Après le drame qui a frappé la voltige française en 2005, c’est une équipe de France en reconstruction qui s’aligne aux championnats du monde de voltige aérienne, à Grenade, du 24 juin au 4 juillet 2007.
Ce n’est rien de dire que la voltige française a été secouée par l’accident qui a coùté la vie à un de ses meilleurs espoirs, en 2005. Les pilotes qui ont assisté en direct à la rupture en vol du Cap 232 garderont cette image gravée en eux pour toujours. Ce drame a cassé une dynamique et remis en question une organisation qui a permis de hisser la France, à plusieurs reprises, au plus haut niveau, depuis le début des années 80. » Nous essayons de reconstruire une équipe de France, mais c’est assez difficile « , reconnaît Coco Bessière, l’entraîneur national. La tâche de l’encadrement de la sélection nationale est d’autant plus délicate que c’est la voltige tout entière qui s’interroge sur son avenir.
Une équipe inédite
La sélection des pilotes pour les championnats du monde (Grenade, Espagne, 24 juin – 4 juillet) n’a pas été aisée à effectuer. La saison dernière a été quasiment neutralisée. Les monoplaces étant cloués au sol depuis l’accident du 30 aoùt, la Fédération a été contrainte d’annuler le championnat de France. Une demie équipe composée de deux hommes et une femme, en manque d’entraînement, a été envoyée aux championnats d’Europe.
Renaud Ecalle, en chef de file, a néanmoins tiré son épingle du jeu en ramenant une médaille d’argent. Il a permis aux tricolores de sauver les apparences et de démontrer qu’il fallait toujours compter avec la France, malgré les problèmes auxquels elle est confrontée. Il était important que ses adversaires, mais aussi les juges, sachent qu’il ne faut pas enterrer trop vite notre équipe nationale.
Cette année, à Grenade, la tâche ne sera pas plus facile malgré tout pour les cinq français (dont une fille). Ces pilotes appartiennent tous à la génération montante et manquent pour la plupart singulièrement d’expérience à ce niveau de la compétition. Exception faite de Renaud Ecalle qui malgré son jeune âge possède déjà un beau palmarès, ils ont été poussés dans le grand bain sans avoir eu le temps d’apprendre à nager en eaux profondes. Cela ne les a pas empêchés de prendre la direction de l’Espagne avec un moral de vainqueur. Jacques Carriquiriberry, le directeur technique national, qui, au sein de la Fédération française aéronautique, a constitué l’équipe reconnaît devoir faire face à » un grand trou « . Entre les » anciens » qui ont arrêté et les militaires privés d’avion, il a le sentiment que le vivier des compétiteurs s’est vidé d’un coup.
Certains, dans l’environnement de la sélection nationale s’étonnent néanmoins de l’absence de Nicolas Ivanoff. Officiellement, cet ancien qui a participé à l’épopée de la grande équipe de France des années 90, a manqué de rigueur dans le suivi médical imposé à tout sportif de haut niveau. Ce que l’intéressé confirme. Il se console en participant au circuit Red Bull Air Race où il peut démontrer tout son talent. Mais cela ne l’empêche pas d’avoir des regrets. Pour l’entraîneur national, Ivanoff aurait permis de créer une saine émulation avec Ecalle lors des stages d’entraînement de l’équipe de France. Le DTN qui d’une certaine manière est la conscience du ministère Jeunesse et Sports, a été intraitable. Son attitude est diversement appréciée par les voltigeurs français.
La découverte du plus haut niveau
Le temps où la France faisait jeu égal avec la Russie est de toute évidence révolu. Entièrement remaniée, la sélection française qui se présente à Grenade ne fait, a priori, plus le poids devant la toujours aussi impressionnante équipe de Russie composée de pilotes expérimentés, titulaires depuis des années et présentant des palmarès individuels exceptionnels. Face à cette brochette de champions du monde et d’Europe, le plus titré des français, Renaud Ecalle, ne peut opposer qu’un titre de vice-champion d’Europe (2006) et une troisième place aux championnats du monde 2005. Ce qui est déjà enviable compte tenu de ses 26 ans. Les russes sont pour la plupart quinquagénaires…
Le français le plus expérimenté à ce niveau de la compétition est Matthieu Roulet avec cinq championnats, sans toutefois être jamais entré dans le top 10. Kathel Boulanger, la seule femme sélectionnée, a participé à deux championnats d’Europe (2004 et 2006) et à un championnat du monde (2005). Quant à Frédéric Chesneau et Olivier Masurel, ils vont découvrir l’ » Unlimited « , la catégorie reine. Jusqu’à présent, ils ont évolué dans le circuit » Advanced « . Chesnau a remporté le titre mondial en 2002, mais Masurel n’a qu’une compétition à son actif. Et comme le fait remarquer leur entraîneur, » l’Advanced est très différent de l’Unlimited. Ce serait une erreur de croire que l’un est l’antichambre de l’autre. La marche est très haute entre les deux. Il faut un gros physique et une grande expérience technique. Il y a néanmoins l’apprentissage du box et de la vie en équipe « . Frédéric Chesneau résume : » c’est comme passer de la Formule 3000 à la Formule 1 « . Les programmes sont beaucoup plus techniques et les avions (Su31, Su26, Cap232, etc) plus délicats à maîtriser.
Même s’ils savent que ce n’est pas gagné d’avance et que sur le papier, ils ne font pas le poids face aux ogres russes, les pilotes français ne vont pas en Espagne faire du tourisme, ni de la figuration. Le déficit d’expérience à ce niveau n’enlève rien à leur esprit de compétition. Ils ne se contenteront pas de participer. Ils ont tous des ambitions personnelles et peuvent faire un podium par équipe. L’année dernière, au championnat d’Europe, la France a été virtuellement deuxième par équipe, mais faute d’un nombre suffisant de pilotes masculins, le titre de vice-champion lui a été refusé. » Plutôt que de former une équipe complète, la Fédération a préféré aider financièrement les clubs à remettre en état de vol leur Cap 232 « , justifie Pierre Legrand, président de Midi Pyrénées Voltige, la plus importante association française de voltigeurs, avec quelques 80 membres.
Privé de Cap 232
L’accident dont a été victime Jean-Michel Delorme en aoùt 2005 étant la conséquence d’une rupture en vol du Cap232, tous les appareils de ce type ont, en effet, été cloués au sol. Evoluant pour la plupart sur le monoplace d’Apex, à de rares exceptions près, tous les pilotes français se sont retrouvés sans avion, sans savoir non plus si un jour ils pourraient faire revoler leurs machines.
Lorsque la définition des travaux préalables à une remise en état de vol a été établie, la Fédération française aéronautique est venue en aide aux cinq aéro-clubs possédant des Cap 231 et 232. Elle a versé 11500 € par machine pour couvrir d’une part les travaux de renforcement des cadres réalisés par Air Menuiserie à Bernay (6500 €), d’autre part pour l’obtention du feu vert administratif (5000 €). Le démontage et le remontage du fuselage, ainsi que le désentoilage et le réentoilage sont restés à la charge des aéro-clubs. » Cette aide a concerné sept machines « , précise le DTN. » Elle a été en partie financée sur le budget voltige et grâce à une aide exceptionnelle du ministère « . Pierre Legrand, le président de Midi Pyrénées Voltige est catégorique : » s’il n’y avait pas eu la Fédération, nous aurions été obligés de fermer le club « .
De son côté, l’Equipe de voltige de l’armée de l’air (EVAA) à laquelle appartenait Jean-Michel Delorme a carrément renoncé à utiliser ses Cap 232. La structure est aujourd’hui en sommeil. Laurent Narjoux, qui était avec Jean-Michel Delorme, l’un des deux piliers de l’équipe militaire, a quitté l’armée et est devenu pilote de ligne chez Air France. Stéphane Chantre a reçu une nouvelle affectation outre-mer. Il ne reste plus que deux pilotes sans avion. L’EVAA regarde du côté d’Extra 300, mais l’Etat-Major n’a toujours pas lancé d’appel d’offres. La décision est entre les mains du nouveau ministre de la défense. Difficile de savoir de quel côté elle penchera.
Pierre Legrand est sceptique : » la Patrouille de France et Cartouche doré suffisent à l’armée de l’air qui préfèrent organiser des Journées portes ouvertes sur ses bases plutôt que d’envoyer des pilotes en compétition. La voltige académique n’intéresse pas le public et c’est là que réside notre problème « .
Une voltige trop élitiste
Incontestablement, la voltige aérienne est une affaire de spécialistes. Il faut avoir une solide formation pour apprécier un programme quand tout se joue au degré près. Pour attirer le public, elle doit devenir plus spectaculaire, voire plus ludique. Les organisateurs du circuit Red Bull Air Race l’ont bien compris. » Le Red Bull est extrêmement spectaculaire, mais impossible à organiser en France compte tenu de la réglementation « , déplore Pierre Legrand. » A notre niveau et à titre expérimental, nous avons organisé une compétition avec des règles adaptées. Il s’agissait de réaliser trois ou quatre figures seulement, dans un cadre plus resserré et plus bas. Le public a été beaucoup plus intéressé « .
Sans public, pas de sponsor. Sans sponsor, pas d’avenir. Celui de la voltige française est désormais entre les mains de la seule Fédération qui jusque-là s’était reposée sur l’armée pour défendre les couleurs françaises. Cette option confortable et économique s’est révélée payante pendant presque deux décennies. Coco Bessière, Patrick Paris et Xavier de Lapparent sont de purs produits de l’EVAA. Ils ont fait résonner la Marseillaise à travers la planète. Quand à la fin des années 90 et au début des années 2000, l’armée de l’air était moins présente, Coco Bessière et Patrick Paris, redevenus entre temps civils, ont continué à faire bénéficier l’équipe de France de leur expérience, en encadrant les stages et les compétitions. C’est à cette époque que des pilotes comme Eric Vazeille et Eddy Dussau se sont révélés. Puis à nouveau, l’EVAA, après quelques années de léthargie est revenue dans la boucle, avec des machines, des pilotes et des ambitions.
Stratégie fédérale controversée
Le retrait, même temporaire de l’EVAA, oblige la FFA à assumer ses responsabilités dans l’animation du mouvement sportif. En toute logique, le directeur technique national devient incontournable. Issu d’un univers sportif extérieur à l’aéronautique, il aborde le problème avec un regard neuf ; il entend créer une filière qui s’appuie sur la base et permette de faire émerger de nouveaux talents, plus tôt. » Jusqu’à maintenant, nous avons commencé à nous intéresser aux pilotes quand ils obtenaient des résultats en coupe Doret. La coupe Doret étant la plus relevée des compétitions monoplaces françaises. Je veux que l’on repère les talents dès les compétitions biplace et qu’on les aide à progresser « .
Cette nouvelle stratégie est en rupture avec celle qui au cours des deux dernières décennies a consisté à miser sur des pilotes expérimentés, en dépit de leur âge, en tablant sur le fait que la voltige aérienne est une affaire de maturité. Le DTN veut démontrer au contraire que si l’on entoure des jeunes, on peut les amener au plus haut niveau. Les deux points de vue s’affrontent et certains n’hésitent pas à remettre en cause la légitimité technique du DTN.
Pour accompagner des talents, il faut en effet disposer des moyens financiers nécessaires et ceux que la FFA alloue à la voltige ne peuvent pas suffire. Le DTN doit donc s’appuyer sur les cinq clubs français qui au fil des années ont bâti une école d’où sont sortis les pilotes de la nouvelle génération. Même si ces écuries de course reconnaissent que la FFA a fait ce qu’il fallait pour les aider à remettre en état de vol leurs Cap 23X, certaines estiment ne pas être assez soutenues financièrement. Elles aimeraient également être prises plus en considération.
Les dirigeants de ces associations remarquables se débrouillent comme ils le peuvent pour réunir des fonds afin de permettre aux meilleurs de leurs pilotes de pouvoir s’entraîner. Ils vont chercher des financements auprès des collectivités locales et de partenaires privés. La voltige aérienne n’étant pas médiatisée, leur tâche n’est pas facile. Néanmoins, l’aéro-club de l’Hérault Languedoc-Roussillon est parvenu, cette année, à fédérer suffisamment de sponsors pour ramenerle prix de l’heure de vol sur Cap 231 EX à seulement 138 euros. » Les neuf pilotes lâchés sur cet avion ne payent en fait que l’essence « , explique Thierry Amar, le président du club montpelliérain. A Toulouse, la petite demie douzaine de pilotes lâchés sur Cap 232 payent 250 euros l’heure. » Cet avion a été acheté grâce à une subvention de la Région. Sans cette aide, l’heure de vol devrait être facturée le double « , estime le président de Midi Pyrénées Voltige.
Concernant plus particulièrement le problème du matériel, les voltigeurs français tirent le signal d’alarme en attirant l’attention de la Fédération sur le vieillissement du parc des avions de compétition et l’absence de relève. Le Cap 232 n’est plus construit et l’allemand Walter Extra ne vend ses avions que par lot, ce qui complique singulièrement les choses. Thierry Amar milite pour que la FFA réunisse un tour de table sur ce sujet avec tous ceux qui pourraient participer à la conception, la réalisation et l’exploitation d’un nouvel avion. Compte tenu des relations dégradées de la Fédération avec Apex, constructeur des Cap, il n’est pas certain que le président de l’aéro-club montpelliérain soit entendu.
En dépit des problèmes auxquels est confrontée actuellement l’équipe de France et malgré les inévitables divergences de point de vue pour y remédier, la voltige française n’a qu’un objectif : regagner rapidement sa place au sommet du podium. Nous croisons tous les doigts pour qu’elle y parvienne dès cet été. Les pilotes français ont une revanche à prendre sur le sort.
Gil Roy. Aviasport 628. Juillet 2007
FOCUS
Deux décennies franco-russes
Coco Bessière, entraîneur national, a évidemment conscience du manque d’expérience de ses poulains. » Je crains que les américains ne nous repassent devant « , confie l’entraîneur national qui malgré les années conserve un appétit de victoires unique. Le retour américain confirmerait, à ses yeux, que la France a perdu son rang dans la hiérarchie mondiale. Il faut en effet remonter à la fin des années 80 pour voir un américain champion du monde. C’était Henry Haigh en 1988. Depuis, le titre s’est toujours joué entre français et russes, avec une égalité parfaite de quatre contre quatre chez les garçons : Coco Bessière (1990), Xavier de Lapparent (1994), Patick Paris (1998) et Eric Vazeille (2000), côté français et Viktor Chmal (1996), Mikhail Mamistov (2001) et Sergei Rakhmanin (2003, 2005), côté russes. Chez les filles, seule Catherine Maunoury (1988 et 2000) et Christine Genin (1994) sont venues, à trois reprises seulement remettre en question la suprématie écrasante des russes.
En toute logique, sur la même période, les deux nations ont également régné sans partage ou presque sur les championnats d’Europe dont le niveau était naturellement équivalent à celui des mondiaux. A l’exception de 2002 où l’espagnol Ramon Alonso a troublé ce tête-à-tête en s’appropriant le titre de champion d’Europe, les podiums ont été monopolisés par les russes et les français : Yurgis Kairys (1989), Patrick Paris (1995 et 1997), Seirgei Rakhmanin (1999), Mikhail Maministov (2006) et Svetlana Fedorenko (2004). Fedorenko est la deuxième féminine, après sa compatriote Lyubov Nemkova en 1988, à avoir surclassé les hommes au classement général et à avoir été sacrée » champion » d’Europe. Sur cette période, seule Pascale Alajouanine, à deux reprises (1995 et 2002), est parvenue à s’imposer devant les russes.
Gil Roy. Aviasport 628. Juillet 2007
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