Un véritable saut technologique est entrain d’être réalisé par l’Onéra en collaboration avec Duc-Hélice. Il doit déboucher sur la certification rapide d’une hélice performante et silencieuse.
Le bruit de l’hélice est dù à deux sources essentielles. D’une part, le bruit dit » d’épaisseur « , d’autre part, le bruit dit » de charge « . Le premier est dù au volume d’air chassé par les pales au cours de leur mouvement. Le second est dù aux accélérations communiquées au fluide par les pales ; il est d’autant plus élevé que la traction est importante.
Le bruit d’épaisseur dépend du nombre de pales, de la vitesse d’avancement, de la vitesse périphérique en extrémité de pale et de l’épaisseur des profils. Le bruit de charge dépend, lui aussi du nombre de pales, de la vitesse d’avancement et de la vitesse périphérique en extrémité de pale, mais également de la traction sur les pales et du couple transmis aux pales. Concrètement, si la vitesse périphérique baisse, le bruit d’épaisseur et le bruit de charge baissent. En revanche, si la vitesse d’avancement baisse, le bruit d’épaisseur diminue, alors que le bruit de charge augmente. Pour un nombre supérieur de pales, le résultat est inverse, c’est-à-dire que le bruit d’épaisseur augmente et le bruit de charge diminue. Dans la réalité, ces modifications des paramètres sont couplées : une diminution de la vitesse périphérique impose, par exemple, une augmentation du nombre de pales.
Concentration de matière grise
Réduire le bruit de l’hélice est un casse-tête du niveau des compétences des ingénieurs de l’Onéra. Ils s’intéressent à ce problème depuis le début des années 70, mais ce n’est vraiment depuis fin 2003, qu’ils y travaillent dans le but de déboucher sur une solution industrielle. L’Onéra a reçu un financement de 450.000 € la DGAC via la Direction des programmes aéronautiques et de la coopération (DPAC). La Fédération française de vol à voile est partie prenante. Mais les résultats intéressent la communauté aéronautique dans son ensemble. L’objectif est de définir les caractéristiques d’une hélice silencieuse adaptée au moteur Lycoming de 180 cv qui équipe aussi bien le DR400 que le Rallye 180T, voire un MCR.
Avant de décider que l’hélice silencieuse devrait avoir 5 pales, l’Onéra a évalué 9 hélices : 5 tripales (diamètres compris entre 1,64 et 1,74m), 1 quadripale et 3 hélices à 5 pales. L’étude a montré, conformément à ce qui est précisé plus haut, que pour un nombre donné de pales, si on augmente le diamètre, les performances aérodynamiques augmentent. Seule, une augmentation du nombre de pales peut donc de manière significative réduire le bruit de charge. L’objectif était de comparer les résultats aux performances de l’hélice Sensenich de 1,93 m qui équipe les remorqueurs de la FFVV.
Pour les hélices tripales, l’étude a démontré que les performances restent inférieures, en phase de montée, aux performances de référence et le gain sur le bruit en certification plafonne à + 6 dBA. Pour ce qui concerne le quadripales, les performances s’améliorent à diamètre égal et le gain sur le bruit atteint + 8 dBA. Enfin, les performances des hélices à 5 pales dépassent les performances de référence et le gain en bruit dépasse 9 dBA. Au final, la tripale est apparue trop limitante en termes de résultats. La quadripale s’est montrée être un bon compromis, mais la prise en compte des raies moteurs peut ramener le gain de bruit de 8 à 6 dBA. L’hélice à 5 pales d’un diamètre de 1,68 m a été retenue. Sa réalisation a été confiée à la société Duc-Hélice qui a mené une étude de faisabilité destinée à définir géométriquement le pied de pale, l’encombrement du moyeu d’hélice et la pale d’hélice.
Des essais de rigueur
Duc qui travaille sur le créneau des ULM a acquis un savoir-faire dans la mise en œuvre des matériaux composites et en particulier de la fibre de carbone qui a intéressé l’Onéra. La fibre de carbone permet la recherche de formes particulières et la réduction des épaisseurs. Les pales sont donc en fibre de carbone (cœur en Rohacel, une sorte de mousse plastique supportant les contraintes en compression). Elles comportent des inserts métalliques sur les bords d’attaque pour satisfaire les contraintes d’utilisation des avions sur terrains sommaires.
Les essais sont dirigés par les ingénieurs de l’Onéra. Les essais au sol sont réalisés par le SEFA à Castelnaudary, les essais en vol par le STNA à Gaillac. Les premiers sont programmés au quatrième trimestre 2006, les seconds, début 2007.
Les essais au sol ont plusieurs objectifs : la caractérisation du groupe motopropulseur équipé du silencieux Scai-tec utilisé en vol, la mesure des performances (couple et traction en fonction du régime) de l’hélice afin de recaler les codes de calcul et de faciliter la détermination du pas » nominal « , la vérification de la tenue mécanique de l’hélice et la mesure des sollicitations mécaniques et des déformations subies par les pales, la vérification de l’intégrité de l’hélice en vol. Quant aux essais en vol, ils visent : à évaluer les performances (montée, survol) de l’hélice par rapport à l’hélice de référence, à comparer les niveaux de bruit pour le point de certification et pour différents régimes en palier et enfin de vérifier les performances aérodynamiques et acoustiques en présence de planeur (rappelons qu’initialement, cette étude est initiée à la demande de la FFVV).
Le dossier de certification sera monté par les industriels qui souhaiteront produire cette hélice silencieuse. Duc-Hélice est évidemment le premier en lice. La certification ne devrait pas poser de problèmes majeurs. Elle devrait aller au contraire relativement vite. Le sérieux et la crédibilité de l’Onéra qui aura conduit les essais (au sol et en vol) en sont le gage. Toutefois, avec l’administration française, il ne faut douter de rien.
Gil Roy. Aviasport N°621 / Décembre 2006
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