d’emport)…

Une première mondiale

De fait, en février 2017, Elixir Aircraft et C3Technologies annoncent une première mondiale : la réalisation en une seule pièce (technologie One Shot) de l’aile de l’Elixir. Pour la première fois, une voilure n’est pas le résultat d’assemblages plus ou moins critiques. « Fissures, fatigue, corrosion et autres moisissures appartiennent dorénavant au passé ! », triomphe Arthur Léopold-Léger.

Pour les tests de vibrations, l’avion isolé du sol par des chambres à air et couvert de capteurs est secoué par des vérins pour identifier ses modes vibratoires. On corrèle ensuite les mesures avec les phénomènes aérodynamiques rencontrables en vol, pour en déduire les risques de flutter. © Elixir Aircraft

« A la base l’idée n’était pas nécessairement de faire du One Shot. Les objectifs en terme de production étaient de réduire le nombre de pièce, d’améliorer la qualité, la répétabilité, de réduire le poids, et d’augmenter concrètement la durabilité. Nous avons donc porté notre réflexion sur différentes options. Il nous est vite apparu que la fibre pré-imprégnée était bien la plus adaptée et répondait le mieux à nos objectifs. Sans savoir forcément que nous pourrions faire du One Shot à si grande échelle. Nous nous sommes ensuite rapproché de plusieurs sous-traitants du nautisme et avons sélectionné celui qui nous semblait le meilleur pour faire des pièces One Shot et le plus apte à franchir le pas pour devenir un sous-traitant aéronautique. Le travail commun nous a permis de développer une structure idéale et constructible avec ses technologies et son savoir faire« .

Tous les élément importants (aile, fuselage, gouvernes) profitant bientôt de l’innovation One Shot, l’avion prend forme à grande vitesse. Et fin août 2017, le prototype s’envole sur La Rochelle, piloté par Daniel Serres.

Après 5 h 30 d’essais en vol menés avec succès en moins d’un mois, l’avion réintègre le bâtiment d’Elixir Aircraft pour les les tests de vibration, ou GVT pour Ground Vibration Test, menés par Leichtwerk AG, la firme allemande héritière des techniques reconnues de Norbert Niedbal.

L’épreuve du chef

Mais ce 1er octobre, Arthur Léopold-Léger s’est éclipsé : il a pris le départ de la Mini-Transat avec, Elixir oblige, le handicap d’une impréparation presque totale : « Lorsque j’ai pris le départ, ce n’était que la cinquième fois que je naviguais depuis le début de l’année. Je n’avais plus passé une seule nuit en mer depuis 2015« .

La Mini-Transat 2017 se coure en solitaire sur 4050 nautiques en deux étapes. La première, sur 1350 nautiques, s’est déroulée du 1er octobre devant La Rochelle au 11 octobre pour les premiers à Las Palmas (Canaries). La seconde, sur 2700 nautiques jusqu’au port du Marin (Martinique), débute le 1er novembre pour durer près de deux semaines pour les plus rapides. Les monocoques sont de la plus petite catégorie de bateaux de course, de seulement 6,50 m, et s’avèrent les plus inconfortable. De plus, le règlement interdit de communiquer avec la terre pendant la course…

Cela fait dix ans qu’Arthur Léopold-Léger s’est lancé dans le projet de devenir Ministe (compétiteur de la Mini-Transat). Mais pour l’étudiant qu’il était, cela commençait par la construction d’un bateau prototype 100% en fibre de carbone sur plans de Marc Lombard, lui aussi pilote et passionné d’aviation. Le projet débuté avec ses 2000 € d’économies débouchera à force de persuasion de mécènes et de partenaires techniques, puis grâce à un emprunt bancaire personnel conséquent.

Fin septembre, l’Elixir avait volé 5h30, d’abord avec Daniel Serres (photo), puis avec Didier Incinkas. © Elixir Aircraft

« J’ai eu la chance d’avoir un soutient fort de mon entourage, famille, amis et partenaires technique. L’élément déclencheur qui a permis de faire réellement avancer la construction du bateau a été l’arrivée dans l’aventure du chantier naval Sailing Concept qui m’a hébergé et aidé à construire le bateau. Chantier appartenant à Alain Gabbay, célèbre navigateur et aussi fondu d’aviation et ami de longue date de mon père« , précise Arthur Léopold-Léger. « La construction a été entièrement artisanale. Ce projet nautique englobe tellement d’aspect différent (conception, construction, navigation, développement, mais aussi financement, gestion de projet, logistique, opérations de communications, etc.) qu’il est clairement un élément très formateur dans ma vie« .

Une réussite précipitée

En 2013, sa première participation à la Mini-Transat s’était soldée par un abandon forcé après une chute en mer.

L’édition 2017, où son nom est absent des pronostics et que le jeune timonier d’Elixir Aircraft a rejoint dans la précipitation, lui a été beaucoup plus favorable : s’il a de nouveau créé la surprise, c’est cette fois-ci en passant la ligne d’arrivée à Las Palmas en deuxième position sur 81 coureurs, 113 secondes seulement derrière le premier après dix jours de mer…

Sitôt arrivé, il a sauté dans le premier avion pour rejoindre l’aviation.

Le récit de sa course par Voiles et Voiliers décrit les épreuves traversées. « Le jeune chef d’entreprise a montré tout son talent et sa détermination dans cette première manche. La deuxième étape va être chaude ! », résume le magazine. Arthur Léopold-Léger promet de l’aborder comme la première : « Une fois encore, je vais arriver au dernier moment à cause du boulot« .

Faut-il autant d’énergie pour une transat que pour sortir un nouvel avion certifié ? « Depuis la création d’Elixir Aircraft, l’équipe se bat comme si nous étions en course et que chaque détail peut faire la différence », reconnait Arthur Léopold-Léger. « Il y a donc beaucoup de similitude et il nous faut à tous beaucoup d’énergie. Cependant la vie en mer et en course reste quelque chose de très particulier. Même si l’environnement est grandiose, la vie y est difficile, peu de sommeil, énormément de dépense énergétique car le corps est en permanence en mouvement et génère donc une activité musculaire importante (même pendant le sommeil !), l’impact des éléments est également usant, l’eau, le sel, le soleil, les frottements. Niveau intensité il y a beaucoup de similitudes, mais physiquement les deux aventures divergent grandement« .

L’ouverture en janvier

Ces jours-ci, la voilure One Shot doit rejoindre le CRITT Rescoll, le plus important laboratoire privé français de caractérisation de matériaux aéronautiques, pour des essais statiques jusqu’à rupture à sa température maximum en service, autour de 70°.

Les résultats complets des deux tests, estimés en janvier 2018, conditionnent l’ouverture de la totalité du domaine de vol, jusque là limités par l’EASA à 1,45 G et 200 km/h.

Elixir Aircraft compte décrocher la CS-LSA du biplace mi-2018, en même temps que son POA (Production Organisation Approval) sur lequel l’entreprise planche depuis deux ans, et qui autorisera l’assemblage dans ses locaux actuels. Le premier exemplaire de série sera livré dans la foulée.

Gabriel Gavard

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Gabriel Gavard

Pilote avion et ULM depuis 1984, c’est par la construction amateur et les revues techniques (Fox-Echos, qu’il a créée, puis Experimental dont il sera rédacteur en chef) que Gabriel Gavard a abordé la presse aéronautique en 1994. Rédacteur en chef d’Aviasport de 2005 à 2011 et d’ULM-Info de 2017 à 2020, collaborateur à Aerobuzz.fr depuis 2012.

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