Anthologie mondiale de la stratégie aérienne

La documentation française a publié une véritable bible de la stratégie aérienne avec un recueil de textes issus d’époques, de pays et d’auteurs d’horizons divers. Sous la plume de Clément Ader, de René Fonck ou de Hugh Tranchard, on assiste ainsi à l’évolution de la place de l’aviation dans les conflits armés.

Le Centre d’études stratégiques et aérospatiales (CESA) de l’armée de l’Air et de l’Espace produit régulièrement des ouvrages traitant aussi bien de la carrière d’aviateurs parfois méconnus du grand public que des orientations stratégiques de l’armée de l’Air et de l’Espace.

C’est un ouvrage imposant, tant en termes de pagination (900 pages!) que de sujet abordé, que le CESA a publié en octobre 2020 avec cette « Anthologie mondiale de la stratégie aérienne. » Si, comme toute anthologie, le recueil n’a pas l’ambition d’être exhaustif, les morceaux choisis, à des époques différentes et issus de l’aviation militaire de différents pays, offrent une photographie à un instant T de la place de l’aviation dans un conflit.

Chacun des 67 auteurs cités dans cet ouvrage définit la stratégie aérienne à sa manière. Le lecteur retiendra que, comme l’écrit en 1921 l’américain William Mitchell, précurseur de l’U.S. Air Force, c’est avant tout la manière de répartir ses forces sur des aérodromes placés de manière stratégique (justement) pour répondre de manière rapide et ordonnée à une agression.

Le lecteur retrouvera ou découvrira un extrait de textes rédigés par Clément Ader à l’aube de l’aviation. En 1909, il dresse un bilan de ses expérimentations avec Eole et imagine une « armée aviatrice » en prédisant des « batailles aériennes incroyables » dans un texte aux allures de prophéties. Il étudie également la faisabilité d’implanter des bases aériennes en France pour répondre à la menace venant de l’Est.

Les auteurs majeurs de la littérature aéronautique militaire sont bien représentés. Le premier d’entre eux, le général Giulio Douhet, traduit en plusieurs langues depuis l’italien, influencera aussi bien la stratégie française, anglaise, allemande et même soviétique de l’entre deux guerres. La lecture de « La Maîtrise de l’air » est ainsi « imposée à tous les officiers de l’Armée rouge par le maréchal Timochenko » jusqu’en 1937.

Les « piliers » de l’aviation européenne et mondiale sont présents dans cet ouvrage aux allures de monument : Winston Churchill, le célèbre chef d’état major de la RAF Hugh Trenchard, mais aussi René Fonck, Helmuth Wilberg, auteur de la doctrine qui fera référence dans la Luftwaffe pendant toute la guerre. Sous l’aveu, à regret, du directeur de la collection Jérôme de Lespinois, seuls manquent « des textes théoriques issus des mondes chinois, indien ou arabe » qui existent peut-être mais qui n’ont pas été trouvés.

A la lecture de cette anthologie, qui peut se faire en picorant et pas nécessairement dans l’ordre de la pagination, il est remarquable de constater que les idées circulent, s’échangent et ce faisant s’enrichissent, particulièrement dans l’entre deux guerres. Le général espagnol Kindelan reprend Ader et Fonck en les citant, au même moment américains comme soviétiques recommandent la lecture d’un ouvrage italien.

Fabrice Morlon

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