Règlement de compte à la Réunion

Le convoyage désastreux d’un Piper PA-28 destiné à l’aéro-club du sud de l’île de la Réunion tourne au lynchage médiatique. Au cœur de la tempête : un agent de la DGAC locale.

Gérard Servat assume ce qu’il appelle ses « conneries ». Il fait juste remarquer qu’il n’était pas en service au moment des faits et que l’accident s’est produit hors du territoire français. Il n’en demeure pas moins que l’addition finale risque d’être lourde pour l’aéro-club du Sud, basé sur l’aérodrome de Pierrefonds, à la Réunion. C’est là qu’il s’était engagé à ramener le Piper PA-28 Archer 3 avec l’aide d’un membre du club. L’avion est aujourd’hui réduit à l’état d’épave, dans un hangar de l’aérodrome de Brno, en république Tchèque.

Gérard Servat est le chef de subdivision à la direction de l’aviation civile à Saint-Denis-de-la-Réunion. Il couvre l’aviation générale, la formation aéronautique et le transport aérien. Il intervient également sur les enquêtes accident. Il incarne la tutelle. Ses fonctions et certains dossiers chauds récents ne lui ont pas fait que des amis, d’autant que le fonctionnaire est décrit comme une forte personnalité.

Le 14 novembre 2010, le convoyage du Piper PA-28 s’est terminé sur une autoroute de Tchéquie, après seulement 4h30 de vol. L’avion qui a percuté un réverbère au moment d’un atterrissage d’urgence, est fortement endommagé, mais heureusement, les deux pilotes qui étaient à bord, s’en sont tirés sans une égratignure. Le moteur s’est arrêté en vol, faute d’alimentation, alors qu’il restait 90 litres d’essence dans l’aile droite. L’expert de l’assurance mettra rapidement en évidence que le réservoir de convoyage de 100 US gallons n’avait pas été raccordé au circuit carburant correctement. Il notera également que le montage n’avait pas été réglementairement approuvé.

L’installation du réservoir de convoyage a été réalisée en place arrière du PA-28 par l’atelier allemand de Flensburg, chargé d’immatriculer en « D » l’avion qui provenait des USA, via un importateur danois. C’est à Flensburg, à la frontière du Danemark et de l’Allemagne que Gérard Servat et son copilote ont récupéré l’avion. Le problème est que l’atelier n’avait pas eu le temps, avant le week-end, de raccorder le réservoir auxiliaire. Ne voulant pas attendre le début de la semaine suivante Gérard Servat s’est débrouillé. La suite, la presse de la Réunion ne s’est pas privée de la raconter, en détail.

Des sites internet apparemment bien informés, mais ne maîtrisant pas toujours les questions aéronautiques, ont soufflé sur les braises en publiant les conclusions du rapport de l’expert de l’assurance. Devant la tournure prise par les événements, Jean Clamens, le président de l’aéro-club du Sud « Adam de Villiers » a déposé plainte. Il est persuadé que les fuites viennent du piratage de la messagerie internet de son club. Il est évident que pour une partie de la communauté aéronautique réunionnaise, ce convoyage désastreux est une opportunité rêvée pour régler des comptes avec Gérard Servat, leur bête noire.

Quant à l’aéro-club du Sud, l’addition risque de s’élèver entre 120 et 130.000 euros (l’avion a été acheté 106.000 euros) si l’assurance refuse de le dédommager du fait des irrégularités. La tempête médiatique s’est calmée, mais le dossier est loin d’être clôt.

Gil Roy