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Aviation Générale

Le tour du monde… en 9 jours

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Frédéric Marsaly

Aux commandes du « réservoir de carburant volant, pouvant éventuellement accueillir un équipage ! » imaginé par Burt Rutan, Dick Rutan et Jeanna Yeager ont réalisé le premier tour du monde en avion, sans escale, ni ravitaillement. Il fallait oser…

En ce milieu des années 80, que restait-il aux aventuriers du ciel ? Les anciens avaient ouvert toutes les routes et battu tous les records ! Il restait pourtant dans un coin des dossiers de la FAI un exploit à réaliser. Faire le tour du monde sans escale et sans ravitaillement en vol.

Le tour du monde, ça claque, c’est beau, c’est grand et c’est la classe ! Certes la navigation circumterrestre avait été réalisée dès 1924, il avait quand même fallu attendre 1949 pour qu’un B-50 fasse le tour du monde sans toucher terre ailleurs qu’à son point de départ, devenu de fait point d’arrivée aussi ! Mais pour lui, il avait fallu prévoir quelques moyens aériens spécialisés pour refaire les pleins de carburant en plein ciel. Que l’on ne s’y méprenne pas, c’était un exploit. Mais cette performance initiale fut largement battue ensuite par un B-52.

Il restait donc le créneau du tour du monde sans escale ni ravitaillement en vol. Beaucoup y songeaient, dont, notamment Dick. Ancien pilote de chasse de l’US Air Force, il avait effectué quelques 300 missions au Vietnam dont certaines sous l’indicatif « Misty Fac » réputées plutôt difficiles. Il en avait, d’ailleurs, terminé une sous son parachute après que son F-100 eu croisé la trajectoire d’un obus de 37 mm qui traînait par là…  Dick était donc un veinard, d’autant plus que Burt, son frère, n’aimait rien de moins que dessiner des avions improbables. Avions légers, d’affaires ou juste de record, le nom des Rutan était déjà célèbre !

Pendant plusieurs années, les deux frères avaient planché sur la définition d’un « réservoir de carburant volant, pouvant éventuellement accueillir un équipage ! » La construction de l’appareil, principalement en matériaux composites, prit 18 mois. Il s’agissait d’un bipoutre canard bimoteur à fuselage central dont l’envergure était de 34 mètres et d’une masse à vide de 1.020 kg. Ses longues ailes et une grande partie du fuselage central accueillaient quelques 17 réservoirs d’essence pouvant contenir jusqu’à un total de 4.416 litres. La zone vie, si on peut dire, était composé d’un cockpit à tribord de la nacelle centrale, d’une étroitesse remarquable, et juste surmonté d’une bulle pour assurer la vision extérieure. À bâbord, une « cabine » permettait à une deuxième personne de parvenir à s’allonger. Ces quelques dizaines de centimètres cubes devaient permettre à un équipage, pas trop lourd, pas trop grand, d’assurer le pilotage d’un engin qui s’apparentait plus à un voilier du ciel qu’à un avion !

Dick avait d’ailleurs rencontré une certaine Jeanna Yeager qui, comme lui, n’aimait rien d’autre que battre des records aux commandes de monomoteurs VariEze ou LongEze, avions légers de formule delta-canard conçus par Burt et son frère ! Jeanna était une excellente pilote et elle avait ce petit truc en plus qui pouvait en faire la partenaire idéale pour un vol record. Non pas qu’elle portait un patronyme célèbre dans l’histoire de l’aviation – elle n’a aucun lien avec le célèbre Chuck – mais elle n’était ni très grande ni très lourde…

À l’été 1986 l’équipage ainsi constitué, histoire de se faire la main sur le nouvel avion, pulvérisa en 111 heures et 44 minutes, au large de la Californie, le record d’endurance sans ravitaillement en vol établi à 84 heures et 32 minutes en 1931.

Le 14 décembre suivant, l’avion s’envola à sa charge maximale, soit 4.397 kg dont une tonne d’avion, 3.180 kg de carburant, 59 kg de vivres et 137,4 kg d’équipage ! Il était 8h01 et 44 secondes, heure locale, lorsque le Voyager quitta la piste de la base d’Edwards après une course de 4km au cours de laquelle un bout d’aile fut endommagé, mais sans conséquence. Parvenu à une altitude raisonnable, le moteur avant de 130 ch fut coupé et le reste du vol fut effectué grâce au Continental de 110 ch installé à l’arrière.

Alors que l’équipage aurait dû intervertir ses rôles par quarts de trois heures, Dick resta aux commandes les trois premiers jours tant l’avion, toujours très lourd, était instable. Lâcher les commandes quelques secondes semblait bien plus dangereux que de risquer de s’endormir ! Une fois singulièrement allégé, le Voyager redevint pilotable.

Néanmoins, le vol connut quelques impondérables. Il fallut, notamment, contourner la Lybie qui ne voulait pas qu’un avion US passe dans son espace aérien, vu que les précédents à l’avoir fait, quelques mois plus tôt, étaient des F-111 qui avaient laissé quelques mauvais souvenirs ! Puis, sur le Pacifique, ce fut un typhon qu’il fallut éviter, rajoutant 1.000 km à parcourir, alors même que le dernier réservoir était entamé

Le 23 décembre, au lever du soleil, le Voyageur bouclait son tour du monde et se posait à Edwards à 8h05 et 28 secondes locales. Il avait fallu juste un petit peu plus de 9 jours pour parcourir 42.432 km à la vitesse de 196,3 km/h (mais que la FIA homologua à 40.212 km parcourus à 186,11 km/h). Il restait une soixantaine de litres d’essence dans les réservoirs bien que Dick eût effectué trois passages au-dessus de la piste avant de daigner se poser. Il faut dire que près de 50.000 personnes s’étaient rassemblées pour leur retour sur terre.

Quel retentissement, et quelle aubaine médiatique pour Burt qui avait fait voler, cette même année, le très novateur et élégant avion d’affaires Beechcraft Starship destiné à démoder à jamais les antédiluviens King Air de ce même constructeur !

Si on n’a aucune nouvelle de Jeanna, Dick est lui décédé il y a quelques semaines. Burt a continué à dessiner des engins volants incroyables, jusqu’à tutoyer les étoiles avec le Space Ship One !  Voyager a terminé au NASM de Washington DC. Avant d’être placé en réserve il vous accueillait à l’entrée du premier hall en compagnie, excusez du peu, du X-1, du X-15 et du Spirit of St Louis…

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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

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  • Ah encore une superbe histoire ! Ils n'ont pas pu survoler la Lybie parce qu'ils n'avaient pas un bon alibi ! Oui, Rutan… Burt était un sacré inventeur. Savez-vous qu'il est venu à Toulouse dans les années 80 pour tester son VariEze modifié par le sorcier de la mécanique Léo Chagnès ? Un VariEze dont le moteur propulsif avait été remplacé par deux réacteurs Microturbo de 90 kgp. Rebaptisé Microstar, l'engin est aujourd'hui exposé au musée Aeroscopia de Blagnac. Un sacré avion delta qui volait à 200 noeuds commune une fleur, un petit Concorde que j'ai eu l'honneur de piloter pour ses trois ou quatre derniers vols. Il paraît que Rutan avait été stupéfait par le travail de Chagnès. J'ai raconté cette histoire dans Aviasport il y a bien dix ans. Merci encore.

    • Il ne s'agissait pas d'un Varieze mais de sa première construction à Burt Rutan le Varivigen qui était un delta alors que le Varieze avait une aile en flèche
      J'avais vu ce "biréacteur" à Brienne le Chateau lors du rassemblement annuel du RSA.
      J'avais assisté aussi à un amphi qu'avait fait Burt au CNAM à la porte d'Italie à Paris au début de la diffusion des liasses du Varieze pour nous présenter cette merveille et surtout son mode de construction très innovant au moins pour les ailes, bien que les modélistes avion utilisent la même méthode

      • Pardon, M. ou Mme Stanloc, vous avez raison, c'était le VariVigen, ça variait tellement ses productions que je me suis emmêlé les palonniers.

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