En septembre 2019, l’équipe Airbus de la mission Perlan s’est confrontée à un phénomène météorologique qu’elle n’avait pas anticipé : une augmentation de la température de la haute atmosphère de 10°C à 20°C par rapport aux vols de la saison dernière. Cette singularité est peu connue et se nomme « réchauffement stratosphérique soudain ».
Le Perlan est le nom du planeur imaginé par Airbus. L’équipe en charge de cette mission a deux objectifs : Atteindre la frontière de l’espace sans motorisation et étudier l’impact que peuvent avoir les ondes orographiques de haute altitude sur le climat de notre planète.
La mission 1 a déjà permis de démontrer, grâce au Perlan I, que ces ondes orographiques de haute altitude étaient un bon moyen pour un planeur d’atteindre la stratosphère.
La mission 2 est celle qui se déroule actuellement. Le Perlan II est un planeur biplace pressurisé pouvant voler dans un air possédant moins de 3% de la densité de l’air au sol et ayant une température avoisinant les -70°C (conditions on ne peut plus éloignées de celles que l’on trouve dans les basses couches terrestres et qui se rapprochent de celles régnant à la surface de Mars). Ce planeur a donc été conçu dans le but d’utiliser les ondes orographiques afin d’étudier la stratosphère jusqu’au niveau de vol FL900 (90000ft). Equipé d’un parachute de cellule, il est doté de capteurs scientifiques, de caméras et de batteries afin de mener à bien les missions qui lui sont associées, tant scientifiques que pédagogiques.
La mission 3 aura pour but d’atteindre le FL1000 et d’étudier le comportement transsonique.
Début septembre 2019, depuis la Patagonie argentine, le pilote d’essai Miguel Iturmendi et son équipe avaient donc pour ambition de réaliser un vol stratosphérique non motorisé jusqu’au FL900. La nature avait pourtant décidé que ce moment n’était pas le bon. L’équipe s’est retrouvée face à un Réchauffement Stratosphérique Soudain.
Le Réchauffement Stratosphérique Soudain (SSW : Sudden Stratospheric Warming) est un phénomène découvert en 1952 qui correspond à un accroissement de la température de la stratosphère polaire. Ce réchauffement apparait sans aucune source externe évidente et peut aller jusqu’à 10°C par jour pendant une semaine. Les SSW sont plus fréquents autours du pôle Nord car, en comparaison au pôle Sud, il y a d’avantage de masse continentale qui permet à la troposphère (la zone de l’atmosphère dans laquelle nous vivons) d’interagir avec la stratosphère (entre 10 et 50km d’altitude). Ils ont pour effet d’inverser le gradient de température nord-sud et ainsi de déstabiliser le vortex polaire. Et lorsqu’on sait que le vortex polaire semble être un facteur clé des conditions météorologiques et climatiques dans la troposphère, on comprend l’intérêt des scientifiques à en maîtriser les tenants et les aboutissants.
Le SSW détecté par l’équipe du Perlan dans la région antarctique pourrait être l’un des plus importants jamais enregistrés. La Docteur Elizabeth Austin confirme : « Dans cette région, un SSW relativement fort avait déjà été détecté en 2002, suivi d’un plus faible en 2010. Le SSW de 2010 n’étant d’ailleurs pas confirmé par tous les scientifiques ». Les connaissances actuelles sur ces phénomènes, même faibles, sont plus importantes que celles disponibles en 2002. Les scientifiques expliquent ainsi que les SSW du pôle Sud auraient un effet direct sur, par exemple, l’épaisseur de la glace en Antarctique, sur le trou dans la couche d’ozone ou sur les conditions météorologiques en Australie et en Nouvelle-Zélande.
De façon plus terre à terre (ou plus ciel à ciel !), ce SSW est une « mauvaise nouvelle » pour la mission initiale du Perlan II. En affaiblissant le vortex polaire, il atténue directement le Courant-Jet Polaire, c’est-à-dire le courant de vent sur lequel le Perlan II comptait pour se propulser dans la stratosphère. Les 18 et 19 septembre 2019, la vitesse du vent au FL400 était de 80kt alors qu’au FL600, celle-ci descendait à 45kt, contre 100 à 120kt attendus. L’objectif du FL900 a donc dû être remis à plus tard.
Le malheur de uns faisant le bonheur des autres, les données scientifiques récoltées pendant cette période vont permettre d’alimenter la recherche jusqu’ici hautement déficitaire dans cette région du globe. Selon Dan Gudgel, le météorologue de la mission Perlan, les mesures faites par le Perlan II en vol ainsi que par les 29 ballons sondes de l’expédition devraient créer l’opportunité d’étudier plus en profondeur ces phénomènes.
Dans le monde de la recherche, les découvertes fortuites sont la preuve que les plans échafaudés de longue date ne sont pas le seul moyen de progresser. Le temps de la découverte n’est pas forcément celui de la rapidité et de la rentabilité. Réjouissons-nous, l’homme ne peut pas encore tout prévoir, la nature nous réserve ses surprises.
Guillaume François
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Des fa jaises du Cap Blanc Nez , 62000 , par bon vent d' ouest , pas besoin de tracteur, dévale dans la Pente ...! Ki
Merci Pilotaillon du 21 ème siècle, le Grob Egrett est la bonne piste.
Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=9PwQZDqw9PA
et d'autres vidéos spectaculaires ...
Le Grob l'amène à 40000 pieds, en dessous de la tropo. Il reste encore à profiter des ondes pour l'emmener à plus de 60000. Les ondes sont tellement puissantes qu'elles ne déferlent pas à la tropo. Toute la masse troposphérique, puis la tropo et la stratosphère continuent d'onduler, ce qui permet certainement, avec un peu de technique de soaring appliquée aux ondes, de transformer le cinétique en potentiel pour accrocher un record. On n'a pas beaucoup d'explications sur le pilotage de la part du projet...
Les courants ascendants ?... Je n'y crois pas : la tropopause bloque tous ces phénomènes aérologiques. Il n'y a pas de tête de cunimb dans la stratosphère.
Ma question reste entière ...
Les zondes des Zandes ?
Cela semble lié aux ondes qui se développent au dessus de grosses chaines de montagne. Comme pour les nuages lenticulaires / Orographiques. Si le planeur monte ( en tout cas ne descends pas) , c'est que la masse d'air autour de lui monte aussi... environ 1m/s minimum. 200 pieds minutes. Ce n'est pas lié a un phénomène thermique ( comme les CB) mais dynamique.
Très intéressant, mais ça ne dit pas comment le planeur ainsi équipé (pressu) grimpe aussi haut ?...
(Sous le contrôle des experts d'Aérobuzz) Perlan II est tracté par un Grob "Egrett" assez haut semble-t-il, puis il monte en autonomie avec les courants dynamiques (onde, ou courants orographiques) lés au reliefs et surtout dans des phènomènes associés à la rencontre des flux d'altitude : le vortex polaire avec les jets streams :
https://www.aerobuzz.fr/breves-industrie/nouveau-record-daltitude-pour-le-planeur-pressurise-perlan-ii/
https://www.aerobuzz.fr/industrie/airbus-perlan-mission-2-un-planeur-bientot-dans-les-etoiles/
La plateforme d'El Calafate parait être une base bien située pour que le planeur soit tracté directement dans les ascendances dynamiques et qu'il puisse regagner à tout moment atterrir par ses propres moyens, c'est à dire sans moteur.
Avec les courants ascendants comme ... les planeurs :))
Le "Perlan" n'a pas été imaginé par Airbus. Il est le résultat de plusieurs décennies d'efforts d'Einar Enevoldson, ancien pilote d'essai de la NASA, qui a mobilisé des milliardaires comme Steve Fossett ou, après la mort de ce dernier, Dennis Tito (le premier "touriste de l'espace" ayant visité la station spatiale internationale), pour financer le Perlan I (un planeur biplace DG-505M modifié) et le Perlan II (un prototype unique). Le but était de prouver l'existence d'ondes stratosphériques puis de les explorer.
Airbus, qui n'avait joué aucun rôle jusque là, est devenu le sponsor principal du projet en 2014, ce qui a permis de terminer la construction du Perlan II.