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Aviation Générale

TBM850, Socata contre-attaque

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Gil Roy

Socata relève le défi des mini-jets en lançant un modèle rapide de son monoturbopropulseur français. Avec 850 ch, le TBM a encore de beaux jours devant lui.


Avec sa nouvelle motorisation PT6A-66D de 850 ch, le TBM gagne 25 kts en croisière et comble pour moitié l’écart qui le séparait avec les futurs biréacteurs ultra légers, en particulier avec le Citation Mustang de Cessna, son plus direct concurrent.  » Nous avons interrogé notre clientèle. Les demandes portaient en priorité sur une vitesse supérieure, alors qu’il était déjà le plus rapide de sa catégorie « , souligne Stéphane Mayer, PDG de Socata. Le plus rapide de sa catégorie, certes, mais distancé par les biréacteurs ultra légers qui pointe le bout de leur nez. Grâce à cette nouvelle turbine, le TBM850 recolle au peloton de tête avant même la livraison du premier jet personnel qui constitue pour les constructeurs de turbopropulseurs, une menace commerciale prise très au sérieux.

Les constructeurs de VLJ (very light jet) ciblent en effet la même clientèle de pilotes aisés, capables d’investir 2,5 à 3,0 millions de dollars dans une machine qu’ils vont prendre un immense plaisir à piloter eux-mêmes et qui va leur faciliter leurs déplacements, professionnels comme privés. Le cœur de ce marché se concentre évidemment aux USA où Socata réalise 70% de ses ventes de TBM. C’est là aussi que Eclipse Aviation a vendu 90 % des 2.357 premiers Eclipse 500. C’est là logiquement que Socata a dévoilé, en avant-première, les nouvelles performances du TBM850, en décembre dernier.

Un programme développé en toute discrétion

Le développement de ce nouvel avion s’est fait avec une discrétion totale. Le projet a été lancé en aoùt 2004. Le premier vol du prototype 02 équipé du turbopropulseur PT6A-66D a eu lieu de 25 février 2005, sans publicité, dans le plus grand secret. La campagne d’essais a duré 8 mois au cours desquels 162 heures de vol en 103 vols ont été accumulées. L’équipe d’essais en vol dirigée par Christian Briand a réalisé 600 mesures de performances, 40 rallumages en vol, des manœuvres sous facteurs de charge négatifs, des tests de qualités de vol dont plus de 100 décrochages, essais de stabilité, de maniabilité, roulis hollandais, etc. Plus de 3000 pages de rapport d’essais et de documents de certification ont été rédigées. Un programme à part entière rondement mené. La certification européenne EASA a été obtenue le 28 novembre 2005, l’Américaine, le 23 janvier 2006, jour également du premier vol de l’avion de série.

Stéphane Mayer, le PDG de Socata, justifie cette discrétion en expliquant qu’il a voulu éviter que les ventes de TBM700C2 soient perturbées par l’annonce du lancement de son successeur. Il craignait que les clients sur le point de signer reportent leur décision d’achat ce qui aurait eu pour conséquence directe de faire chuter la production. Le risque était d’autant plus grand que les délais de livraison sont courts, de l’ordre de 4 mois seulement. Des reports de commandes en nombre auraient inévitablement porté atteint au plan de charge des ateliers.

Les craintes du patron de la Socata étaient apparemment fondées puisque depuis le lancement public du TBM850, 35 commandes ont été enregistrées, dont plus de 80% aux USA. Elles portent toutes sur le nouveau modèle.  » Nous allons rapidement atteindre l’objectif de 42 commandes que nous nous étions fixé pour cette année », précise-t-il. 42, c’est aussi le nombre d’avions qui seront produits en 2006, contre 31 en 2005.  » Nous commencerons à prendre des commandes pour l’année prochaine. Nous n’avons encore jamais fait aussi bien « . Les cadences de production sont passées de 3 avions par mois en 2005, à 4 par mois cette année.  » Nous ferons plus en 2007 encore. Le maximum que nous puissions atteindre est 60 unités par an « , affirme Jacques Lordon, le directeur Aviation générale de Socata. Ce succès commercial s’explique à la fois par la réputation du TBM700 et le gain de performances du nouveau modèle.  » Tout ce qui est sous le capot moteur, devant la paroi par-feu est nouveau. Tout le reste est identique « , résume Jacques Lordon.

Promesses tenues

Le TBM version 850 offre une vitesse de croisière de 320 kts. A pleine charge, il passe le niveau 260 (8500 m) en 15 minutes seulement et le niveau 310 (10.230 m) en 20 minutes. A cette altitude et par températures élevées, le gain de vitesse par rapport au TBM700C2 est de 55 kts.  » Son compresseur à pales monocristallines, contrairement à celle du PT6A-64 du TBM700, autorise un fonctionnement à des températures plus élevées, renforcé par de nouveaux composants et confère au TBM850 ses performances en altitude « , explique Jacques Lordon. Le nouveau TBM n’a plus rien à envier aux biréacteurs ultra-légers. S’il demeure légèrement moins rapide en vitesse pure, d’un point de vue opérationnel, en revanche, il fait mieux que tenir la comparaison face au Citation Mustang qui incarne son plus redoutable compétiteur.

Avec 1520 NM, soit 2815 km, le rayon d’action du TBM850 est supérieur à celui de n’importe lequel des pockets jets et c’est sans doute à ce niveau que réside son meilleur atout. Avec ses grandes jambes, il peut sauter les escales techniques obligatoires pour les jets.  » Si sur un voyage de 500 nm, soit un peu moins de 1000 km, le biréacteur est plus rapide de 7 minutes, en revanche sur une distance de 1200 nm (2100 km), supérieure à la distance de franchissement de la plupart des jets ultra légers, le TBM850 offre un gain de 11 minutes. Le jet doit prévoir une escale technique « , explique Nicolas Chabbert, nouveau directeur commercial de Socata, un professionnel qui maîtrise parfaitement son sujet.  » La distance franchissable est importante pour le TBM parce que deux opérateurs sur trois effectuent régulièrement des vols supérieurs à 500 NM et 15% de plus de 1000 NM « .

Par ailleurs, les coùts directs d’exploitation réduits font également pencher la balance en faveur du monoturbopropulseur français. En l’état actuel des données fournies par les constructeurs, ceux d’un biréacteur léger seraient 50 % plus élevés que ceux du TBM850. Les premiers mois d’exploitation renseigneront de manière plus précise sur le sujet et apporteront aussi des réponses aux inévitables questions qui se posent sur la fiabilité de ces petites machines ultra légères. Elles se posent évidemment à plus d’acquité pour un appareil comme l’Eclipse 500 conçu et produit par une start-up que pour le Citation Mustang, issu d’une lignée prestigieuse d’avions d’affaires.

Mais chacun sait aussi que dans le choix d’un avion destiné à un usage privé, d’autres critères beaucoup plus subjectifs ceux-ci entrent en ligne de compte. Et de ce point de vue, face aux pocket jets, le TBM 850 souffre de deux handicaps. Le premier au niveau de son avionique. Les petits biréacteurs sont tous équipés des plus récentes suites. Socata n’a pas fait le saut technologique qui aurait permis au TBM d’apparaître résolument plus moderne. Le constructeur justifie ce choix en soulignant l’incompatibilité des suites avioniques telles que Garmin G1000 (présente sur le Citation Mustang) avec son pilote automatique. Opté pour cette génération d’avionique impliquait d’adopter, selon lui, pour un pilote automatique moins performant. Cela étant précisé, l’avionique proposée sur le TBM850, si elle est moins  » glamour  » demeure performante et est loin d’être obsolète.
Néanmoins, le passage au Garmin1000 ou équivalent est à l’étude.  » Si le G1000 est devenu un must pour les avions légers à piston, ce n’est pas encore vrai pour les turbopropulseurs « , affirme Stéphane Mayer qui reconnaît aussi que l’intégration sur cette catégorie d’avions est plus complexe.  » Un jour, il y aura aussi un glass cockpit sur le TBM « , conclut-il.

Le deuxième handicap réside dans le fait que le TBM850 n’est pas propulsé par un réacteur. Ce paramètre est avant tout psychologique. La turbine Pratt & Whitney Canada PT6A-66D n’a, en effet, rien à envier à un petit réacteur Pratt & Whitney Canada PW610 ou Williams FJ-33. Ni dans ses performances, ni dans sa technologie. Elle n’offre pas la même part de rêve. C’est là peut-être son plus gros défaut. Mais il est évident que pour un pilote privé, la possibilité de voler sur jet est tentante. Surtout pour le prix d’achat d’un turbopropulseur. Le TBM 850 est proposé par Socata à 2,8 millions de dollars, équipé des options les plus demandées. C’est aussi quasiment le prix du Citation Mustang et celui du Phenom 100 d’Embraer. A l’usage toutefois, les coùts directs d’exploitation de deux réacteurs sont plus élevés que ceux d’une seule turbine. C’est aussi une limite au rêve.

D’un côté, il y a un avion construit à plus de 350 exemplaires depuis 1990, date de sa certification initiale. La turbine PT6 dont est issue la PT6A-66D du TBM850 a été vendu à plus de 33.000 exemplaires, ce qui n’est pas le cas évidemment des nouveaux petits réacteurs des VLJ. De l’autre, beaucoup de promesses. Et même si les prix d’achat se tiennent, la différence substantielle aux niveaux des coùts directs d’exploitation devrait aussi faire réfléchir plus d’un acquéreur.

Les délais de livraison imposés par les constructeurs de petits biréacteurs jouent également en sa faveur. Les acheteurs d’Eclipse 500 ou de Mustang qui se décident aujourd’hui ne seront pas servis avant 2009 au mieux. A Tarbes, les délais sont seulement de 4 mois. Même s’ils sont appelés à s’allonger du fait du succès que rencontre le TBM850, ils resteront raisonnables.

Pour un pilote privé, le passage au réacteur et à l’avionique type Garmin 1000 constitue aussi une marche élevée qui impose un investissement personnel en termes de formation que tous ne sont pas forcément prêts à réaliser. Reste enfin les surprimes au niveau de l’assurance qui devraient venir alourdir de façon importante les coùts d’exploitation. Le problème de l’assurance des VLJ exploités par des pilotes privés reste entier.

 » Pour un pilote privé, le TBM850 constitue le haut de gamme des avions auxquels il peut prétendre. C’est aussi le premier et le plus économique des avions d’affaires « , tranche Stéphane Mayer. Malgré l’émergence des pocket jets, le turbopropulseur de Socata demeure une machine d’exception dont la ligne racée, les performances et l’agilité, l’ont souvent fait comparer à un warbird. S’il présente les qualités de vol des chasseurs de la Seconde Guerre, il offre aussi le confort d’une berline de luxe. Les 150 cv de plus que vient de gagner le TBM850 le rendent encore plus irrésistible.

Gil Roy

EADS SOCATA TBM 850

Moteur : Pratt & Whitney Canada PT6A-66D
Puissance : 850 ch
Hélice : Hartzell quadripale cs de 2,31 m de diamètre
Avionique : Honeywell
Envergure : 12,68 m
Hauteur : 4,35 m
Longueur : 10,64 m
Longueur cabine : 4,05 m
Hauteur cabine : 1,22 m
Largeur cabine : 1,21 m
Capacité des réservoirs : 1100 l
Vitesse de croisière maxi : 320 kts (593 km/h)
Vitesse de croisière écon : 252 kts (467 km/h)
VNE : 656 km/h
Autonomie croisière éco : 1519 NM (2813 km)
Autonomie vitesse maxi : 1365 NM (2528 km)
Distance de décollage : 866 m
Distance d’atterrissage : 741 m
Masse maxi au décollage : 3354 kg
Masse à vide : 2736 kg
Capacité d’emport : 6 personnes
Charge utile : 605 kg
Capacité bagage : 135 kg

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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