Le drone aura le feu vert pour opérer à l’intérieur de l’espace aérien quand il sera en mesure de le faire avec un niveau de sécurité comparable à celui des aéronefs pilotés, avions et hélicoptères. L’idée fait son chemin. La collaboration entre les filières drone et aéronautique apparaît désormais comme le moyen d’atteindre cet objectif.
Le marché du drone n’a pas suivi la trajectoire ascensionnelle que dessinaient, pour lui, les experts, il y a une dizaine d’années encore. Il s’est néanmoins fortement développé, avec l’émergence d’acteurs mondiaux comme le chinois DJI dont le chiffre d’affaires est estimé entre un et deux milliards d’euros. Le drone est devenu un outil indispensable aux géomètres et chaque année des dizaines de milliers de kilomètres de réseaux sont inspectés par drone. Il pourrait faire beaucoup plus, mais son développement demeure entravé par une réglementation conservatrice.
En 2012, la France a fait figure de précurseur en mettant en place un cadre réglementaire destiné à accompagner le démarrage du drone. Mais alors que tous les six mois apparaissent de nouveaux matériels toujours plus performants, la réglementation n’a pas évolué. La filière est dans l’attente de la réglementation européenne qui aurait dû entrer en vigueur à l’été 2020 et qui finalement, pour cause de Covid-19, le fera le 1er janvier 2021. A partir de cette date, les états auront deux ans pour transposer dans leur droit national, la réglementation communautaire. Une réglementation qui instaure une corrélation entre le niveau de risque des missions et les exigences réglementaires.
A terme, l’Europe sera un vaste marché qui s’offrira aux entreprises du secteur dont les drones répondront aux normes européennes en cours d’élaboration. Ce que confirme Bastien Mancini, co-fondateur et directeur technique de Delair, l’un des principaux constructeurs de solutions drone français : « La réglementation européenne est une opportunité pour Delair qui veut vendre à toute l’Europe, le marché français n’étant pas suffisant pour se développer ». En juin 2020, l’UX11 de Delair est devenu le premier drone autorisé en Europe pour des opérations de grande élongation, c’est-à-dire hors-vue. Reste à attendre que la réglementation européenne diffuse à travers les 27 états.
Pour les drones petits et légers qui constituent la catégorie « Open », les normes devraient être rendues publique d’ici fin 2020. Ces drones continueront néanmoins à opérer dans un cadre restreint. En ce qui concerne des applications plus complexes, là où se situe véritablement le marché, il n’y a encore ni réglementation, ni standards. « Il existe un vide juridique parce que nous sommes confrontés à un vide technologique. Le matériel manque de fiabilité », explique Séverine Charmant, secrétaire générale du Conseil pour les drones civils (CDC).
Le CDC a été imaginé par la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) comme un lieu de dialogue entre la filière drone et les administrations. « C’est un outil de concertation pour définir les besoins et identifier les verrous qui doivent être levés », résume sa secrétaire générale.
Depuis quelques années, le drone semble avoir atteint un plafond de verre. Un marché s’est développé en dessous. C’est la prise de vues aériennes, l’inspection d’ouvrages d’art, la surveillance de réseaux, les relevés topographiques, etc. Autant d’activités opérées dans un cadre contraint, sous conditions. Le véritable marché, celui qu’entrevoyaient les experts au début des années 2010, se situe au-dessus du plafond de verre. Et celui-ci est inaccessible tant que le drone n’aura pas fait la démonstration qu’il est capable de s’intégrer en toute sécurité dans l’espace aérien.
Le défi est immense. Il est à la hauteur des enjeux économiques, voire environnementaux. D’où l’intérêt manifesté par des acteurs de premier plan de l’industrie aéronautique. A ce stade de l’évolution de l’espèce, il apparaît que l’avenir du drone implique un rapprochement des filières drone et aéronautique. Seuls des drones certifiés pourront faire voler en éclat le plafond de verre. Et qui mieux que l’aéronautique maitrise le savoir-faire en matière de certification ? Cela ne signifie pas pour autant que la partie est gagnée d’avance. Les verrous technologiques à faire sauter sont complexes.
« Au sein de l’ONERA, une centaine de chercheurs travaillent dans tous les domaines qui touchent aux drones, à l’exception des batteries », précise Henry de Plinval, directeur du programme Drones de l’ONERA. Le domaine d’intervention du laboratoire français qui possède une bonne connaissance des besoins de l’industrie, est la recherche appliquée. Il est en première ligne dans le plan de soutien à l’aéronautique qui, en ce qui concerne le drone, porte essentiellement sur trois axes de développement : la grande élongation, la logistique hub to hub et les drones d’urgence en ville.
Ce plan qui court sur 2020, 2021 et 2022 a pour objectif d’accélérer les travaux, en particulier sur les sujets les plus engagés. C’est le cas de la grande élongation, autrement dit de l’utilisation des drones sur de longues distances, en dehors de la vue du télépilote. C’est par exemple, la surveillance de réseaux électriques ou de voies de chemin de fer.
L’ONERA travaille en étroite collaboration avec Altamétris, la filiale réseau de la SNCF, depuis six ans dans le développement d’un logiciel d’analyse du risque en fonction de la mission. C’est un drone développé par Delair qui est mis en œuvre. Le retour d’expérience intéresse directement la DGAC.
Le département Flight Avionics de Thales dirigé par Emmanuel Guyonnet est structuré depuis juillet 2019 autour de programmes spécifiques dont un dédié plus particulièrement aux drones. Il travaille notamment avec l’ONERA dans le cadre d’études cofinancée par la DGAC. « Nous développons des solutions d’avioniques qui permettront de sécuriser les opérations des drones. », résume Emmanuel Guyonnet qui est à la tête d’« une petite équipe souple qui connaît bien tous les matériels sur étagère ».
Les verrous à faire sauter afin de libérer l’utilisation des drones sont nombreux. Le premier est d’ordre réglementaire. Il est en passe d’être traité. Restera ensuite à la filière de proposer des solutions qui s’inscrivent dans ce nouveau cadre. Dans l’immédiat, il s’agit de sécuriser les opérations actuelles.
Les professionnels s’accordent pour admettre que pour garantir le bon confinement du drone dans le volume qui lui est autorisé, la solution est le « geocaging », c’est-à-dire la limitation du vol au volume autorisé. D’où les travaux lancés en France dès 2018 pour développer des systèmes embarqués, efficaces, compacts et économiques. Des solutions devraient être proposées dès 2021 pour les drones légers et medium. Pour les plus lourds, cela prendra plus de temps.
Les objectifs à plus long terme concernent les vols de grande élongation. Actuellement les contraintes sont lourdes et les autorisations sont délivrées au coup par coup. Pour Emmanuel Guyonnet, la solution passe par l’intégration de suites avioniques complètes certifiées. Cela ne peut concerner que des drones au-delà de 40 ou 50 kg de masse maximale au décollage.
Pour le directeur de la division drone de Thales Flight Avionics, le « gros challenge » est la fonction « Detect and Avoid », passage obligé pour qu’un drone trouve sa place dans l’espace aérien. « Même quand nous parviendrons à détecter, il faudra éviter. Cela implique de mettre en place des règles d’évitement dans un espace hébergeant des flottes très hétérogènes. Faudra-t-il imposer un standard aux opérateurs de drones ? Pour le moment, il n’y a pas de lobby fort qui va dans ce sens ».
Le Conseil des drones civils met en avant d’autres verrous qu’il faudra également faire sauter : l’acceptabilité, la cyber-sécurité, les émissions électromagnétiques, etc. « Nous sommes sur le long terme », affirme Séverine Charmant qui adresse un « message d’alerte aux start up » qui, selon elle, se feraient « trop d’illusion ».
Gil Roy
Table-ronde « Drones & innovation, les verrous technologiques à lever pour partager l’espace aérien. »
La preuve de l’utilité du drone n’est plus à démontrer, ni la diversité de ses applications. De la démonstration à l’application, les étapes sont encore nombreuses. Plusieurs verrous réglementaires et technologiques restent encore à faire sauter comme l’expliqueront les intervenants.
Les intervenants à la table ronde
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Bonjour,
Avec le développement du pilotage hors de vue (drone) et de la 5G il va falloir bien évaluer avant de légiférer : ce qui n’a pas été fait en confondant drone pilotes hors de vue et aéromodéles pilotes à vue.
Une occasion à ne pas louper pour amender cette loi qui plombe l’aéromodélisme !
Nb: Le partage du ciel nous concerne tous et sans solidarité l’aviation générale pourrait subir le mauvais sort.
Mon avis c'est que, par exemple, si on veut inspecter des lignes électriques, alors on doit transporter le drône au pied de la ligne, on le fait voler le long de la ligne, très proche d'elle, et on le fait se reposer. Ensuite on le ramène au bercail par la route. Si on se contente de ça, ce qui est très souhaitable, alors ça ne me dérange pas. Pas la peine de créer des zones. Il suffit d'instaurer des distances par rapport à des installations électriques et c'est joué.
Et comme je n'ai pas l'intention d'aller faire du rase motte en Cessna à 15 mètres d'une ligne électrique, tout va bien.
Si l'idée c'est de le faire décoller d'un site très éloigné, qu'il doive parcourir 20 km à 50 mètres du sol, là c'est autre chose. Création d'une zone temporaire à chaque trajet ? On part dans le n'importe quoi.
Quand à la présence des drônes en ville (genre pour livrer des colis, idées qu'on entend souvent…), j'y suis très opposé. On parle de transition énergétique et dans le même temps on parle de généraliser l'utilisation de matériel volant, qui sera toujours 100 fois plus polluant que du matériel roulant.
@Pradel
Jusqu'à présent vous avez eu le loisir de vous plaindre de la nuisance générée par "quelques pilotes privilégiés", et ça vous a permis de désigner une population minoritaire pour éviter qu'on ne s'apesentisse sur la gène que vous causez forcément avec vos propres activités (à moins que vous ne viviez en ermite).
Lorsque vous aurez en permanence des milliers de "zébulons" au dessus de la tête pour n'effectuer que des tâches "utiles" (la société terne et triste que nombre de besogneux incapables de se satisfaire d'autre chose que de moraliser les autres souhaitent établir), vous aurez peut-être alors la révélation que la gêne générée par les avions et les hélicoptères n'était que très relative.....
J'espère que l'arrivée des drones dans notre espace aérien ne sera pas le prétexte à une complexification de la règlementation est à encore plus de restrictions, zones etc. . Par exemple, la facilité avec laquelle les opérateurs industriels pourraient obtenir des ZRT pour "assurer notre sécurité" en nous empêchant de voler. Voler pour le plaisir de voler ne parait pas trop légitime au législateur français, et il pourrait bien en profiter...
Je partage votre crainte, il y a plus d'incapables, générateurs d'interdictions, dans l'administration Française qu'il n'y aura jamais de pilote....dans le monde entier !🗄🗃🗂🙇♂️🙅♂️
Quid de la sécurité pour l'aviation de tourisme et /ou de loisir ? Même si la sécurité des drones est optimisée , un problème technique peut survenir et comment et/ou par qui les pilotes privés seront prévenus (avions , planeurs , ULM….) ? , faudra-t-il systématiquement un ADSB , FLARM à bord , et qui va payer ?
On va donc avoir dans le ciel, en plus des avions, des drones bruyants et intrusifs, si je comprends bien, tout ça présenté en terme de marché et jamais en relation avec la vie des humains qui subissent les agressions sonores et la pollution
Un hélicoptère pour des relevés cadastraux ?. Non, je préfère le drone.
Idem pour la surveillance .
Peut être ennuyeux pour le 5% .. "autres".
Reste a encadrer cet "autres".
Sans compter les emplois générés et cela concerne des vies. Pas seulement quelques pilotes privilégiés.
Il y a les emplois générés, et les emplois détruits.
Ce qu'on appelle la "création d'emploi" c'est la différence entre ce qui est généré et ce qui est détruit.
Oui, les grandes surfaces ont généré des emplois dans leurs entreprises. Mais dans le même temps elles en ont détruit beaucoup plus en tuant les commerces de proximités. La création d'emploi est négative.
Là c'est pareil. Ce qu'un drône pourra faire en 1 jour, avec un pilote (emploi généré), il aurait fallu 10 ou 20 personnes sur plusieurs jours (emplois détruits).