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Aviation Générale

REX – Collision en vol entre un hélicoptère Dauphin et un avion Nord N1203

Published by
Fabrice Morlon

Dans un espace aérien non-contrôlé, la règle du « voir et éviter » est de mise. Mais lorsque deux aéronefs se trouvent sur une trajectoire similaire à même hauteur, en montagne, sans transpondeur, avec une vitesse relative de 520 km/h, tout s’aligne pour mener à l’accident. Heureusement, la collision en vol entre un Dauphin et un Nord N1203 en février 2024 n’a occasionné que des dommages matériels… et une grosse frayeur.

Le 8 février 2024, un hélicoptère Dauphin EC155B1 exploité par Héli Sécurité décolle de Chambéry avec 2 pilotes à bord et 6 passagers. L’hélicoptère se rend à Courchevel dans le cadre d’un vol de transport commercial. En montée vers 4.000 ft, le pilote passe sur la fréquence montagne, 130.00 MHz et engage le pilote automatique, alors que la vitesse de l’hélicoptère atteint 150 kt (280 km/h).

Au même moment, un avion de collection Nord N1203 des Ailes Anciennes de Savoie, décolle d’Albertville pour un vol de contrôle. Le pilote est accompagné d’un mécanicien. L’avion atteint 4.000 ft où il s’établit en pallier à 235 km/h (130 kt). La radio est sur la fréquence montagne active. Le mécanicien doit effectuer des relevés de paramètres avant de rentrer à Albertville.

Les deux aéronefs s’installent alors dans une trajectoire similaire, opposée, avec un gisement constant.

A bord de l’hélicoptère, le pilote et le pilote de sécurité voient l’avion arriver avec une trajectoire conflictuelle. Mais trop tard : « 1 à 2 secondes avant la collision ». L’équipage précise que le TCAS (Trafic Collision Avoidance System, système d’alerte pour l’évitement de trafic) ne s’est pas manifesté.

Et pour cause : l’avion ne disposait pas de transpondeur à bord. Le TCAS affiche une alerte de trafic conflictuel lorsqu’il perçoit le transpondeur d’autres aéronefs. L’espace aérien de classe G n’oblige pas les échanges radio ni à disposer d’un transpondeur. L’avion devait en être équipé dans les 7 jours après le vol de contrôle du jour de l’accident.

Les 2 aéronefs se sont installés en palier sur une trajectoire opposée, avec une vitesse relative de 520 km/h. © BEA

Les deux pilotes de l’hélicoptère précisent aux enquêteurs du BEA qu’ils n’ont pas entendu à la radio de message « associé à la présence d’un aéronef à la même altitude et en route opposée. » Le pilote du Nord N1203 dit pourtant s’être signalé en montée vers 4.000 ft.

Le pilote de l’hélicoptère vire alors franchement à droite tout en prenant une assiette à piquer. La collision frontale est évitée grâce au réflexe du pilote. Le disque du rotor du Dauphin mesurant 12 mètres, l’extrémité de deux pales touchent l’avion malgré la manœuvre d’évitement. Les deux pilotes entendent le choc avec l’avion et l’hélicoptère se met à vibrer fortement. 3 minutes après l’accident, l’hélicoptère se pose sans encombre dans un pré. L’équipage et les 6 passagers sont sains et saufs.

A bord de l’avion, le mécanicien en place droite est chargé de relever des paramètres moteur. Le pilote assure donc aussi l’anti-abordage et il ne parvient à détecter l’hélicoptère qu’au dernier moment, lorsque celui-ci entame sa manœuvre d’évitement.

L’avion a quant à lui subi des dégâts importants. Les pales de l’hélicoptère ont entaillé le capot moteur et l’intrados de l’aile est aussi entaillé, de l’emplanture jusqu’au longeron. Le réservoir de carburant dans l’aile gauche est perforé. « La bielle de commande de l’aileron gauche a été sectionnée » mais l’avion reste pilotable.

Après le choc, le pilote vérifie la pilotabilité de l’avion et s’annonce en détresse avant de rejoindre l’aérodrome d’Albertville. L’avion atterrit normalement et roule jusqu’au parking.

L’avion est fortement endommagé, depuis le capot moteur jusqu’au niveau du longeron de l’aile gauche. © BEA

Dans son rapport d’enquête suite à l’accident, le BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile) relève plusieurs collisions en vol qui ont montré les faiblesses de la règle du « voir et éviter » en espace aérien non contrôlé. Dans de nombreux cas, l’issue est fatale.

Le BEA, dans son rôle de conseil auprès des autorités de l’aviation civile, a proposé à l’EASA de promouvoir la capacité des différents systèmes de détections de trafics à communiquer entre eux. L’agence européenne pour la sécurité aérienne a répondu favorablement en 2024 et devrait évaluer un changement de réglementation qui obligerait l’installation de systèmes de détection à bord de tous les aéronefs certifiés par l’Europe.

Pour lire le rapport du BEA.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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