Puissance, pureté et dépassement : le Spitfire exprime au plus fort ce qu’une machine volante peut révéler à celui qui l’approche, valeureux pilote ou simple spectateur. À l’heure du Brexit, le Silver Spitfire diffuse un beau rappel de la suprématie britannique dans le mythe mondial de l’aviation en bouclant un tour du monde sans précédent en 4 mois.
Des fabuleux hydravions Supermarine vainqueurs des Schneider Trophy de 1927, 1929 et 1931, Reginald Mitchell a extrapolé un chasseur qui ne correspondait pas aux exigences des programmes officiels. Son moteur est le Merlin, un nouveau 12-cylindres ultra-moderne de Rolls-Royce.
Le seul prototype fabriqué du Spitfire vole pour la première fois le 5 mars 1936, avec Joseph « Mutt » Summers à ses commandes. « Mutt » (cabot), car ce pilote a coutume d’uriner sur la queue de l’avion qu’il va tester… Par sécurité, explique-t-il : en cas d’accident, une vessie vide est préférable. Sans doute aussi en signe radical d’appropriation préalable…
En mai suivant, Summers atteint les 560 km/h en palier en convoyant le prototype vers l’Aeroplane & Armament Experimental Establishment de la Royal Air Force, où l’avion montre de telle supériorité que l’Air Ministery en lance sans délai une commande massive. Au total, 20.351 exemplaires sortiront de différents ateliers en 24 versions jusqu’en 1947. Des Mk IX biplaces d’entraînement serviront dans l’armée de l’Air irlandaise jusqu’en 1968. Apparu au printemps 1941 avec une nouvelle version du Merlin, le Mk IX a été le plus construit avec 5.665 exemplaires.
Le Merlin 12-cylindres restera quant à lui en production jusqu’en 1956. Plus de 168.000 exemplaires (les deux tiers en Grande-Bretagne, un tiers sous licence aux USA) sont sortis de différents ateliers. L’exemplaire du premier Spitfire développait jusqu’à 1.040 ch, les versions 130 jusqu’à 2.060 ch sur les De Havilland Hornet et les versions 620 destinés à l’aviation de ligne délivraient 1.175 ch en croisière pour 1.785 ch max. Les potentiels évolueront de 250 h pour les premières séries jusqu’à 800 h pour les ultimes versions civiles.
On peut établir la puissance spécifique moyenne des Merlin à près de 45 kW/l (à titre de comparaison, celle des actuels Lycoming est entre 25 et 30 kW/l). La consommation sur Spitfire IX, qui pouvait atteindre un pic de 149 gallons/h (677 l/h) en opération de combat, car son Merlin 66 de 1.315 ch max délivrait au besoin jusqu’à 1.730 ch durant 5 mn, pouvait être néanmoins limitée à un minimum de 30 gallons/h (136 l/h). Aux deux réservoirs standards (48+37=85 gallons) situés devant le cockpit permettant ainsi de franchir 700 km pouvaient être ajoutés des réservoirs arrières portant la capacité à 160 gallons, mais l’avion conservait un faible rayon d’action.
Ce talon d’Achille du Spitfire n’encourageait pas son utilisation pour un tour du monde, mais le projet exigeait ce symbole-là de l’attitude britannique face à l’agression qui ravageait le monde. « En démilitarisant l’avion, nous visons à souligner son intemporelle beauté. Avec ce Spitfire moins provocateur, dépouillé de son camouflage, nous espérons élargir la portée du projet et accéder plus facilement aux nations visitées« , font valoir ses pilotes Steve Brooks et Matt Jones.
Couvrir les 43.000 km du périple s’est donc révélé ardu. Surtout, sans doute, lors des survols maritimes glacés qui ont dû paraitre interminables aux équipages, en particulier lors du transit nord vers le Canada, avec Vagar-Reykjavik (803 km), Reykjavik-Kulusuk-Kanderlussuaq (733+629 km) couverts la même journée, et finalement Kanderlussuaq-Iqualuit (902 km).
Plus tard, le transit d’Alaska en Russie a relié Nome à Ugolny (802 km), avant qu’une urgence logistique oblige Ian Smith, pilote habituel du PC-12 d’assistance, à convoyer le Silver Spitfire sur la mer d’Okhotsk, sans accompagnement, de Russie au Japon en couvrant la même journée Nikolayevsk-Yuzhno Sakhalinsk-Sapporo (1088+461 km).
Le dernier transit maritime avant le Channel a été le plus long, avec en une même journée Aquaba (Jordanie)-Marsa Matruh (Egypte)-Heraklion (861+1413 km).
Un typhon et quelques déroutements météo (l’étape française a dû être annulée) ont aussi émaillés la navigation, et Matt Jones a passé sa 500e heure de vol sur Spitfire entre Calcutta et Nagpur. Finalement, après 74 étapes dans 20 pays, le périple s’est achevé ce 5 décembre 2019 à Goodwood, là même où il avait débuté précisément quatre mois plus tôt.
La liste des « earth rounders » ne mentionne pas d’autre warbird parmi les lauréats de cette exceptionnelle épreuve. Tout au plus en 1948 le Percival Proctor piloté par Richarda Morrow-Tait, première femme ayant bouclé le grand tour en avion léger, et en 1997 le Chipmunk de Bill Purchase. De part le monde, une cinquantaine de Spitfire serait aujourd’hui en état de vol.
Gabriel Gavard
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J'avais bien prévu le déplacement au Bourget mais n'ayant aucune information alors je me suis dit que ce Silver Spitfire ne serait visible qu'en GB. Quelle performance.
Un magnifique exploit à bord d'un appareil mythique ! comme quoi une vieille technologie bien entretenue peut réaliser de belles performances !
Cette idée un peu folle de faire un tour du monde sur un vieux chasseur historique est vraiment une idée "so british" ! J'adore, ayant suivit leur aventure au jour le jour sur fessebouc, on ne peut dire que bravo les gars !!!
TANGUY & LAVERDURE ? (J. SANTI C. MARIN)