Un demi tour du monde en croisière aérienne en DC3

Ce raid aérien vers la Nouvelle-Zélande part le 25 octobre 2012 sur les traces de la pilote Jean Batten qui réalisa la traversée en 1936 à 27 ans. Le DC3 est en grande visite à Pontoise.

Lydd en Grande-Bretagne-Auckland en Nouvelle-Zélande en 21 jours, c’est la croisière aérienne d’exception que part le 25 octobre sur les traces de Jean Batten, la jeune pilote néo-zélandaise qui réalisa ce raid en 1936.

L’avion qu’a choisi Mark Oremland, l’organisateur de cette Airscapade DC3, ancien propriétaire de Nouvelle-Zélande Voyages, est également mythique. Le bimoteur DC3, construit à plus de dix mille exemplaires pendant et après la dernière guerre, permet des étapes quotidiennes de moins de cinq heures à basse altitude pour découvrir les paysages du Moyen-Orient, d’Inde, d’Asie et d’Australie. Le voyagiste Asia assure la logistique hôtelière aux escales et un programme touristique pour les passagers.

Le plan de vol prévu est le suivant : Lydd (Grande Bretagne) – Marseille (France) – Brindisi (Italie) – Larnaca (Chypre) – Amman (Jordanie) – Riyadh (Arabie Saoudite) – Muscate (Oman) – Karachi (Pakistan) – Agra Taj Mahal (Inde) – Sittwe (Myanmar) – Phuket (Thaïlande) – Singapour – Yogyakarta (Indonésie) – Kupang (Timor /Indonésie) – Darwin (Australie) – Mount Isa (Australie) – Longreach (Australie) – Sydney (Australie) – Lord Howe Island (Australie) – Norfolk Island (Australie) – Auckland (Nouvelle Zélande).

Depuis le 30 mars 2012, l’avion est en grande visite dans un hangar de Pontoise, un lieu lui aussi chargé d’histoire. Ce hangar était occupé par la compagnie Aigle Azur, transporteur privé créé en 1946 par Sylvain Floirat. L’homme d’affaires lança aussi Europe 1 et Matra, lointain ancêtre du groupe EADS. Aigle Azur desservit même l’Indochine. La GV n’est pas simple à mettre en œuvre. « J’ai fait appel à un excellent spécialiste britannique », explique Mark Oremland, « mais il travaille comme un plombier. Le boulot est parfait. Mais il vient épisodiquement et on ne sait pas quand il reprend le chantier ».

Pour tenir le délai du 25 octobre 2012, c’est finalement une équipe américaine venue de Portland dans l’Oregon qui décortique le DC3. Les deux moteurs – la version la plus puissante de 1 200 chevaux au décollage – sont également révisés mais un troisième propulseur est prêt sur une palette dans un coin du hangar. Au cas où…

La cabine du DC3 est aménagée avec des sièges affaires racheté à Singapore Airlines. La techno n’est pas absente : chacun des passagers recevra un iPad chargé avec des guides de voyages et un casque Sennheiser à réduction de bruit. C’est aussi l’occasion d’embarquer une bibliothèque de bord sans pénaliser le devis de masse de l’avion.

Construit en 1942 à Santa-Monica, ce DC3, aujourd’hui immatriculé N451ZS, a appartenu à un dignitaire d’Arabie saoudite puis a volé en Afrique du Sud. Son précédent propriétaire, la compagnie islandaise Air Atlantic, l’a utilisé comme avion-cargo. C’est une version Viewmaster aux hublots panoramiques. Stocké à Dunsford au sud de Gatwick, il n’avait pas volé depuis six ans. Le minimum a été fait pour qu’il puisse voler jusqu’à Pontoise en dérogation.

L’équipage technique pour le raid est composé du hollandais Chris Goezinne, un des pilotes européens qui totalise le plus d’heures de vol sur cette machine et du français Philippe Gay, commandant de bord chez Regional. Un ingénieur navigant qualifié pilote est également prévu. L’équipage est bénévole. Une hôtesse assurera en même temps le reportage vidéo souvenir pour les passagers.

Parmi les clients, un Sri-Lankais, ancien d’Emirates à la création de la compagnie, un Australien, deux Strasbourgeois, etc.

Si le DC3 compte 19 sièges, seulement 12 passagers (et leurs bagages) seront embarqués pour respecter le devis de poids et permettre de charger suffisamment de carburant. L’avitaillement en 100LL est, en effet, une forte contrainte pour ce raid. Les escales du parcours historique de Jean Batten ne sont pas toujours respectées et sont adaptée à la présence d’essence avion comme aux réalités géopolitiques. La possibilité de faire appel à du carburant auto, uniquement en croisière, sera peut-être nécessaire ponctuellement en Asie.

Aux exigences techniques s’ajoutent les impératifs administratifs. Des pays comme l’Inde, le Pakistan ou la Birmanie demandent de recevoir les visas avant le départ. Pour transiter au-dessus d’Israël, le niveau 120 est exigé, la limite pour un avion non pressurisé. En Inde, il faut prouver qu’il n’y a pas de parachute à bord. Le DC3 est, en effet, considéré comme un avion largueur et les Indiens sont traumatisés par l’attentat il y a quinze ans d’un groupe séparatiste parachuté.

Combien coûte la préparation d’un DC3 pour un tel périple ? Mark qui a du casser dix fois sa tirelire, ne donne pas de chiffre global. « C’est comme un château, pas très cher à l’achat, mais très coûteux à l’entretien et à la rénovation. J’ai déjà explosé trois ou quatre fois le budget. Avec la participation des passagers, j’espère seulement couvrir les frais de carburant pour aller en Nouvelle-Zélande sur la base de deux euros le litre de 100LL. » Compter environ 1 000 euros/heure de carburant à raison de 350 litres/heure. Le coût horaire total du DC3 approche les 2 000 euros, si tout va bien.

Il est possible de participer à une ou plusieurs étapes en se basant sur un budget moyen de 1 000 euros par jour. « C’est une belle histoire à laquelle nous sommes ravis de nous associer avec son esprit pionnier », explique Guillaume Linton, directeur commercial d’Asia, « le parcours du DC3 correspond aussi aux zones d’Asia. Il y a une cohérence de démarche. Aux escales, nous avons plaisir à organiser les visites des sites et l’hébergement dans des hôtels historiques comme le Raffles à Singapour ».

Thierry Vigoureux