Longtemps, la Tchéquie a été vue un peu comme l’arrière-cour des grandes marques de modèles réduits allemands. C’était là où se trouvaient les « petites mains besogneuses » qui fabriquaient à un faible coût les modèles revendus ensuite à bon prix par leurs prestigieux donneurs d’ordre. Les temps ont changé. Quatrième et dernière étape de notre voyage en République Tchèque.
Tant que les technologies relevaient encore du « low-tech », la sous-traitance était un procédé viable, permettant aux commanditaires de négocier les meilleurs coûts par rapport à une offre nombreuse de sous-traitance. Quand le marché est passé en quelques années sur des technologies de haut niveau, les sous-traitants les plus audacieux forts de leur savoir-faire étaient dans la meilleure position pour maîtriser ou acquérir les techniques permettant de « monter la marche technologique » et se sont retrouvés dominants en l’espace d’une vingtaine d’années, car seuls capables de produire des objets de grande valeur ajoutée.
Le marché s’est ainsi retourné. La Tchéquie en 2023 pour l’aéromodélisme, ce n’est plus « le sud-est asiatique en mieux et moins lointain d’il y a 20 ans », mais c’est un peu devenu le Japon des années 80. Et bien entendu, un certain nombre en ont fait les frais, d’abord en France, avec la disparition de la plus grosse plateforme logistique que tout le monde connaissait bien, mais également en Allemagne, où des grandes marques d’aéromodélisme existant depuis des dizaines d’années ont vu leur business model complètement pulvérisé.
JETI model est une entreprise installée à Pribor, au sud d’Ostrava, dans l’est de la Moravie. Au début des années 90, elle fabriquait des contrôleurs pour les motorisations électriques en pleine mutation. Progressivement, elle se mit à produire du matériel radio à savoir des récepteurs. C’était du matériel bon marché basé sur des technologies anciennes, que les « grandes surfaces » de l’aéromodélisme vendaient à des prix avantageux, pas de quoi s’inquiéter.
Le matériel radio pour les modèles réduits, depuis les années 70 n’avait que peu évolué en 40 ans. Avec le téléphone portable, sont arrivées des nouvelles bandes de fréquence entre 900 Mhz et 2400 Mhz qui furent autorisées pour l’aéromodélisme. JETI commercialisa des modules permettant d’utiliser son ancien émetteur avec les nouvelles fréquences, et qui devinrent assez populaires.
Ce n’étaient que des prémices… JETI réunit au début des années 2010 un panel d’utilisateurs, composé notamment de champions d’aéromodélisme, et leur demanda ce que pour eux, la radio « idéale » devait savoir faire.
En 2012 fut révélé l’émetteur résolument haut de gamme DC 14, qui à la fois par sa construction et ses fonctionnalités était révolutionnaire. De fournisseur obscur, JETI devint en quelques années le leader, ou un des leaders, pour la vente des émetteurs haut de gamme dans le monde, bousculant brutalement au passage une hiérarchie de constructeurs bien installée jusque là.
De la même façon que pour le matériel radio, la technologie de construction des modèles réduits d’avions et de planeurs par les industriels est restée la même pendant plusieurs décennies. Les aéromodélistes ont progressivement arrêté de construire leurs modèles, pour en acheter d’autres presque prêts à voler, faits généralement pour les planeurs d’un fuselage moulé en fibre de verre, et d’empennages et d’ailes en polystyrène expansé, coffrées en bois exotique (mode de construction proche de celui des planches à voile). Cela permettait de produire des éléments à relativement faible coût, et facilement sous-traitables.
Pour les ailes, ce mode de construction était encore largement un travail « à façon« , où deux pièces produites ne sont pas exactement identiques. Cette technologie était adaptée à un business-model où c’est le donneur d’ordre qui était à même de réaliser le plus de profit, à partir d’une marchandise produite en sous-traitance notamment en Tchéquie et dans divers anciens « pays de l’est« .
Comme dans la construction marine, et la construction aéronautique « grandeur« , les produits utilisés, les procédés ont énormément progressé en vingt ans. La fibre de verre a progressivement laissé la place à la fibre de carbone, de kevlar. De nouveaux tissus et procédés offrent des performances autrefois inatteignables, notamment avec des profils d’ailes très minces mais nécessitant une réalisation plus coûteuse et technologiquement plus élaborée.
Et ainsi, tout une partie de la production de planeurs est montée fortement en gamme, passant au procédé industriel « tout composite » intégralement sortie de moules, nécessitant des savoir-faire… bien maîtrisés par « nos petites mains » des « anciens pays de l’est » et assez facilement améliorables pour eux, moyennant quelques investissements. Internet arrivant dans le même temps permit aux petites entreprises, jusque là inconnues du plus grand nombre, de faire elles-mêmes leur promotion et leur marketing dans le monde entier.
Et c’est ainsi que les anciens « sous-traitants de l’ombre » et autres « fournisseurs de second rang » sont devenus au grand jour les leaders d’un nouveau marché « high-tech », seuls en position de capter la richesse d’une nouvelle chaîne de valeur rémunératrice.
En mai dernier, nous nous sommes rendus à Jesenik, à quelques kilomètres de la frontière polonaise, au nord d’Olomouc dans la Silésie tchèque, au centre d’un massif montagneux dont les sommets culminent vers 1500 mètres, et où il peut faire encore frais au printemps ! Nous avons rencontré Radim Horky, qui créa son entreprise H Model en 1999 à l’age de 23 ans avec une formation d’électronicien il y maintenant 24 ans : notons ici encore que nous sommes dans le « durable » !
Il commença avec le vol libre à l’age de 10 ans, à l’époque communiste, avant de découvrir la télécommande 5 années plus tard. Il commença à utiliser les matériaux composites en 2003, dans le sillage de Karl Vagenknecht.
Il produit de 30 à 40 planeurs par an, vendus dans toute l’Europe principalement, avec l’aide de 2 salariés, et la collaboration avec quelques sous-traitants pour le découpage ou la réalisation de certaines pièces.
Avec une dizaine d’autres entreprises comme la sienne en Tchéquie et dans quelques pays voisins, ils exercent ainsi un véritable oligopole sur des produits demandés dans le monde entier !
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Merci pour ce très interessant article. Ainsi va la vie, faite d'évolution et de révolutions.
(j'ai débuté par le modèle réduit en construisant mon planeur (1,80 m d'envergure vers 12 ans ... multi crashé,muli-réparé n'a jamais volé par erreur de centrage. Puis vol moteur, puis l'aéro-club ...)
A présent, j'ai un drone DJI ...