Les professionnels du drone adoptent de plus en plus largement les grands principes de l’aéronautique. Que ce soit au niveau de la conception et de la réalisation des engins volants, des opérations et du maintien de compétences des télépilotes, les acteurs de la filière drone font preuve d’une remarquable maturité et d’un sens aigu de leurs responsabilités. Preuves à l’appui.
Sur l’aérodrome de Sainte-Hélène (Gironde) reconverti en plate-forme d’essais en vol du CESA Drone (Bordeaux Technowest), Fabien et Arnaud, les deux télépilotes d’Altamétris, la filiale drone de la SNCF, sont d’une remarquable efficacité. Après avoir sorti de sa caisse, leur impressionnant drone Riegel Ricopter (25 kg de masse au décollage, 8 rotors), ils égrènent une check list de plusieurs pages ; une pour chaque phase de la mission.
Cette rigueur, ils l’ont acquise au sein de l’Armée de l’air où ils ont effectué une carrière de télépilote de drone. Ils ont été recrutés par Altamétris, en même temps qu’un troisième télépilote, pilote avion civil. En France, ils font partie de la poignée de télépilotes civils qualifiés pour évoluer dans le Scenario S4, autrement dit pour effectuer des missions dites de grande élongation jusqu’à une 15 de km. Ils pilotent indifféremment des drones à voilures tournantes comme le Ricopter, et des drones à voilure fixe, comme le DT26 de Delair avec lequel ils effectuent une centaine de missions de nuit de 3 à 6 heures de vol chacune, par an, pour inspecter le réseau ferré.
Aeromapper a signé un premier contrat avec Engie qui porte sur le survol de 120 km de canalisation par mois avec un drone à voilure fixe Avem. Engie fait partie de la quinzaine de clients pour lesquels Aeromapper vole quotidiennement. Cette start up créée en 2012 est l’autre grand opérateur français, spécialiste de la grande élongation. « Notre objectif est d’avoir la sécurité, la fiabilité et le prix de l’avion », affirme Nicolas Sonnet, l’un des trois co-fondateurs de la société.
Avant de devenir télépilote de drone, cet ingénieur « mécanique du vol » de formation, faisait du suivi de réseau en avion. Il totalise un millier d’heures de vol en tant qu’ingénieur navigant. Alexandre Gahide, le PDG de la société, lui a accumulé 3.000 heures. « Notre métier d’aujourd’hui, nous le faisions avant avec un avion », résume-t-il. Ils ont transposé au drone, la rigueur de l’aéronautique.
A tous les niveaux et dans tous les domaines, ils sont de plus en plus nombreux à être convaincus de cette nécessité. Il faut que le drone puisse démontrer un niveau de fiabilité au moins aussi élevé que celui de l’aéronautique pour espérer se développer de manière significative, affirme Yann Barbaux, président du pole de compétitivité Aerospace Valley et directeur de l’innovation chez Airbus.
Cette fiabilité repose évidemment sur la qualité de conception et de la construction des drones. Azur Drones a lancé, en septembre 2018, la production en série de son drone automatisé pour la protection de site sensible. Elle fait suite à l’acquisition, il y a quelques mois, de la start up Skyetech, l’une des pépites de la technopole Bordeaux-Technowest. Skyetech est la conceptrice de ce drone automatisé.
Pour gagner le pari de la fiabilité, Azur Drones a fait le choix de tripler tous les composants et système de son drone. La redondance est désormais la règle dans la construction de drone professionnel. C’est à ce prix que le matériel pourra à terme être certifié. Pour l’heure, la filière planche sur les critères de certification. Et là encore, on retrouve autour de la table des acteurs de l’aéronautique.
Mais même quand les grands exploitants de réseaux opèrent des drones pour leur propre compte, à l’intérieur de l’emprise de leurs sites industriels, ils tendent à adopter une démarche toute aéronautique. Enedis qui gère le réseau de distribution de l’électricité en France a déjà doté une cinquantaine de ses techniciens de réseaux d’un drone DJI Fantom 4 qui n’est pas à proprement parler un drone professionnel. Daniel Kaeser l’assume : « Cela s’inscrit dans la démarche « Toy to tool » d’Enedis ».
Daniel Kaeser est le responsable Sécurité des vols et des opérations, au niveau Aquitaine nord qui compte 9 télépilotes. « Nous sommes organisés comme une compagnie aérienne. Nous avons notamment deux référents qui ont en charge plus précisément les retours d’expérience et le recyclage des pilotes ». Les télépilotes qui sont suivis mensuellement, doivent effectuer au moins heure de vol par mois et 12 heures par trimestre. Sinon, ils suivent un recyclage. Pour Enedis, le drone est un nouvel outil, ni plus ni moins, et il est appréhendé par les électriciens avec la rigueur qui les caractérise et qui n’a rien à envier à celle de l’aéronautique. Quand il s’agit d’intervenir sur des lignes à haute tension, il n’est pas question de faire d’impasse.
Enedis prévoit de doubler ses effectifs de télépilotes en 2019. Une cinquantaine de techniciens de réseaux supplémentaires vont passer leur brevet de télépilote, selon les nouvelles modalités entrées en vigueur, le 1er juillet 2018. Depuis cette date, la filière drone possède notamment son propre brevet théorique de télépilote de drone. Et preuve supplémentaire que le drone est en train de se rapprocher de l’aéronautique, le manuel du télépilote de drone vient de paraître aux éditions Cépaduès.
Gil Roy
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Cette mutation va peut être permettre d'assouplir un peu certains scénarios de vol, tout en conservant une exigence importante en terme de sécurité. A voir!
Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que, sur le plan du droit, le drone est qualifié "d'aéronef piloté" dont la particularité est que le pilote n'est pas "dans" l'aéronef mais "déporté", c'est à dire hors de l'aéronef.
Il n'est donc pas étonnant que la majorité des concepts de l'aéronautique civile - au moins pour les drones dont le poids est supérieur à 800 g - a vocation à s'appliquer, y compris pour la réglementation.
Les possibilités techniques dans les domaines de la conception, fabrication, utilisation opérationnelle progressant plus vite que les réglementations qui doivent socialement les "encadrer", on assiste actuellement à une constante et relativement rapide évolution dans tous ces secteurs. Il faut saluer ce dynamisme ambiant dont Aerobuzz se fait régulièrement l'écho dans les articles proposés. Merci à Gil.
@Yann : si je ne ma trompe pas, il s'agit d'entrer dans le paradigme de la sécurité et cela impose d'observer - et de procéder - différemment.
Sinon on peut comparer avec le permis de conduire automobile qui est qui est à sa manière un diplôme irrationnel réservé aux ingénieux du volant, mais "ça le fait généralement"...
Alors le ciel est à celui qui le regarde du bon œil.
Une précaution avant d'y mettre le doigt : c'est plus addictif que le tabac et la bêtise quotidienne réunis !
Alors le malheureux pilote se soigne tous les jours.
Punaise, je suis passionné de pilotage, je souhaiterais rapidement passer pro en obtenant le théorique ulm, souhaiterais faire du S4 en activité particulière si cela m'était accessible. Mais à vous lire, cela n'est réservé qu'à des ingénieurs, ou anciens techniciens de l'armée de l'air...
Rapidement, rapidement...
Maladie du monde moderne !
On ne devient pas pilote "rapidement" ! On le devient, ou pas...
Le pilotage, surtout dans un cadre professionnel, demande un état d'esprit et une rigueur de tous les instants. Cela ne s'obtient pas "rapidement" mais avec du travail théorique et surtout pratique. Que ce soit pour du drone, du Rafale, de l'Airbus A380...
Par contre, c'est accessible à toute personne un tantinet sérieuse et motivée, et qui démontre sa compétence.
Le stade S4 est le stade ultime du télépilote professionnel. Pour viser cette compétence il faudrait peut-être par commencer par les autres échelons de l'échelle, et les monter comme il faut.
On croise beaucoup d'ingénieurs et d'ex-militaires, c'est vrai. Ils ont pour eux cette déformation professionnelle bénéfique issue de leur formation scientifique, mécanique, pragmatique, procédurale : la rigueur.