En 2015, une nouvelle équipe de voltige est apparue dans les meetings. Pour l’équipe Sparflex, basée sur l’aérodrome de Reims-Prunay, les meetings ne représentent toutefois qu’une petite partie de leur activité. Autour du L-39 Albatros, la patrouille a développé toute une gamme d’activités. En plus des vols à sensations, une véritable école de pilotage du L-39 a été créée sur le petit aérodrome de Reims-Prunay.
Tout commence par un rêve de gosse. Ce rêve, c’est celui de Michel Soutiran qui, passionné d’aviation, a fait grandir son « coffre à jouets » en même temps que sa réussite professionnelle le lui permettait. L’homme, patron du groupe Sparflex, spécialisé dans la fabrication des muselets pour les bouteilles de champagne, et tout ce qui fait des bulles à consommer avec modération, a toujours utilisé l’avion dans ses déplacements professionnels : véritable outil, il lui permet d’être rapidement au bon endroit, souvent avant ses concurrents.
Une fois sa réussite professionnelle établie, passionné autant par la voltige que par le vol à plat, Michel Soutiran devient le premier pilote de L-39 Albatros en France, en 1998 lorsqu’il décide de remplacer le Beechcraft King Air 90 qui lui sert à se déplacer en Europe pour ses affaires. Vingt ans plus tard, deux autres L-39 viennent compléter la flotte, abritée dans un hangar de l’aérodrome de Reims-Prunay.
« C’est un avion assez simple à mettre en œuvre, ce qui a fait son succès » explique Stéphane Olivier, ancien mécanicien sur Jaguar et Rafale dans l’Armée de l’air et mécanicien attitré de la flotte Sparflex (constituée également de deux Cessna Citation pour les déplacements professionnels) nouvellement entré au service de l’entreprise. « L’Albatros est un avion d’entraînement militaire conçu en République tchèque et fabriqué à près de 3.000 exemplaires. Il est robuste, rustique, il atterrit sur des terrains en herbe et offre 1,7 tonnes de poussée et peut atteindre 490 kts en vitesse maximum et de l’ordre de 360 kts en croisière. Si l’avion est simple, il est complet : équipé en IFR, il est aussi doté d’un siège éjectable. »
Si le L-39 est un outil principalement professionnel, Michel Soutiran a toujours souhaité faire partager sa passion et offrir au plus grand nombre l’opportunité d’approcher et de voler à bord d’un jet d’entraînement. Pour permettre cette ouverture et gérer la flotte des avions de Sparflex, l’homme d’affaires s’est adjoint les services d’Aymeric de Valence en tant que chef pilote. Capitaine de corvette, Aymeric de Valence est un ancien pilote de chasse de l’Aéronavale.
Formé aux Etats-Unis sur A-4 Skyhawk, il a passé sa carrière sur Super-Etendard et termine sur Rafale Marine avec une interruption de trois ans sur F-18. Engagé dans plusieurs opérations, notamment en Afghanistan, il a pu emporter l’arme nucléaire et termine sa carrière militaire comme chef d’opérations. De quoi avoir confiance non seulement dans le pilote mais aussi dans le gestionnaire d’une flotte civile !
Fort de cette équipe, Michel Soutiran a été en mesure de développer une activité complète autour du L-39 Albatros, axée sur les vols à sensations, la formation au pilotage et les démonstrations en meetings.
Depuis février 2012, la DGAC, par l’intermédiaire notamment de son directeur Patrick Gandhil, a rendu possible le vol dit « à sensations » à bord d’avions de voltige et d’appareils historiques, qui sont souvent eux-mêmes également des appareils de voltige. Deux des L-39 de la patrouille Sparflex sont mis à contribution pour la réalisation de ces vols.
Michel Soutiran et Aymeric de Valence ont une bonne expérience en la matière. Sparflex organise régulièrement des journées à la rencontre des clients de l’entreprise. Certaines sociétés offrent des téléviseurs ou des voyages à leurs meilleurs clients. Sparflex offre un vol en L-39 Albatros. « Ces événements sont organisés par la société » explique Aymeric de Valence: « pendant une journée on va à la rencontre des clients sur un terrain proche de chez eux et ont fait voler ainsi vingt à vingt-cinq personnes avec les deux avions. »
Pour aller plus loin que le cercle strictement professionnel, Michel Soutiran a souhaité élargir l’accès au vol à sensations aux personnes extérieures à l’entreprise. Ainsi, toute l’année, les amateurs de sensations fortes sont accueillis à Reims-Prunay pour un vol de vingt-cinq à trente minutes. « Nous avons beaucoup appris du retour d’expérience des passagers des vols organisés par l’entreprise Sparflex » explique Aymeric de Valence qui poursuit : « ainsi, nous avons défini un vol au profil « standard » qui s’adapte à chaque passager. »
D’un naturel très avenant et souriant (j’oubliais modeste), Aymeric de Valence fait tout pour partager sa passion dans la bonne humeur tout en restant très professionnel. « Il faut que le passager soit serein pour profiter pleinement du vol, et que l’excitation de l’événement n’interfère pas avec le sérieux de ce que nous avons à accomplir » explique le pilote. Certains passagers ont économisé longtemps pour s’offrir un vol qui, pour beaucoup, représent un rêve de gosse. « On n’est pas dans une fête foraine pour faire un tour de manège » poursuit Aymeric, « le passager évolue dans un cadre professionnel, assis sur un siège éjectable et, de manière générale, l’aviation nécessite rigueur et professionnalisme. »
Tout commence par un passage dans la cabine d’essayage : il faut revêtir une combinaison et essayer un casque. Une fois l’habillage terminé, on est déjà un peu plus dans la peau du pilote de chasse ou plutôt du passager de chasse. Un briefing sous forme de vidéo diffusée sur un écran de télé, commenté par Aymeric, présente ensuite l’avion, ses performances et systèmes de sécurité, la marche à suivre en cas de problème. Aymeric retrace l’origine de la patrouille, avant de présenter Stéphane Olivier, le mécanicien, puis les pilotes et leurs parcours respectifs : souvent, les vols à sensations se pratiquent avec les deux L-39, ce qui permet en outre d’évoluer quelques instants en patrouille serrée. Aymeric détaille enfin le déroulement du vol à l’aide de la vidéo et de maquettes de manière à reproduire les figures qui seront réalisées en vol.
Une fois le briefing mené à son terme, direction l’avion, sorti au préalable devant le hangar. Stéphane est également omniprésent pour faire de cette expérience un moment inoubliable. Très prévenant, rassurant, il explique comment se hisser dans le cockpit du L-39 et vous sangle sur le siège éjectable.
Le passager s’installe à l’arrière dans un cockpit étroit mais confortable, avec quelques instruments dont les lettres ont conservé le cyrillique et un badin qui affiche la vitesse en kilomètres par heure. Le pilote installé, verrière fermée, l’oiseau prend vie sous l’œil attentif de Stéphane. On roule jusqu’à l’entrée de la piste devant le regard des curieux sur l’aérodrome et des automobilistes qui ont arrêté leur voiture sur le bord de la route toute proche pour assister au spectacle des deux Albatros qui s’alignent pour décoller ensemble.
Décollage à 200 km/h. « Comme pour l’atterrissage qui se fait à 200 km/h : c’est la même vitesse affichée pour le Rafale» commente Aymeric de Valence qui nuance « toutefois, pour le Rafale, c’est 200 kts ! »
Les dix premières minutes de vol, à plat, consistent à mettre en confiance le passager, à l’accoutumer aux sensations du vol. Pendant cette première phase, les deux avions se déplacent en patrouille pour aller survoler des lieux touristiques de la Champagne. Au terme de ce premier contact avec l’avion, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Les deux avions se séparent pour évoluer chacun de son côté. « On va passer alors une première barrique à 1g ou 1,5g, à droite puis une deuxième à gauche et deux boucles à 4g. » Les deux avions vont alors se rassembler et passer ensemble une barrique puis une boucle. « Si les passagers se sentent à l’aise, on poursuit les évolutions en fonction de leur état physique, de leur appréhension, du lieu également au-dessus duquel on évolue » explique enfin Aymeric.
De retour sur la piste de Reims-Prunay, une fois arrêté au parking, moteur coupé, Stéphane est de retour qui ouvre la verrière, aide à retirer le casque et récupère la caméra qui vous a filmé pendant le vol. La vidéo est remise au passager avec un certificat après avoir pris une photo devant l’avion, pour un souvenir inoubliable.
Souhaitant aller plus loin dans le partage, Michel Soutiran et son équipe ont créé une association loi 1901, Fly & Fun, qui a pour objectif de « promouvoir l’activité aéronautique et la préservation du patrimoine aérien en proposant à ses membres des activités sur le thème des anciens aéronefs militaires et civils, grâce au regroupement de matériel et de connaissances de passionnés d’aviation. » Les membres de l’association peuvent participer à l’entretien et à la mise en œuvre des L-39 lors des événements de présentation des avions, lors des meetings. Ils peuvent également effectuer des vols d’une quarantaine de minutes environ à bord des L-39 ainsi que des vols d’initiation au pilotage.
Pour aller plus loin encore, l’équipe dirigée par Michel Soutiran a mis en place en 2015, avec l’aide de Marc Chevènement, pilote instructeur, un véritable organisme de formation reconnu, un ATO (Approved Training Organisation), qui permet aux pilotes de passer une qualification de type (QT) sur le L-39 Albatros. Six pilotes ont été formés depuis le début de l’activité de l’école et trois sont en cours de formation.
L’ATO propose deux voies pour passer la QT. La première concerne les pilotes de chasse expérimentés et propose une transformation sur l’appareil en trois heures. La deuxième est offerte aux pilotes privés. Les détenteurs d’un PPL peuvent également passer leur QT L-39 Albatros : quelques lignes du plus bel effet dans un carnet de vol civil et la joie de piloter un jet sous la supervision d’un pilote de chasse et instructeur expérimenté.
Les prérequis pour les titulaires d’un PPL sont de totaliser 200 heures de vol minimum et de détenir le premier cycle de voltige. Si les conditions sont remplies, l’ATO propose une formation de douze heures sur l’appareil. « Le titulaire d’un PPL passera de la gestion d’un moteur aviation « classique » à la gestion d’un réacteur, ce qui ne se fait pas en seulement trois heures » justifie Aymeric de Valence.
L’apprenti pilote s’installe en place avant dès la première leçon. L’objectif de ce premier contact est de se familiariser avec le roulage puis d’aller prendre la mesure de l’efficacité des commandes de vol. Progressivement, le stagiaire acquiert de l’autonomie jusqu’à l’obtention de la QT. Après la QT, l’ATO réfléchit à proposer des blocs d’heures pour permettre aux pilotes formés d’utiliser les L-39. « Lorsqu’on passe une QT sur L-39 Albatros » analyse Aymeric, « au-delà du fait de se faire plaisir, il y a la plupart du temps l’envie de se faire davantage plaisir encore en acquérant un avion : nous réfléchissons actuellement à la possibilité de proposer aux acquéreurs d’un L-39 de prendre en charge la maintenance de leur appareil par l’atelier agréé dirigé par Stéphane. »
Pour faire connaître ses multiples activités aéronautiques en même temps que son entreprise Sparflex, Michel Soutiran s’est lancé dans une présentation en meeting en 2015. Clin d’œil à l’Histoire, c’est sur le terrain de Béthény, actuellement occupé, entre autres, par l’aérodrome de Reims-Prunay, qu’a eue lieu en 1909 le tout premier meeting aérien.
Intimement proche de Jacques Bothelin et de toute l’équipe de la Breitling Jet Team, avec laquelle Gil Roy a expérimenté le vol en L-39, l’équipe de Michel Soutiran a bénéficié des conseils experts de Philippe « Sheriff » Laloix et de Frédéric Schwebel pour mettre en place le programme. « Avec plusieurs amis pilotes de chasse, Jacques m’avait proposé de voler en patrouille et de pousser un peu le L-39 pour faire autre chose que du vol à plat » explique Michel Soutiran, « le vol en patrouille m’a beaucoup plu et depuis je ne peux plus m’en passer ! » L’équipe de présentation ainsi formée a bénéficié du suivi d’un entraîneur reconnu : François Forget, ancien présentateur du Mirage 2000 pour l’Armée de l’air, assumant le rôle de coach de la patrouille.
Aymeric de Valence assure le rôle de leader : « ce n’est pas dans ma nature profonde de suivre mais c’est un contexte exceptionnel » précise Michel Soutiran en souriant. Au rythme d’un à deux entraînements par semaine au-dessus de l’axe de voltige de Vatry, durant chacun entre quarante minutes et une heure, les deux pilotes ont bâti un programme de quinze minutes qui enchaîne oreilles, barriques, boucles, croisements et tonneaux.
Depuis trois ans, l’équipe de présentation Sparflex se produit en moyenne six à sept fois par an. En septembre 2018, les spectateurs des meetings de Cambrai, Maubeuge puis Roanne pourront assister à la démo de la patrouille. « C’est une vitrine pour l’activité du groupe Sparflex qui sponsorise la patrouille » explique son directeur, « c’est un véritable outil de communication pour la société et qui permet également de faire partager notre rêve commun de l’aviation. » Pour la patrouille, l’objectif est de poursuivre sur cette formule à deux avions pour le moment.
En revanche, chacun des membres de l’équipe fourmille d’idées nouvelles pour développer encore l’activité sur l’aérodrome de Reims-Prunay et offrir la possibilité au plus grand nombre de venir partager avec eux cette passion de l’aviation et du patrimoine aéronautique qui les anime. Et si c’était cela la véritable marque de la réussite : le partage.
Fabrice Morlon
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Bonjour
Les premiers vols civils sur L 39 ont été effectués en 1992 par Monsieur Bidoux qui a racheté du Tchad 7 avions L39 ZO ramenés en vol de N'Djamena en France.
Cette histoire vous sera bientôt racontée en détail
oui et cela me rappelle mon ami Gérard Bellanger qui en avait convoyé un et se tuera avec un Sky en convoyage retour vers la France à Agades...la nouvelle fut terrible...le temps passe...
Pas de sparflex à Roanne cette année, selon le programme:
https://www.meeting-roanne.net/presentation-du-programme
J'ai eu le plaisir d'apprécier cette patrouille cette année à Annecy , vraiment au top !
impressionnant de précision , bravo !
Ah, la combinaison bleue ciel... faut tout oser !
Ne serait-ce pas plutôt Reims Champagne au Nord Est de Reims qui est proche de Béthény et que l’on a malheureusement fermé malgré sa situation exceptionnelle ?
Quand à Reims-Prunay, cet aérodrome est situé au Sud Est de Reims et, si je me souviens bien, il a été créé dans les annes 60 et était le site de Reims Aviation dont l’initiative revenait à Max Holste et Pierre Clostermann avec un partenariat avec Cessna.
Je confirme Betheny immédiatement au sud de Reims - Champagne, dont l'aérogare civile était à Betheny, et où on trouve un musée contant l'histoire des lieux.
En revanche Prunay en plus de sa propre histoire déjà riche est proche du lieu de poser de Farman lors du 1er vol de ville à ville.
Bonjour Fabrice,
Merci pour cette précision : je me suis emporté dans mon élan après avoir lu la stèle à l’entrée de l’aérodrome qui fait référence à Bétheny à plusieurs reprises. Mais Bétheny est bien au Nord de Reims et Prunay au Sud-Est donc… toutes mes excuses pour cette confusion!
REIMS champagne ex BA112 n’existe malheureusement plus !