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Aviation Générale

L’accident mortel d’un Cirrus SR22 dans le Doubs pose la question de la prévention de l’hypoxie

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Fabrice Morlon

Le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) a rendu ses conclusions sur l’accident qui a coûté la vie à trois occupants d’un Cirrus SR22 près de Besançon, en septembre 2020. Après avoir passé 90 minutes sans oxygène au-dessus du FL100 (au-dessus de 3.000 m), le pilote aurait pu éprouver des troubles cognitifs post-hypoxiques lors de la réoxygénation du cerveau durant la descente.Après avoir décollé de Caen Carpiquet au matin du 28 septembre 2020, le Cirrus SR22 G2 immatriculé aux UAS (immatriculation en N) et ses trois occupants prennent la direction de Besançon-La Vèze, où l’un d’entre eux est attendu pour un rendez-vous professionnel.

Sous régime de vol IFR, le Cirrus est suivi par le contrôle aérien qui autorise le pilote, qui en a fait la demande « pour plus de confort », à monter depuis le FL110, niveau déposé sur par le pilote sur le plan de vol, vers les niveaux 130 puis 150.

Après 1h35 de vol, le Cirrus SR22 arrive au niveau du VOR de Dijon. Le contrôle autorise la descente à partir du point LISMO, à 25 NM au sud-ouest de l’aérodrome de destination. La piste 23 est en service, la visibilité est de 4.000 m et le plafond se situe à 400 ft.

Parvenu à une hauteur de 3.500 ft, le monomoteur fait un court palier, dépasse le point de descente final (QM406) et ne parvient pas à stabiliser la descente. Le Cirrus oscille sur sa trajectoire, alternativement sous le plan puis au-dessus du plan de descente, avec des vitesses verticales comprises entre + 2.000 ft/min et – 2.000 ft/min. Le pilote automatique, limité à +/- 1.600 ft/min était désengagé et le BEA n’exclue pas une panne de l’équipement.

L’altitude de l’avion chute brusquement, puis des témoins le voient sortir de la couche, en vrille avec l’extracteur de parachute sorti. Le parachute n’a pas eu le temps de sortir entièrement. L’avion s’écrase à 3 NM du seuil de piste de Besançon-La Vèze.

Trajectoire finale du Cirrus SR22. © BEA

Dans son rapport d’enquête après accident, le BEA note que le système de distribution d’oxygène, Precise Flight, n’était pas fonctionnel. Les propriétaires de l’avion immatriculé aux USA avaient décidé de ne pas maintenir l’équipement, comme autorisé par la réglementation FAA (Federal Aviation Administration). La bouteille d’oxygène était vide et un placard « INOP » avait été apposé sur le système.

Or, « l’avion a volé environ 90 minutes au-dessus du FL 100, dont environ 60 en palier au FL 150 » précise le BEA.

La réglementation FAA indique que les vols au-dessus de 12.500 ft sans oxygène de subsistance sont proscrits aux États-Unis. Mais un avion évoluant en N en Europe doit aussi se soumettre à la réglementation européenne. Cette dernière précise que, pour les avions non-pressurisés, l’oxygène de subsistance est obligatoire à partir de 10.000 ft (3.000 m).

Malgré la réglementation, voler en-dessous de 10.000 ft ne garantit pas d’être en sécurité totale face aux symptômes de l’hypoxie. Les effets de cette dernière sont variables d’un individu à l’autre, suivant son âge et sa condition physique, et peuvent survenir dès 6.000 ft.

La réglementation européenne laisse toutefois la liberté au commandant de bord d’apprécier lui-même les besoins en apport d’oxygène durant son vol.

L’usage d’un oxymètre de pouls par le pilote du Cirrus SR22 âgé de 73 ans, comme autorisé par la réglementation EASA, ne semble toutefois pas avoir permis à celui-ci de déceler les effets de l’hypoxie. Le contrôle radar en croisière et les échanges vocaux avec les services du contrôle aérien n’ont pas permis de déceler chez le pilote des signes d’hypoxie

Dans le cas de cet accident, le BEA met en avant les effets différés et méconnus de l’hypoxie pendant la descente. Des troubles cognitifs peuvent ainsi perdurer plusieurs heures après avoir volé en conditions propices à l’hypoxie d’altitude.

L’organisme, épuisé d’avoir lutté contre les effets de l’hypoxie, est alors plus vulnérable et le phénomène de compensation peut apporter des illusions sensorielles importantes.

Phénomène insidieux et sournois, l’hypoxie entraîne une euphorie et des troubles cognitifs qui sont difficilement décelables par la personne qui en est victime. Nombre de vidéos de tests menés par l’armée américaine accessibles sur Youtube sont assez édifiantes sur le sujet.

Dans ses recommandations, le BEA conseille à l’EASA d’amender sa brochure « Prévenir l’hypoxie » en précisant que l’oxymètre de pouls n’est qu’un moyen complémentaire pour définir les besoins en oxygène du pilote et de ses passagers.

Enfin, le BEA insiste sur une nécessaire formation aux risques de l’hypoxie qui prenne en compte les dernières découvertes en la matière, qui datent déjà d’une décennie. Le BEA invite, au cours de ces formations, à insister sur les effets différés de l’hypoxie d’altitude qui peuvent compromettre la réalisation de manœuvres d’urgence tout autant que des procédures standard.

Fabrice Morlon

Pour consulter le rapport du BEA.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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