Il avait failli disparaître au profit d’un échangeur autoroutier. L’aérodrome de Charleville-Mézières, rebaptisé récemment aérodrome des Ardennes–Étienne Riché, suppléera prochainement l’aéroport de Charleroi pour l’aviation d’affaires et commerciale. Quelques années ont suffi pour fédérer les acteurs et utilisateurs du terrain. A tel point que l’aéroport prévoit un développement historique de son infrastructure.
C’est l’histoire d’un terrain d’aviation qui aurait dû fermer. Comme beaucoup de terrains, en danger suite au transfert de compétences des exploitants des aérodromes. Certains ont bel et bien fermé, victimes de la spéculation immobilière, des coupes budgétaires, de la nécessité de diminuer les charges… D’autres, comme celui de Charleville-Mézières, sont passés très près de la fermeture mais, à la faveur d’un alignement de planètes favorables, ont réussi non seulement à sauver leur terrain mais à développer leur activité.
Paradoxalement, et ironiquement, c’est l’autoroute qui devait passer sur le terrain de Charleville-Mézières qui est aujourd’hui l’un des arguments de « vente » de l’infrastructure. Retour en arrière : 2008. Le terrain, alors géré par la Chambre de Commerce et d’Industrie, tombe dans le giron du Conseil départemental des Ardennes. Tant que le club de foot de Sedan était en Ligue 1, l’aérodrome LFQV accueillait quelques trafics, hors aéro-clubs. Puis, Sedan descendu en National 2, l’intérêt pour la plateforme a décliné. Alors, cet espace de 160 ha que représente l’aérodrome va être remis en questions.
Un aérodrome sous utilisé coûte cher et, logiquement, on va donc réduire la voilure. En supprimant le superflu et en ne conservant que le terrain sous sa forme la plus simple. Mais un échangeur pour la future autoroute A304, qui raccordera Charleville-Mézières à Charleroi et à Reims en 2018, qui a une « emprise foncière » importante, prendrait bien la place de cet aérodrome dont on ne voit plus trop l’intérêt. C’était sans compter sur la FFA, les associations basées sur l’aérodrome et les bonnes volontés.
Comme à chaque fois qu’une épée de Damoclès plane au-dessus d’un terrain, la Fédération Française Aéronautique (FFA) s’est aussi investie pour empêcher la fermeture programmée de l’aérodrome de Charleville-Mézières. « Finalement, ça aura été plutôt simple » avoue Thibault André, membre de la commission Défense terrains à la FFA en charge du dossier à l’époque et président du comité régional aéronautique de Champagne-Ardennes. « Nous nous sommes réunis deux fois avec les acteurs locaux et en particulier le Conseil départemental des Ardennes qui est le gestionnaire de la plateforme, et ils ont été vite convaincus de l’intérêt de conserver leur terrain. » Par l’intermédiaire du Thibaut André, la FFA a fait valoir le rôle des associations sur l’aérodrome et la nécessité de conserver la piste : une fois un terrain abandonné, il est très difficile de le remettre en état pour le ré-ouvrir à la circulation publique.
Il faut dire qu’au sein même du Conseil départemental des Ardennes, un élément décisif allait faire pencher la balance en faveur de l’aérodrome : en charge du dossier, et lui-même pilote, Bruno Levasseur est Directeur infrastructures et équipements et participe à la sauvegarde du terrain. « Il a été assez facile de défendre l’aérodrome en déviant le tracé de la future autoroute » explique à son tour Bruno Levasseur, allant dans le sens de la FFA, qui poursuit : « l’idée était de montrer que l’autoroute et l’aérodrome pouvaient être deux outils formidables de développement local et les élus ont été rapidement convaincus. »
Le Conseil départemental, sous les conseils avisé de Bruno Levasseur et de Quentin Noaillon, responsable des grands projets de la collectivité, a vite compris l’intérêt de l’aérodrome comme outil de développement. Les bases de Cambrai et de Reims fermées, les contraintes des zones militaires qui « enfermaient » l’aérodrome de Charleville ont disparu avec elles.
La proximité du Bourget et de la Belgique permet d’imaginer des déplacement d’affaires et des vols commerciaux. Les convoyages sanitaires, limités à quelques occurrences, peuvent être développés, de même que l’entrainement des militaires. En plus d’aider au développement de l’activité de loisir déjà en place avec les aéro-clubs existants avion, ULM, aéromodélisme et parachutisme, on imagine favoriser la formation des amateurs et professionnels. Autant de pistes qui décident les élus à investir dans les infrastructures sur la plateforme.
» L’objectif du Conseil départemental est de tendre à l’horizon 2020-2025 vers une plateforme en équilibre budgétaire, structurée autour d’’équipements publics et privés » explique Quentin Noaillon, responsable des grands projets. Dès le 1er août 2015, une gestion aéronautique se remet en place. 1 million d’euros (hors taxes) est dévolu aux études et aux travaux. La rénovation de la piste de 1.500 mètres est entreprise en 2016 puis en 2017 le balisage est à son tour rénové, on installe une cuve de JET A1 et le gestionnaire reprend les abords de l’aérogare et de l’aéro-club.
En septembre 2017, l’aérodrome est baptisé « Etienne-Riché, » député des Ardennes dans les années 1930, sous-secrétaire d’Etat à l’Air et fervent défenseur de l’aéronautique. L’aérodrome semble ainsi prendre un second souffle et se lancer vers un avenir qui verra d’autres aménagements à court terme.
Prochaines étapes : deux agents AFIS (Aerodrome Flight Information Service) vont venir assurer le service d’information sur l’aérodrome en 2018 dans une tour dont les travaux devraient débuter fin 2017. 500.000 euros (hors taxes) sont dévolus à cette nouvelle infrastructure qui devrait entrer en service à la fin 2018. La même année, une antenne de Météo France sera installée qui fournira les METAR et les TAF. Le service SSLIA service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs sera remis en place, sans doute avec un niveau 4 2 pompiers, une cuve de 2.400 litre d’eau, 135 kg de poudre. « On travaille actuellement au remplacement de l’ILS par un GNSS » précise encore Quentin Noaillon et Bruno Levasseur d’ajouter « on étudie également la possibilité de porter la piste à 1.800 mètres. »
Cette frénésie de travaux et de projets sur un aérodrome qui, il y a 10 ans, était voué à accueillir un échangeur autoroutier n’est pas banale. Il faut toutefois une bonne raison pour justifier un tel engouement. Cette raison se nomme Charleroi-Bruxelles Sud.
L’une des raisons qui motive tant le département, qui est peut-être la raison majeure, est que l’aéroport de Charleroi-Bruxelles Sud cherche à se délester de certaines activités devenues complexes à gérer sur la plateforme. Ainsi, un partenariat a été signé entre les deux plateformes qui permettra à Charleville d’accueillir des vols commerciaux (appareils inférieurs à 42 passagers) et l’aviation d’affaire. « La mise en commercialisation et promotion serait assurée de façon conjointe et coordonnées avec Charleroi-BSCA » explique Quentin Noaillon.
Les écoles de pilotage installées à Charleroi seraient aussi concernées, avec leurs activités théoriques et pratiques ainsi que les ateliers. Les négociations sur le sujet sont en cours et déjà bien engagées.
Du côté des Ailes Ardennaises, l’aéroclub qui partage l’activité « loisir » avec un club ULM, un club aéromodélisme et un club de parachutisme, on regarde le terrain et les infrastructures se développer tout en attendant de voir. « Il est un peu tôt pour dire si l’aéroclub va bénéficier de l’arrivée de nouveaux adhérents » explique Serge Nicolay, président de l’aéroclub qui complète toutefois par un bilan provisoire en demi-teinte : « pour notre activité de club, dans l’immédiat, il y a du positif et du négatif. Le positif est qu’on parle dans les médias de notre activité : certains croyaient l’aérodrome détruit! Le négatif est qu’on paye désormais une taxe d’atterrissage annuelle. » La taxe, s’élevant à 700 €, devra être répercutée sur le tarif des vols. L’aéroclub dispose actuellement d’un Cessna 150, d’un DR400 et d’un DR48 à respectivement 105, 140 et 150 € de l’heure.
« Les 55 membres du club font environ 550 heures par an, mais seulement une dizaine de pilotes sont actifs« , précise le président du club. Serge Nicolay fait part aussi d’une situation problématique pour l’aviation légère : « Un autre problème pour le pilote de loisir va arriver avec des trafics commerciaux réguliers : il faudra être très vigilent à la turbulence de sillage, qui va indéniablement augmenter le temps d’attente avant alignement et pour les ULM ce sera encore plus contraignant. » Toutefois, l’aéroclub va pouvoir diversifier sa formation en proposant la qualification vol de nuit, avec un balisage tout neuf.
2.000 m2 de hangars seront construits de manière à accueillir les multiples activités qui vont bientôt arriver à Charleville-Mézières. D’autres projets sont en cours sur la plateforme, arrivés à différents stades de maturité, qui pourraient également investi les futurs hangars. Un club accueillant des avions historiques et un club de drone devraient ainsi voir le jour sur la plateforme. Un grand meeting aérien est imaginé pour 2018, de manière à célébrer le renouveau de l’aérodrome, ce phénix qui renaît peu à peu pour atteindre une dimension inespérée et inimaginable il y a à peine dix ans de cela.
Fabrice Morlon
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
View Comments
Un exemple heureux mais qui laisse songeur avec l arriere gout de tous ces aerodromes fermes inutilement.
Ca ne fera pas de mal aux Ardennes , je suis content pour eux.. J'éspére que les sangliers riverains ne vont pas se rebiffer..
C'est génial. Il faut faire en sorte de sauvegarder les infrastructures aéronautiques . Preuve est faite qu'avec les bonnes volontés et les bons projets, c'est faisable.