L’Océnair Handi est prêt à voler. Le monomoteur quadriplace conçu pour des pilotes handicapés sur une base de DR400 est un concentré d’innovations. Il est remarquablement bien adapté aux besoins des élèves-pilotes paraplégiques qui veulent se former dans le but de voler en solo.
Il est des jours où l’on ne regrette pas de se lever pour prendre la route. Je repense tout d’un coup à Gérard Feldzer, dont je viens de finir la lecture de son bouquin « Si tu peux… vas-y ! ». Gérard m’avait téléphoné depuis son A340, à Roissy, un jour d’embrouilles carabinées et m’avait dit en conclusion : « Jean-Marie, il y a des jours où l’on regrette de s’être levé ».
Quittant la Beauce et ses mornes plaines, pour répondre à une invitation de Claude Penot, ancien président de la Fédération nationale aéronautique (FNA) devenue depuis française (FFA), je me rends au baptême de l’Océanair Handi à malonnier assisté (dit électrique). Je connais bien puisque j’en avais accepté le principe quand j’étais encore à la DGAC. A l’époque, en 2012, les deux inséparables, Claude Penot et Jacques Packo, étaient venus me le présenter. Je pressentais leur projet comme révolutionnaire (j’essayais bien sûr de ne pas le faire apparaître, car trop simple et construit par une équipe d’handicapés, pensez donc : marchera jamais !).
J’ai pu suivre cette aventure, car Claude et Jacques m’ont régulièrement tenu informé des évolutions du projet, bien qu’entre temps j’avais quitté la DGAC pour cause de retraite. Lors de leur dernière visite, il y a plus d’un an, le moteur électrique servant de malonnier avait évolué et était maintenant dérivé d’un servo-moteur d’asservissement en lacet d’un pilote automatique. Il s’avère aujourd’hui pas assez puissant pour manœuvrer la roulette de nez. D’où une étude spécifique.
En ce matin du 3 septembre, j’arrive donc, près de Troyes, sur le petit aérodrome de Bar-sur-Seine, qui se situe sur la commune de Celles-sur-Ource, balisé par un gigantesque bouchon de champagne. Tout un programme…
J’ai hâte de découvrir comment cet avion, maintenant terminé, a évolué depuis 2012. Il n’a pas encore volé, à cause de l’hélice trop grand pas, d’après Jacques Packo (2.150 t/min au point fixe, PG), mais avec son flegme légendaire, il a préféré demander à l’hélicier américain Catto de refaire une nouvelle hélice. Claude Penot est allé visiter Oshkosh l’an passé, le courant est très bien passé entre eux sur ce projet Handi et une magnifique hélice tripale est arrivée de Californie.
Bien sûr l’éloignement ne facilite pas les réglages. Mais la nouvelle hélice remplacera gracieusement la précédente. « Et gardez l’ancienne pour décorer » ! J’ai regardé de près cette hélice, tripale, en bois lamellé, fabriquée sur une fraiseuse à commande numérique. Le bord d’attaque, y compris l’extrémité, est protégé par une peau en alliage de nickel collé sous vide. Le bois est rigidifié, au paravent, en torsion, par un pli de fibre de carbone. Elle est tripale, ce qui permet de réduire son diamètre à 1,66 m, contre 1,92 m pour la bipale métallique standard du DR400 : toujours en vue d’abaisser le seuil du bord d’attaque de l’aile et d’en faciliter l’accès.
J’admire la déco et la peinture métallisée de l’Océanair, réalisées bénévolement par un véritable artiste en la matière, un pro, Damien Hugo, de Lusigny sur Barse (ce sera la seule entorse au côté amateur de l’aventure : on ne peint pas un avion dans un hangar ! il faut une bonne cabine de peinture)
Je passe en revue les principales modifications du projet Océanair, toutes suivies et approuvées par Rémy Tissot, qui s’est pris d’amitié pour l’équipe.
Je commence par l’accessibilité : là, je me prends à rêver d’un fuselage de Cap10 de 300 mm de seuil (au lieu des 400), car je me souviens de la visite que j’avais rendue à Dorinne Bourneton et Guillaume Féral à Dreux, deux pilotes paraplégiques, et combien j’avais souffert de voir leurs acrobaties pour s’installer dans le Cap10. J’imagine déjà des flancs de fuselage abaissés, renforcés par du carbone pultrudé : un autre avion !
Guillaume qui est venu au « baptême », doit penser la même chose. L’Océanair Handi ayant été conçu par des Handis pour des Handis, tout a été repensé. Une mise à jour s’impose.
Je demande à Thomas de me faire une démo : ça commence par la hauteur d’accessibilité du bord d’attaque (abaissé de 80 mm : train-dièdre-suppression de l’apex), un réservoir en alu renforcé, à jauges capacitives (infos sur EFIS. Testé, pour sa résistance, par Claude Penot !), un marchepied doublé en largeur, une verrière articulée (suppression des rails), un siège réglable en hauteur (électriquement) qui porte l’assise à hauteur du flanc et un manche sous tableau de bord qui dégage le plancher. On ne dépasse pas 250 mm, et le dessus du flanc est arrondi pour des raisons de confort.
Toujours sur l’accessibilité, le dossier des places arrière se rabat pour laisser place au passage de deux fauteuils roulants et pliants dans le coffre à bagages. Cindy et Hatem qui ont travaillé à la construction de l’avion ont déjà pensé à la réalisation par leurs soins de deux fauteuils de leur conception en fibres de carbone, plus légers que les actuels en aluminium. Le tableau de bord a été particulièrement soigné. Un chef-d’œuvre !
Arrêtons nous sur principe des commandes manuelles. En main gauche, l’élève pilote, handicapé a à sa disposition, le manche, en roulis, en profondeur, en lacet (via une poignée rotative, montée sur roulements et équipée de capteurs potentiométriques) afin de libérer la main droite. Celle-ci à accès aux fonctions de réglage de l’iEFIS (ou des iEFIS) et des autres instruments, à la commande des gaz, à la commande de malonnier secours mécanique (au centre), à la commande de freins symétriques (les virages au parking sont commandés par la poignée rotative du manche, en fin de course. Les freins Beringer n’entraient pas dans le budget).
On remarquera en haut du bord droit de l’iEFIS gauche (ouf !) l’interrupteur « malonnier » qui permet, par exemple, de déconnecter le vérin électrique (il existe aussi un débrayage mécanique – autre chef-d’œuvre de Jacques – quand un pilote valide se trouve en place gauche. Claude et Jacques considèrent qu’un pilote valide doit toujours se servir de ses pieds.
Beaucoup d’autres sécurités : par exemple, un instructeur valide (place droite) qui veut corriger le lacet de son élève handi (place gauche) à l’atterrissage (cas fréquent), peut reprendre la priorité des palonniers, les pédales étant munies de switches qui déconnectent le vérin électrique (le vérin à billes devient alors « transparent »). Le nec plus ultra : le fameux vérin à billes développé spécifiquement pour l’Océanair.
Plus de 200 invités étaient présents le 3 septembre pour le baptême de l’Oceanair Handi. Les donateurs se pressent autour de l’avion et de leurs constructeurs : le rêve, qui ne fait pas regretter de s’être levé ! Claude Penot est aux anges, tout à fait dans son rôle d’ancien président de la FNA, Jacques Packo se perd dans ses papiers techniques, Cindy stresse d’avoir perdu le discours qu’elle avait pourtant bien préparé.
Le soleil est de la partie, quand soudain, pile à l’heure, toutes sirènes et pétarades hurlantes, surgit une quarantaine de Harley Davidson, bien plus bruyantes que nos avions ! Celles-ci prennent place sur le parking du club : le Chapter de Troyes, devenu membre bienfaiteur de l’opération Océanair Handi grâce à la vente de pin’s dédiés (déjà 1.500 vendus). Et tous de rêver d’une visite à Milwaukee (USA, Wisconsin), le saint des saints pour tout amateur de Harley (usine et musée), situé à quelques encablures d’Oshkosh, le saint des saints des constructeurs amateurs d’avions.
Dans son allocution, Claude rappelle l’aventure : les deux clubs, celui de Bar/Seine, dont il est le président, qui s’engage à faire voler l’Océanair Handi que construit le club RSA Champagne, dont Jacques est président. Deux hommes inséparables, à la destinée commune ! Puis Jacques se lance dans une description technique, auquel succède la bonne dizaine de donateurs.
S’en suivent de nombreux échanges discute avec les invités : Jean-Michel Ozoux, président de la FFA, à peine remis des succès de ses équipes de voltigeurs aux différents championnats, aboutissement d’une méthodologie d’entraînement initiée il y a de nombreuses années, rappelons-le, par Jean Eyquem et le président Trocmé, puis plus tard par Claude Penot (qui fut président de la FNA de 1993 à 2005), période marquée par le titre de champion du monde de Coco Bessière à Yverdon (Suisse) en 90.
Je retrouve aussi le célèbre (mais inconnu car discret) Serge Dabu(lewitcz) venu en voisin, de l’aéro-club du Bar-sur-Aubois, qui en a tant œuvré chez Pierre Robin (entré apprenti à l’âge de 14 ans), et qui me présente ses dernières réalisations : la magnifique restauration complète du Cap10BK, avion à voilure renforcée « carbone » par Air Menuiserie (Bernay) ainsi que le splendide Falco rouge qu’il a entièrement construit et que l’on peut admirer dans de nombreux meetings. Il paraît que Pierre et Thérèse Robin sont venus, non sans émotion, admirer ce chef-d’œuvre la semaine dernière… Rémy Tissot est très sollicité. La marraine, la très discrète Christiane Brocard, va m’en vouloir si je parle de sa présence et de son action, si appréciées, chaque semaine et tout particulièrement aujourd’hui : les toasts de l’apéritif pour 200 invités, c’est bien elle !
Le temps est venu des essais en vol et de la mise au point. Le club RSA Champagne vient de recevoir un laissez-passer de l’OSAC pour réaliser les 15 heures de vol réglementaires devant conduire au CNRA standard de l’avion. Le club attend la nouvelle hélice Catto vers le 20 Septembre.
Il installera ensuite le malonnier « assisté » et repartira pour une nouvelle période d’essais à définir avec la DGAC (en l’occurrence Alexandre Leboulanger). Ces essais en vol, conduits par Jacques Packo, devraient être validés par Christophe Marchand (pilote d’essais EPNER, actuellement sur le Bombardier CS300). Il est familier des commandes de vol électriques, mais il est aussi habitué du Morane G de Réplicair qui a traversé la méditerranée. Bref, par un pilote « large bande » ! Essais prévus entre décembre 2016 et janvier 2017.
En attendant, la bande des 4 piaffe d’impatience : ils n’ont pu s’empêcher de démarrer un autre projet d’Océanair, en coopération avec des membres de l’aéro-club de Troyes. Le fuselage reste à réparer, mais la voilure est bien avancée.
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Jean-Marie Klinka
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Merci Gil. Tous mes voeux de réussite et beaucoup d'abonnés.
Merci à Jean Marie Klinka pour ce superbe article. Une belle aventure et les premiers vols dans quelques jours. Jacques et l'équipe handis ont un énorme mérite c'est ce qui a séduit nos nombreux partenaires. Aucun financement des membres constructeurs mais un nombre de dossiers impressionnant et quel résultat.... Nous serons heureux de faire voler beaucoup de futurs pilotes handis des membres inférieurs sur notre F-PHMI.
impossible de lire cet article "réservé aux membres Premium" : je crois pourtant avoir souscrit cet abonnement ! quel est le problème ?
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