Les ateliers de maintenance aéronautique sont confrontés à des problèmes inextricables d’approvisionnement. Les délais de livraison s’allongent et les prix s’envolent. Pas facile de répercuter les hausses à des clients qui perdent patience.
Avec des délais pouvant aller jusqu’à un an, l’approvisionnement est devenu un véritable casse-tête pour les ateliers. En première ligne les pièces détachées pour les moteurs et les systèmes avioniques. S’en procurer est devenu un défi pour les ateliers de maintenance et leur enjeu pour les mois à venir.
« Chez Troyes Aviation, les problèmes d’approvisionnement sont énormes » confie Françoise Horiot, fondatrice de Troyes Aviation et présidente du GIPAG (Groupement des Industriels et Professionnels de l’Aviation Générale). « Les avions en chantier sont bloqués deux voire trois mois, là où auparavant ils ne restaient que quelques semaines dans nos ateliers. Pour la réfection d’un Cessna 421, nous avons attendu certaines pièces pendant un an » souligne-t-elle.
« Depuis septembre 2021, les commandes de pièces détachées auprès de Lycoming Engines sont devenues problématiques » s’inquiète aussi Pierre Pelletier de ATA. « On nous annonce ainsi des délais d’un an pour la livraison de cylindres. » Même constat chez Aéro Restauration Service à Darois sur la fourniture de cylindres Lycoming.
Mais Lycoming n’est pas le seul à retarder les livraisons et les autres motoristes connaissent eux aussi des délais d’approvisionnement. « Les délais chez Continental étaient auparavant de 6 à 7 semaines » explique encore Pierre Pelletier, « aujourd’hui ces délais pour des pièces détachées sont multipliés par trois. Chez Austro Engine, comme chez Lycoming, les délais d’approvisionnement sont passés à un an. »
L’impact des délais de livraison sur les clients est de plusieurs ordres. « Quand un propriétaire privé nous confie un avion dont c’est le loisir, le client est compréhensif » ajoute Françoise Horiot qui poursuit : « en revanche, lorsque l’aéronef bloqué chez nous est le gagne pain du propriétaire, c’est évidemment plus compliqué pour lui comme pour nous. »
Troyes Aviation a noté également une hausse du prix des pièces détachées, mais également des frais de port. « La grande majorité des pièces venant de l’étranger et notamment des États-Unis, nous sommes contraints de répercuter sur la facture la hausse des tarifs des pièces allant du double au triple de ce qui se pratiquait avant, sans compter les frais de port qui ont augmenté de l’ordre de 10 à 20% » .
Selon Pierre Pelletier, les difficultés d’approvisionnement ne concerneraient que de manière secondaire la construction d’avions neufs. « Les motoristes donnent la priorité aux avions neufs, qui ne sont donc pas touchés par la pénurie. Les réparations de moteurs et les modifications d’avioniques passent donc après et doivent se contenter de ce qui reste. »
Même problème chez les héliciers par exemple. « Chez MT Propeller, les délais étaient d’un mois pour la livraison d’une hélice. Aujourd’hui, il faut compter de 12 à 15 semaines » ajoute Pierre Pelletier.
Du côté des systèmes avioniques, depuis près d’un an, les délais ont été largement augmentés. Une pénurie mondiale de semi-conducteurs impacte la fabrication des instruments électroniques dans tous les domaines, y compris l’aéronautique. Aéro Restauration Service, qui a commandé en fin d’année 2021 un GTN 650 auprès de Garmin, devra attendre le deuxième semestre 2022 pour la livraison de l’équipement avionique.
Chez Troyes Aviation, la commande aux États-Unis d’un stormscope WX-500 en décembre 2021 devait être honorée sous cinq semaines. En janvier 2022, le fournisseur a porté les délais de livraison à 13 semaines.
Pour Françoise Horiot comme pour Pierre Pelletier, les raisons principales de ces délais sont la conséquence de deux problèmes majeurs. La difficulté pour les fabricants de moteurs, d’hélices ou d’avioniques, d’approvisionner leurs stocks en matières premières ou en composants et la pénurie de main d’œuvre chez les fabricants.
« C’est un problème à l’échelle mondiale » s’inquiète Françoise Horiot. « Chez nos fournisseurs aux Etats-Unis, les délais d’approvisionnement sont largement impactés par le manque de personnel lié au Covid-19. L’organisation du travail doit être revue pour remédier, au moins en partie, ce problème » insiste Françoise Horiot.
« On ne manque pas de travail chez Troyes Aviation » tempère toutefois Françoise Horiot, « et les ateliers de maintenance sont bien occupés. Le problème est que nous sommes contraints d’entasser les avions dans les hangars, en attendant de recevoir les pièces. Tout ceci crée des soucis de stockage mais implique aussi la manipulation successive et répétée des avions stockés. Sans compter que le travail perd en efficacité, en reprenant une tâche arrêtée pendant un mois. Au final, tous ces problèmes représentent un temps de travail qu’on ne peut pas répercuter sur la facture finale évidemment. »
Le GIPAG se dit conscient de ces problèmes. Le groupement a d’ailleurs pris l’attache de l’OSAC et de la DGAC de manière à étudier ensemble des solutions à court terme.
« Bien sûr, les ateliers respectent la réglementation européenne en matière de pièces détachées » précise encore Françoise Horiot, mais le GIPAG souhaiterait un assouplissement cette réglementation. « Lorsqu’on prélève une pièce sur un avion, il faut être capable de justifier de l’historique de cette pièce pour obtenir un document libératoire autorisant son utilisation sur un autre avion. Tout en garantissant un haut niveau de sécurité, il apparaît primordial d’assouplir cette réglementation » ajoute la présidente du GIPAG.
L’autre piste étudiée par le GIPAG est la faisabilité de faire fabriquer certaines pièces. « L’une des solutions serait de relocaliser la production de pièces, mais l’aviation légère est un marché de niche et réaliser 100 pièces par an dans une usine en Europe, pas sûr que ça puisse intéresser les industriels » regrette Françoise Horiot.
Fabrice Morlon
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