Les images de l’épave du bimoteur PA-30 Twin Comanche, au pied d’un immeuble, en région parisienne, au cœur d’un quartier résidentiel de Villejuif, a fait la une de toute la presse et en particulier des chaines de télévision, le 4 décembre 2023. Le rapport du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) était attendu avec impatience.
En découvrant l’épave du bimoteur coincée au pied des immeubles et surtout en constatant aucune victime parmi les trois occupants de l’avion, ni au sol, les reporters des journaux télévisés du 4 décembre 2023, n’ont pas hésité à parler de miracle. Tout le monde a salué la dextérité de Jean-Pierre Trimaille, l’instructeur qui a repris les commandes à son élève-pilote et réalisé avec succès l’atterrissage en catastrophe.
Oubliant la réserve qui s’impose en pareille circonstance, le ministre des Transports de l’époque a immédiatement parlé de « défaillance moteur ». Un an, quasiment jour pour jour, après l’accident, le BEA a rendu public son rapport qui met en lumière une série de dysfonctionnements au sein de l’école de pilotage (ATO).
Ce rapport était très attendu par la communauté aéronautique. D’une part, parce que l’arrêt quasi simultané des deux moteurs en vol n’a pas manqué de poser question et de multiplier les hypothèses de la part des plus imprudents. D’autre part, parce qu’à bord de l’avion, l’instructeur, du haut de ses 40.000 heures de vol est un monstre sacré de la formation aéronautique.
Jean-Pierre Trimaille, âgé de 82 ans, est pilote professionnel depuis 1971 et instructeur depuis 1975. Il dirige l’école Trimaille Aero Formation basée à Toussus-le-Noble au sein de laquelle il exerçait, au moment de l’accident plusieurs fonctions : dirigeant responsable, responsable pédagogique, responsable du Système de Gestion de la Sécurité, instructeur et examinateur. Il a indiqué au BEA « qu’il n’avait pas de difficulté particulière pour assurer les différentes charges qui lui incombaient et pour lesquelles il considère être efficacement secondé. »
Le BEA précise tout de même que, « selon la DSAC (ndlr : Direction de la sécurité de l’aviation civile), un tel cumul de fonctions est rare pour un ATO de cette taille. » Le BEA souligne également que « La charge de travail de l’instructeur associée à ces tâches n’a pas fait l’objet d’une évaluation dans le cadre de l’enquête. » Il note que « L’instructeur se trouvait dans une tranche d’âge où une diminution des capacités cognitives et physiques liée au vieillissement est communément observée. L’enquête a pris en compte cet aspect et n’a pas mis en évidence ce phénomène au cours du vol. » A travers ces remarques, notamment à propose du cumul des fonctions et de l’âge avancé de l’instructeur, le BEA donne l’impression vouloir couper cours les inévitables débats que suscitera ce rapport.
Quand aux causes directes de l’accident, les enquêteurs sont catégoriques : « La perte de puissance des moteurs est liée à une erreur de sélection des réservoirs de carburant, non détectée lors des vérifications avant le décollage et en vol. » Cette « erreur » est la conséquence d’une « vérification imparfaite » lors de la prévol et de la mise en route, d’un manque de supervision de l’instructeur et d’une gestion du carburant propre à l’école.
« Au cours de la visite prévol, le pilote en formation a probablement omis de repositionner les sélecteurs des réservoirs de carburant sur MAIN après avoir purgé les réservoirs MAIN puis AUX. La « check-list » Before start-up a été effectuée sous pression temporelle, face à l’imminence de la fin du créneau de la CTOT pour le décollage et sans supervision de l’instructeur. L’item de la « checklist », qui consiste à s’assurer que les sélecteurs des réservoirs de carburant étaient correctement positionnés sur MAIN, n’a pas été vérifié. »
L’élève et son instructeur étaient persuadés que les deux moteurs étaient alimentés par les réservoirs principaux (MAIN), alors qu’ils l’étaient par les réservoirs auxiliaires (AUX). Quand les moteurs se sont arrêtés, « L’instructeur a alors repris les commandes et a tenté de redémarrer le moteur droit. Il n’a pas sélectionné un réservoir qui contenait du carburant lors de ses actions. Il n’a pas passé les hélices en drapeau en espérant un redémarrage des moteurs et il a conduit un atterrissage forcé en configuration lisse, de nuit en milieu urbain. »
Le rapport précise que dans le cadre des formations de vol aux instruments sur avion multimoteur (IR/ME), l’école a adopté une procédure particulière afin de simplifier la gestion du carburant pour les vols courts. La finalité est de permettre aux pilotes en formation de se concentrer sur les aspects jugés prioritaires de la formation, tels que la gestion des procédures IFR et la maîtrise du vol avec un moteur en panne. Cette simplification reposait sur l’utilisation exclusive des réservoirs principaux (MAIN) dans le but d’alléger la charge de travail en vol. « Cette approche simplifiée a pu cependant induire une diminution des connaissances du pilote en formation sur le circuit carburant ainsi qu’une vigilance réduite concernant certains aspects de la gestion du carburant. », remarque le BEA. Comme souligné précédemment, quand l’instructeur a repris les commandes, « il n’a pas sélectionné un réservoir qui contenait du carburant lors de ses actions. »
Sans les retenir comme des causes contributives de l’accident, le BEA évoque dans son analyse du vol plusieurs écarts par rapport aux procédures standard, comme l’absence de « briefing formel avant le vol » ou l’absence d’une quatrième personne à bord contrairement au plan de vol : « des vérifications supplémentaires ont dû être réalisées par les services de secours afin de confirmer qu’il n’y avait en effet que trois personnes à bord. »
Le BEA ayant sans doute estimé qu’il ne s’agissait pas là d’un paramètre entrant dans la chaine causale, il précise qu’ « il n’a pas analysé les pratiques de l’ATO en matière de départ en vol, avec des conditions givrantes prévues. » En revanche, il note que le déclenchement intempestif de l’avertisseur de décrochage, pendant les six à neuf dernières minutes du vol, lorsque l’avion était en descente pour débuter l’approche, a pu interférer dans la concentration des pilotes. « Cette alarme a probablement généré une situation stressante et une charge de travail supplémentaire, impliquant une surveillance accrue des paramètres, notamment lors de la conduite de l’atterrissage forcé. » L’enquête n’a pas permis de déterminer l’origine de ce déclenchement intempestif.
En résumé, pour le BEA, « La perte de puissance des moteurs est liée à une erreur de sélection des réservoirs de carburant, non détectée lors des vérifications avant le décollage et en vol. » Et parmi les facteurs contributifs, il souligne « des vérifications insuffisantes par l’instructeur avant chacun des deux décollages et en vol avec le pilote en formation. »
Ce rapport était très attendu. Il devrait être aussi très commenté.
Ce 27 novembre 2024, le premier hélicoptère de la commande de H145D3 passée en janvier… Read More
C’est via sa filiale nord-américaine, basée à Wichita, que Figeac Aéro a remporté un nouveau… Read More
L'Aviation Royale Canadienne (ARC) vient d'annoncer réduire la voilure de son démonstrateur de F-18. Il… Read More
Heart Aerospace, constructeur suédois d'avions hybrides et électriques, prévoit d'effectuer en 2025 le premier vol… Read More
Philippe Jarry invite le lecteur à l'accompagner au fil de 40 années d'une carrière consacrée… Read More
En préalable à l’examen du projet de loi de finances pour 2025, la commission de… Read More