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L’ESMA devient chinoise

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Martin R.

L’école créée par Air Littoral dans les années 80 vient d’être rachetée par un groupe chinois.


Air Littoral avait vu grand en construisant une école de 11.000 m2 sur l’aéroport de Montpellier. Le projet était si ambitieux qu’à l’époque, on ne parlait pas d’école, mais de  » campus aéronautique « . C’était dans les années 90. Depuis, les quatre baies, ces vastes espaces, hauts sous plafond, destinés à abriter les simulateurs  » full flight  » sur lesquels les pilotes de ligne auraient du venir passer leurs qualifications de type, ont été reconverties en salles d’entraînement pour les hôtesses et stewards ainsi qu’en terrain de badminton. Il est peu probable, qu’un jour, un simulateur d’A320 ou de 737 soit implanté ici. Le grand amphithéâtre ne sert plus que dans les grandes occasions. Une partie des bureaux est louée à des sociétés de services. Et paradoxalement, dans cette configuration basse, l’ESMA apparaissait plus crédible, mieux proportionnée aux réalités du marché. Aéroconseil, qui en avait pris le contrôle lui avait affecté une vocation spécifique. Il vient de céder l’école à un groupe chinois de Hong Kong (De Heerd Investments). L’ESMA change une nouvelle fois de propriétaire et cette fois-ci, aussi, de pavillon.

Tous les métiers de l’aérien

La stratégie mise en œuvre à l’ESMA par Aéroconseil était évidemment en rupture avec celle qui était la sienne du temps d’Air Littoral. L’école avait été créée pour répondre prioritairement aux besoins de la compagnie en personnel navigant, technique et commercial, ainsi qu’en mécaniciens et techniciens. Même si elle était ouverte sur l’extérieur, Air Littoral était de loin son premier client avec lequel elle réalisait 60 à 70 % de son chiffre d’affaires. L’ESMA n’étant plus adossée à une compagnie, une nouvelle orientation lui a été nécessairement été donnée.

 » Notre objectif est de devenir une grande école internationale au service du monde aérien en adéquation avec ses clients et notamment avec Airbus « , précise Jean Durand, le directeur général délégué de l’ESMA. Lors de notre visite à Montepellier, à l’automne dernier, il revendiquait, pour son école, la spécificité d’être la seule structure à couvrir tous les besoins d’une compagnie, des équipages aux équipes techniques en passant par les métiers de l’aéroport. En conséquence, le catalogue des formations est étoffé. A l’époque, il n’était pas question de vente de la société. Des auditeurs chinois d’Air China étaient présents. Officiellement, ils étaient là pour évaluer la capacité de l’école à former les pilotes des grandes compagnies chinoises. Pas pour acheter l’ESMA.

Jean Durand justifiait leur présence par sa volonté de s’ouvrir aux marchés étrangers.  » Dans les quatre métiers, pilotes, techniciens de maintenance, hôtesses et stewards, personnels d’escale et des opérations aériennes, nous proposons des formations ab-initio et des formations avancées, ainsi que des cursus spécifiques à la demande des clients des familles Airbus et ATR. Nous souhaitons évidemment former le plus possible de professionnels étrangers à Montpellier, dans nos locaux, mais nous savons aussi qu’à terme, les pays émergeants aspirent à leur autonomie. Nous préférons les aider à acquérir cette autonomie et dans l’intervalle assurer la formation de leurs personnels. Entre les premières études et le démarrage des formations il s’écoule au minimum cinq ans « . Trop long apparemment pour la Chine dont les besoins sont évalués à 10.000 pilotes de ligne d’ici à 2010.

Dans cette logique d’ouverture internationale et de transfert de savoir-faire, l’ESMA a noué des relations étroites avec le Vietnam. La cinquième promotion de cadets de Vietnam Airlines est en formation à Montpellier. L’école vient de signer un premier contact avec l’Afrique du Sud et elle était, depuis mai 2005, en pourparlers avec la Chine.  » Les besoins d’Air China portent sur 500 pilotes et autant de mécaniciens, par an, sur huit ans. Nous sommes en concurrence avec des écoles canadiennes, américaines, australiennes et néo-zélandaises. Le basculement de la Chine vers Airbus est une bonne chose pour nous. Même si Air China décide de traiter avec plusieurs écoles, cela peut représenter un contrat important qu’il faut anticiper « , nous expliquait, il y a quelques semaines le directeur de l’école, à la veille de son rachat.

Transfert de savoir-faire

 » Au-delà de la création d’une école, derrière, il y a beaucoup à faire dans le développement en étoffant l’éventail des formations et en aidant nos partenaires à obtenir leurs agréments. Dans le cas de la plupart de ces pays émergents comme la Chine ou l’Inde, ce n’est pas non plus avec une seule école qu’ils régleront leurs problèmes de formation. Nous nous inscrivons dans une logique de transfert de savoir-faire. Il y a beaucoup de monde pour proposer de la formation, il y en a beaucoup moins pour accepter un transfert de savoir-faire durable « .

L’ouverture sur le monde est aussi une nécessité pour une école française.  » Aujourd’hui le marché français est dépressif « , affirmait alors Jean Durand.  » Il va repartir. Nous commençons à sentir des pressions sur le marché de l’emploi des pilotes. Le réservoir des 1.800 chômeurs créé à la suite de la liquidation en cascade d’Air Littoral, AOM, Air Lib, Aéris et quelques autres encore, serait en train de se résorber, selon le directeur de l’ESMA.  » Nous commençons à avoir des difficultés à trouver des instructeurs. Depuis dix-huit mois, c’est de plus en plus difficile. Ce sont les premiers prémices. Nous sentons également que sur la filière commandant de bord, la demande augmente « .

La France fait aujourd’hui figure d’exception sur le marché du travail des pilotes. Elle est devenue le dernier pays où le nombre des pilotes sans emploi est aussi important. Cela peut, en partie, s’expliquer par le manque de mobilité de la plupart d’entre eux et leurs lacunes en anglais. Sans aller jusqu’en Chine ou en Inde, où les filières de formation ab-initio ne parviennent plus à faire face à la demande et où les transporteurs sont contraints de recruter à l’étranger, les opportunités sont multiples en Europe.

Quoi qu’il en soit, cette situation spécifique du marché français, désormais verrouillé par Air France et ses filiales, calme les ardeurs de ceux qui rêvent de devenir pilotes.  » Le nombre des examens a fortement diminué « , remarque Jacques Guasch, chef-pilote de l’ESMA. Le marché français des formations modulaires est restreint. Les cursus sur-mesures qui se construisent par stages successifs en fonction des rentrées d’argent des candidats cèdent le pas aux formations intégrées qui permettent à un débutant de devenir pilote de ligne théorique en 18 mois. Les élèves enchaînent après le bac ou une tentative en classe préparatoire. Pour les parents, l’ESMA offre le visage d’une école moderne et sérieuse, au même titre qu’une école d’ingénieurs ou de commerce.

Toutefois, ce marché des formations individuelles demeure à un bas niveau d’activité ce qui oblige les écoles qui le peuvent à aller chercher des clients en dehors de l’hexagone. Et chacune de mettre en avant ses atouts. Pour l’ESMA c’est évidemment sa situation géographique dans une région au climat favorable et possédant une densité importante d’infrastructures aéroportuaires.  » Nous sommes plus chers que nos concurrents étrangers, mais nous jouons sur l’aspect qualitatif, ainsi que sur le fait que la formation ab initio JAA que nous dispensons, contrairement aux formations FAA, permet à un copilote d’être opérationnel beaucoup plus vite après sa qualification de type « , affirmait le directeur de l’école. En permanence, 80 à 100 pilotes stagiaires vivent sur le campus de Mauguio.

Il paraît logique que le changement de propriétaire risque d’avoir des conséquences lourdes sur l’avenir de l’ESMA. Il est encore trop tôt pour préciser dans quelle direction, l’ancienne école d’Air Littoral, va s’engager.

Gil Roy. Aviasport N°623 / Février 2007

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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