Au moment où débute, à Toussus-le-Noble l’expérimentation en vraie grandeur de l’apprentissage du pilotage d’un avion électrique dans un environnement d’aéro-club, l’un des deux pilotes instructeurs formés sur l’Alpha Electro du Fab’Lab de la Fédération française aéronautique (FFA), tire les premiers enseignements.
Avec l’arrivée à Toussus-le-Noble, début 2019 de l’Alpha Electro de Pipistrel, le Fab’Lab de la Fédération Française Aéronautique a pris une tournure opérationnelle. Jérôme Coornaert est l’un des deux pilotes instructeurs désignés par la FFA pour débuter l’expérimentation de cet avion électrique sur l’aérodrome francilien.
Formé initialement à Haguenau chez Finesse Max (le distributeur français de Pipistrel), son rôle désormais est de partager son expérience avec d’autres instructeurs qui, à leur tour, initieront d’autres pilotes. L’expérience et les conseils de cet électro-pilote s’avèrent donc précieux puisqu’ils constituent, à n’en pas douter, un tournant dans notre pratique du pilotage. Jérôme a répondu à nos questions.
Piloter un avion électrique ne sera pas plus compliqué que piloter un avion thermique, affirme Jérôme Coornaert. Cela sera peut-être même le contraire. Ce constat sonne comme un premier enseignement. Le contrôle d’un moteur électrique n’est pas sorcier. Moins de commandes, moins d’instruments, tout est plus simple. Côté manettes, quand un avion thermique cumule manette des gaz, manette de richesse, réchauffage carburateur ou alternate air, l’avion électrique n’est contrôlé que par une unique manette de puissance.
Côté tableau de bord, l’Alpha Electro dispose d’un écran permettant de visualiser les paramètres moteur. La page principale regroupe les paramètres essentiels que sont la puissance moteur (exprimée en Watt) et la jauge batterie (exprimée en %). Les indicateurs de température batteries, moteur et inverter sont également présents sur cette page. L’Alpha Electro possédant deux batteries, le pilote peut accéder, via une page secondaire, à la température de chacune d’entre elles.
La mise en œuvre de l’avion en est donc considérablement simplifiée. Plus de magnétos, plus d’essais moteur, les check-lists sont allégées. Vous montez dans l’avion, mettez 4 boutons sur ON (batterie, avionique, moteur et manette de puissance), et c’est parti.
L’hélice ne tourne pas ? Tout est normal. Le moteur électrique, manette de puissance sur ralenti, ne tourne pas. Cela peut paraitre déroutant de prime abord mais on s’y fait vite. Heureusement, en final, l’effet moulinet créé par le vent relatif vous évite d’avoir la sensation stressante de la panne moteur, hélice arrêtée devant votre nez.
On peut ainsi imaginer que, dans un futur peut-être pas si lointain, ce sera le passage de l’avion électrique vers l’avion thermique et ses procédures complexes (mise en route, essais moteur, gestion des pannes) qui posera problème aux pilotes.
L’Alpha Electro a été conçu sur une base de Virus, son équivalent thermique. L’Alpha Electro est donc un avion léger. Et c’est là une de ses caractéristiques premières. Les instructeurs qui vous feront découvrir cet avion devront ainsi vous former à deux nouveautés : le moteur électrique et le pilotage de ce léger avion léger !
D’un point de vue électrique, étant donné la mise en œuvre simplifiée, le travail portera essentiellement sur la gestion de l’autonomie. En électrique, celle-ci doit mériter une constante attention. Imaginez-vous partir en vol avec une heure d’autonomie dans les réservoirs. Peu de pilotes prennent ce risque, à juste titre.
La gestion de cette contrainte doit donc absolument être enseignée et intégrée par les futurs pilotes. L’expérience montre qu’un tour de piste consomme environ 10% de batterie et que l’autonomie totale (100%) atteint environ 1 heure. Les instructeurs actuels s’imposent de ne jamais descendre en dessous 30%, ce qui correspond à environ 45 minutes de vol. La limite à ne pas dépasser étant 20% puisque le comportement des batteries en deçà devient non-linéaire. En cas de remise des gaz (pardon, des électrons) à 30%, le dernier tour de piste ferait donc descendre l’autonomie à 20%.
Coté aérodynamique, l’avion n’est pas lourd. Sa réponse aux pompes et aux turbulences est donc immédiate, la bille en témoigne. Doté d’une finesse aux environs de 15, il faut prêter une attention particulière à la surveillance du plan si on ne veut pas se retrouver trop haut en courte finale. Les pilotes habitués aux Cessna et autres Robins auront donc du travail pour appréhender cette machine.
Le danger principal pour le pilote électrique reste l’emballement thermique des batteries au lithium. Ce phénomène correspond à une réaction chimique exothermique qui s’auto-entretient. Cette divergence peut entrainer de très hautes températures et un risque d’incendie. Le seul moyen de la combattre est le refroidissement.
Comme l’aviation thermique, l’aviation électrique a ses propres risques. De la même manière qu’on traiterait un feu moteur sur un avion thermique, les procédures à appliquer en cas de feu batterie ou moteur seront donc à travailler sur les avions électriques.
L’Alpha Electro est en outre équipé d’un parachute de cellule qu’il sera également nécessaire de prendre en compte dans la découverte de cette nouvelle machine.
L’homme n’est que paradoxe. Le pilote n’échappe pas à la règle. Quand il s’agit de voler, tous les moyens sont bons, même si ils doivent écorcher quelques-unes de nos convictions. C’est ainsi que, loin de toutes considérations écologiques, beaucoup d’entre nous s’adonnent régulièrement à leur loisir favori en se souciant peu de leur impact environnemental.
La dissonance cognitive n’étant pas agréable, le pilote se retranche derrière le manque d’offres écologiques que lui propose le marché de l’aviation légère pour se donner bonne conscience. L’électrique n’est certainement pas la panacée en matière de protection de l’environnement, mais c’est indéniablement un pas dans la bonne direction pour notre aviation de loisir.
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Guillaume François
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Bonjour,
Y a-t-il une récupération d'énergie en position ralenti, lorsque les hélices tournent dans le vent relatif (on est d'accord que ces phases sont très courtes voire inexistantes parfois, et on peut se demander la rentabilité de la chose, mais justement, la réponse en dira long sur cette rentabilité qui pourrait sauver une vie pour quelques secondes supplémentaires de vol) ?
Oui, et il y a aussi des pédales pour que le pilote puisse recharger la batterie en vol....
D’après le dépliant publicitaire de l’avion, si il pédaler assez fort, il peut même envisager la traversée de la manche....
Toussus est déjà contraint dans son utilisation quotidienne, après l'in-extremis sursit à la fermeture de Sallanches ("recadrage" de la procédure), dont le maire argumente sa décision sur des faits de nuisances, il me semble que la récupération d'énergie devrait être focalisée sur la FFAéro qui a tant à faire, face aux doutes et résistances existants au sein même de son propre écosystème...
Quels sont les souhaits de l'aérien : vivre ou autistiquement résister aux fortes attentes sociétales ?
De quel électrochoc a-t-on besoin avant de nous mettre en attitude d'adaptation ?
Oui, il y a récupération d’énergie en finale