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Megève – Mont-Blanc, Appellation méritée

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Martin R.

Ce n’est pas par hasard, ni parce qu’il est géographiquement le plus près du Mont-Blanc, que l’aéro-club de Megève est sans doute ce qui se fait de mieux aujourd’hui en vol de haute-montagne. Mais ce n’est pas la seule raison qui en fait un club exemplaire.


 » Quand la neige tombe, c’est Megève qui fait la trace. Les autres attendent pour se poser « , affirme Bruno Muller, l’un des deux instructeurs de l’aéro-club de Megève, adjoints de Jacques Brun, le chef-pilote. Si ce n’était pas vrai, on pourrait se laisser à aller à penser que ces professionnels ont une haute estime d’eux-mêmes. D’autant qu’en parlant de ses deux adjoints qu’il a formés lui-même, Jacques Brun n’hésite pas à en rajouter une couche :  » au niveau instructeurs, on trouve ici, ce qui se fait de mieux « . Force est de reconnaître qu’il n’y a que des inconscients, aujourd’hui, pour venir contester la suprématie de Megève dans le massif du Mont-Blanc.

Ce niveau d’excellence n’est pas le fruit du hasard, ni même la conséquence de la proximité géographique de Megève par rapport au plus haut sommet de l’Europe. Cette réputation est étroitement liée à la personnalité de ce chef-pilote au caractère trempé. Mi-aigle, mi-ours, il n’a plus rien à prouver. D’ailleurs, ceux qui le connaissent se demandent, si un jour, il est passé par ce stade du besoin de reconnaissance. En 1973, en sortant de l’ENAC avec son certificat de pilote professionnel, il a tourné le dos au transport aérien en choisissant de devenir gardien de refuge. Il n’aime pas les déguisements. Il préfère le pull en laine à la chemise blanche.

Un chef pilote hors pair

S’il s’inscrit dans la lignée des grands pilotes de montagne, en revanche, vous pouvez être sùr que ce n’est pas lui qui écrira un jour ses mémoires, ni qui se posera en grand gourou de la discipline. Jacques Brun n’est pas un donneur de leçon, mais un instructeur au sens le plus noble du terme. Ce n’est pas non plus un orateur. Son savoir-faire, il a choisi de le transmettre dans le huis clos d’un mousquetaire. En un peu plus de trente années de carrière, il totalise déjà 22.000 heures de vol.  » Malgré son expérience, il applique toujours la procédure. Jamais il ne fait une PTU pour se poser sur altisurface, alors qu’il pourrait se le permettre « , souligne un Bruno admiratif.

Bruno Muller avec Vincent Labrousse, constituent, aux côté de Jacques Brun, le trio professionnel. Bruno est arrivé en 2002 à Megève, après avoir été instructeur planeur et avion léger dans l’armée de l’air. Vincent, est là depuis 2001. Il a toujours exercé en aéro-club. Tous deux ont été formés au vol en montagne par Jacques qui, lui, est à Megève depuis 1978.  » Un élève apprend ainsi avec la même méthode, quelque soit l’instructeur avec lequel il vole « , explique le chef-pilote.  » Si l’un d’entre nous a des difficultés avec un élève, nous pouvons nous l’échanger. Souvent, cela suffit à déloquer une situation. Nous avons une vraie démarche pédagogique. Nous savons où et à quel niveau nous devons amener les pilotes « .

Une école à part entière

Cette démarche pédagogique ne va pas de soi dans un aéro-club dont plus de 5 membres sur 6 résident en dehors de la région et ne viennent voler ici que deux à trois semaines par an.  » Nous sommes des marchands de soleil « , affirment en chœur les instructeurs qui auraient pu se contenter simplement de jouer les sherpas, en promenant les pilotes de passage. Pour cela, il existe Aérocime, une petite société de travail aérien appartenant à Jacques Brun et qui exploite deux Mousquetaires. Elle tourne avec un pilote saisonnier, trois mois l’été, quatre l’hiver. Elle réalise 7 à 800 heures de vol par an.  » Aérocime ne fait pas d’instruction et l’aéro-club de Megève ne fait aucun vol touristique « . La séparation des activités est sans ambiguïté. L’aéro-club de Megève est un club comme les autres, ou presque…

Il compte environ 300 membres dont seulement une petite cinquantaine d’entre eux vivent à l’année en Haute-Savoie. Les autres sont originaires de la France entière. Outre les voisins suisses, il y a quelques étrangers. La plupart de ces membres de passage viennent voler deux à trois semaines par an. D’autres un plus souvent. Certains possèdent une résidence secondaire à Megève. Tous ont choisi la qualité de l’encadrement. La force de cet aéro-club réside en effet dans son école. 2500 des 3500 heures de vol annuelles se font en double-commande.

L’école de début est marginale avec seulement 15% de l’activité. Elle est réservée aux gens du cru. Elle se fait sur roues, avec un DR300-140.  » La piste étant enneigée cinq mois de l’année, nous offrons la possibilité, à ces élèves, de voler l’hiver au moins une fois tous les quinze jours avec le D119 sur skis. C’est évidemment hors cadre PPL, mais cela permet au stagiaire de maintenir un contact avec le club et de ne pas perdre. Cette contrainte fait qu’un brevet s’étale en général sur deux ans. Nous en faisons 2 à 3 tous les deux ans « , explique Bruno.  » En revanche, nous faisons une vingtaine de qualifications montagne, neige et roues, par an « .

Une démarche pédagogique éprouvée

La formation montagne est évidemment la marque de fabrique de l’aéro-club.  » Pour les gens qui arrivent ici, nous organisons un vol d’évaluation pour voir s’ils peuvent suivre une formation montagne. Ils doivent être capables de maintenir une altitude et un plan. Nous vérifions en fait la précision de leur pilotage « , précise Bruno.  » Les jeunes brevetés se débrouillent plutôt bien « , fait remarquer Jacques Brun.  » Nous avons beaucoup plus de difficultés avec ceux qui pilotent depuis plus longtemps et qui n’ont plus volé en double commande. Il est nécessaire de les recadrer. C’est plus difficile « .

La formation se fait en principe en deux temps. La première partie consiste à  » dégrossir  » le stagiaire et à l’évaluer. Elle s’étale sur une période bloquée de 10 à 15 jours et se solde par une quinzaine d’heures de vol en moyenne.  » Nous leur demandons de rentrer chez eux, de décompresser et de faire leur propre bilan. Si le pilote est d’un bon niveau, nous lançons alors la demande de test « . Le pilote revient pour une semaine cette fois-ci au cours de laquelle il va effectuer une dizaine d’heures de vol qui se concluront par le test.

 » Si nous estimons, au terme des quinze premiers jours, que le pilote n’a pas le niveau, nous lui proposons une suite de stages d’une semaine chacun, à raison de deux à trois stages par an. Et là encore, nous attendons d’être sùrs qu’il soit prêt pour lancer le test « , précise Bruno.  » Il y a parmi les membres, des gens qui ont rencontré de grandes difficultés et qui aujourd’hui sont capables d’aller se poser seuls sur un glacier « , ajoute Jacques Brun.  » Il est inutile de se fixer une butée en termes de temps et d’heures. Il faut attendre que le pilote soit mùr « .

A Megève, les instructeurs reconnaissent que l’existence de deux qualifications distinctes, neige et roues, est une bonne chose.  » Dans les deux cas, il s’agit évidemment de respecter un point de visée, mais si l’hiver, l’atmosphère est beaucoup plus stable que l’été et donc qu’il est plus facile de tenir une vitesse et un plan, en revanche il est nécessaire d’acquérir une culture de la neige « , confirme Bruno.  » La qualification neige est le bonus de la qualification montagne. Se poser sur la neige est autre chose. Sur la neige vierge, il arrive même qu’on ne sente pas le posé « .

Depuis une vingtaine d’année, les pilotes de la Sécurité civile de Marignane ont l’habitude de venir chaque hiver, en stage à Megève. Une manière de réviser les fondamentaux en travaillant la tenue d’assiette aux commandes des Mousquetaires.

Une activité encadrée de près

La qualification est acquise pour la vie, mais en fait, elle est étroitement liée à l’entraînement.  » Nous ne laissons jamais partir des pilotes de passage seuls, même s’ils sont qualifiés. Nous les encadrons. Nous partons à plusieurs. Nous leur disons où ils peuvent aller et nous ne les perdons jamais de vue « . Sur le club-house est accrochée une affiche qui rappelle qu’un pilote ne peut en aucun cas partir seul s’il n’a pas obtenu le feu vert d’un instructeur.  » Cela ne pose aucun problème  » affirme Bruno.

 » Pour faire fonctionner une école exigeante, il est nécessaire d’avoir une équipe d‘instructeurs à la hauteur « , résume Jacques. Outre les trois professionnels salariés à temps plein, l’aéro-club de Megève peut compter sur un groupe de sept bénévoles  » très encadrés « . Ils sont tous là de longue date. C’est le cas de Jean-Michel Barbe, instructeur depuis une trentaine d’années, ou de Robert Vilanova et François Grosset, tous deux pilotes de ligne, qui avant de décrocher un emploi en compagnie ont travaillé avec Jacques à plein temps.  » Nos tarifs ne font pas de distinction entre solo et double-commande. C’est une volonté de notre part. Les pilotes peuvent ainsi s’entraîner régulièrement avec un instructeur « , affirme Jacques.

Les 300 membres totalisent 3500 heures de vol par an avec des variations de plus ou moins 5% d’une année sur l’autre.  » Si en mars et en aoùt, qui sont nos deux plus gros mois, la météo n’est pas bonne, nous avons du mal à atteindre ce niveau. Dans tous les cas, notre volonté est de ne pas faire plus. Nous avons atteint une vitesse de croisière, nous savons la gérer. Au-dessus nous allons vers des problèmes de nuisances « , explique Jacques qui sait que, même si l’antériorité du club sur la plate-forme et la stabilité de l’activité plaideraient en sa faveur face à une éventuelle action des riverains, il vaut mieux toujours éviter le bras de fer.

Dans le respect de son environnement

Ces dernières années, les constructions se sont multipliées sous l’axe de piste. Les chalets à plusieurs millions d’euros pièce fleurissent au-dessus du Mont d’Arbois, en direction de la Côte 2000. Tous ces nouveaux voisins ont tous les bras plus longs les uns que les autres. Jacques Brun en a conscience. Mais c’est aussi par respect pour l’environnement que ce montagnard d’origine s’est engagé depuis longtemps dans la réduction des nuisances sonores à la source. Il a été l’un des premiers clients de Chabord et c’est d’ailleurs, avec l’aéro-club de Megève que l’équipementier d’Annecy s’est lancé dans son premier dossier de certification d’un pot silencieux. C’était pour les Mousquetaires.

Actuellement, les 6 D140 Mousquetaire, le DR300-180, le D119 et le PA19 sont tous équipés. Seul le DR300-140 ne l’est pas. Chabord n’a pas encore certifié de silencieux sur ce modèle et Apex, le constructeur, ne veut pas mettre en chantier une procédure de certification qu’il estime trop lourde. L’aéro-club est donc résigné à se séparer de cet avion trop bruyant.

Bien que l’ensemble de la flotte, à l’exception d’un avion, soit désormais équipé, le club a établi des trajectoires spécifiques de départ afin d’éviter le survol des endroits les plus sensibles. Des consignes strictes ont également été mises en pace.  » Nous ne décollons jamais avant 9h00, nous ne faisons pas de tours de piste entre midi et 14h00, ni le soir après 17h00. Nous avons également une politique de départ en masse de tous les avions pour éviter les mouvements continus sur la plate-forme. On part tous ensemble, on revient tous ensemble « , explique Jacques Brun.  » C’est une démarche volontaire de l’aéro-club, une manière de prendre les devants « .

Pour remplacer le mouton noir de sa flotte l’aéro-club a fait le tour de l’offre du marché. C’est Bruno Muller qui a pris en charge ce dossier.  » L’avion doit répondre à plusieurs exigences. Il doit nous permettre d’accéder aux altiports en toute sécurité avec 3 ou 4 personnes à bord. Il doit être silencieux. Nous devons pouvoir décoller de Valloire avec 3 personnes à bord « . Valloire est d’une certaine manière l’altisurface de référence avec sa piste courte de moins de 300 mètres de long, avec une faible pente et située à 6000 ft.  » Cela exige des performances. Nous nous sommes intéressés au diesel et en particulier à l’Ecoflyer d’Apex et au DA40 de Diamond Aircraft. Comme nous avions tout entendu et son contraire sur ces deux appareils, nous avons voulu les essayer in situ avec les pilotes démonstrateurs. Nous avons été impressionnés. En particulier par le DA40 avec lequel nous avons mis seulement 25 minutes pour aller au Mont-Blanc, à quatre à bord avec le plein. Avec un Mousquetaire, il faut plus d’une heure et à condition d’avoir des conditions aérologiques favorables « . Malgré les résultats probants des tests, l’aéro-club n’achètera, ni de DA40, ni d’Ecoflyer. Ces avions sont jugés trop chers pour les finances de l’association qui s’oriente vers une DR400-160 d’occasion équipé d’un silencieux. A moins de pouvoir trouver un kit, un tricycle sur lequel il serait possible de monter des skis.

Rejet catégorique de la Fédération

Ce n’est pas parce que l’aéro-club évolue dans un environnement économique haut de gamme, qu’il n’est pas confronté aux mêmes difficultés de gestion que les autres. Ses tarifs sont tout à fait dans la norme. L’heure de vol est à 153 € sur les D140 Mousquetaire, 144 € sur le DR300-180 et 102 € sur les autres avions (D119, PA19 et DR300-140). La cotisation est relativement modeste. Elle est de 127 € par an. Elle inclut en particulier un forfait pour les taxes d’atterrissage sur les autres altiports des Alpes. 7€ sont destinés à alimenter un fonds d’aide aux jeunes pilotes de moins de 25 ans qui s’est substitué aux bourses attribuées par la FFA, lorsqu’il y a sept ans, Megève a décidé de quitter la Fédération à laquelle il reprochait de ne pas l’avoir aidé lors d’un contrôle fiscal et de ne pas avoir su gérer le dossier de l’augmentation du taux d’accident du travail.

 » Quand nous avons annoncé notre décision, les membres ont manifesté leur inquiétude. Ils voulaient savoir comment ils seraient assurés. Nous nous sommes aperçus à ce moment, que pour les pilotes la FFA n’était rien de plus qu’une assurance. Nous ne voulions pas que nos jeunes pâtissent de notre décision et c’est pour cela que nous avons mis en place ce fonds assorti de nos propres critères d’attribution des bourses « , explique Jacques Brun.

Dans le rôle du directeur général

L’aéro-club de Megève est décidément pas un club comme les autres. Jacques Brun n’est pas non plus un chef-pilote comme les autres. Il est le patron sur la plate-forme. Une sorte de directeur général du club. Il a la confiance du bureau et en particulier celle du président Michel Piccard, à la tête de l’association depuis 1989. Les deux hommes forment une paire efficace. Les grandes décisions sont prises par les élus et mises en application par le chef-pilote.  » Ils savent faire confiance, ce qui encourage à s’investir « , souligne ce dernier avec modestie.

Lorsque la décision d’embaucher un nouvel instructeur comme ce fut le cas pour Vincent et Bruno, ou un responsable technique pour l’unité d’entretien, comme c’est le problème actuellement, le bureau confie à Jacques les entretiens d’embauche et la sélection du candidat. Il lui fait entièrement confiance.

L’UEA tourne avec deux mécaniciens. Depuis le départ en retraite de Jean Debiole, un mécano de l’ancienne école, Jacques s’arrache les cheveux. Le dernier responsable a été licencié pour faute grave après trois ans passés à l’atelier. Le poste est vacant.

Le recrutement de professionnels compétents est le souci principal de Jacques Brun depuis plusieurs mois. Apparemment, il est de plus en plus difficile de trouver, sur le marché de l’emploi, des mécaniciens expérimentés et spécialistes des avions légers. Ceux qui sortent des écoles avec un CAP ou un BAC Pro en poche, manquent d’expérience et n’auraient, pas, selon Jacques Brun, un amour du métier suffisamment développé pour s’impliquer. Ils doivent être encadrés, dans les ateliers, par des professionnels expérimentés. Et c’est à ce niveau que ce situe le nœud du problème. L’application scrupuleuse de la législation sur les 35 Heures dans le cadre d’une activité de loisir saisonnière ne facilite évidemment pas les choses. Dans ce contexte et pour débloquer rapidement la situation, l’aéro-club a revu à la hausse son offre salariale. Il semblerait qu’il soit en bonne voie. Reste à savoir maintenant si parmi les candidats en lice se trouve la perle rare que tout le monde espère de ses vœux sur l’altiport.

Une âme de montagnard

Incontestablement, l’aéro-club de Megève est une entreprise bien gérée par des hommes de caractère qui ont su, malgré le va et vient permanent des pilotes de passage, donner une dimension supérieure à leur association. Il ne s’agit ni d’une question d’image, ni de standing, mais de compétences. Se côtoient ici des anonymes et de grands noms de l’aéronautique, des personnalités des affaires, des médias et du show-business. Une communauté hétéroclite de pilotes privés et professionnels, à la recherche de l’excellence qu’incarne Jacques Brun. Ils ne cachent pas leur fierté d’appartenir à cet aéro-club prestigieux, au sein duquel ils côtoient le sublime, le plus souvent en double-commande.

Gil Roy. Aviasport N°624 / Mars 2007

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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