De l’Indochine à l’Afrique, Jean Billaud a exercé ses talents de pilotes dans des environnements géopolitiques souvent complexe. Sa carrière suit les méandres sinueux des relations de la France avec ses anciennes colonies. Une tranche de vie racontée par Christian Paris qui illustre une époque révolue dont seuls ceux qui l’ont vécue peuvent éventuellement en conserver une nostalgie.
Quand un pilote voyageur et curieux écrit la vie d’un pilote d’exception, le résultat est bon. Le livre se lit d’affilée. Les chapitres sont courts mais percutants. On suit le parcours de Jean Billaud qui à la déclaration de guerre part retrouver de Gaulle à Londres, abandonnant femme et enfant, passant par l’Espagne où il est interné au camp Miranda de sinistre mémoire. Il devient mitrailleur sur bombardier et survit à un tour d’opérations (28 bombardements au dessus de l’Allemagne), ce qui n’était pas le cas de tous les membres d’équipage.
Le retour en France est pénible : le climat dans l’armée entre pétainistes et gaullistes reste détestable.
Il part pour le Maroc où, devenu pilote d’avions, il crée une société d’épandage aérien qui va travailler aussi en Mauritanie et au Sénégal. Il se lie d’amitié avec une famille chez qui le général de Gaulle vient en vacances. Il est le guide touristique du Général qui ne l’oubliera jamais.
Il devient en plus pilote d’hélicoptères. L’indépendance du Maroc conduit à l’arrêt de la société. Il retourne à la vie militaire et est envoyé en Algérie comme pilote d’hélicoptères jusqu’à son retour en France en 1962. Il est alors envoyé au Laos où il est pilote à la Mission Militaire Française chargée d’assister le pays dans la constitution de son armée et de son aviation. Mais le Pathet Lao instaure une guerre civile avec le gouvernement en place et à chaque vol les risques d’être mitraillé par les rebelles sont très présents.
Après le Laos, il est envoyé au Cambodge où tout est à faire pour, là aussi, organiser une Armée de l’Air. Il y trouve des Flamands qu’il n’a jamais pilotés, mais il s’installe aux manettes et après une heure de vol, il se sent à l’aise. Il se liera avec Sihanouk ; d’ailleurs dans tous les pays où il séjournera, il deviendra l’intime du président, du roi ou du gouvernant.
Il participe au tournage du film « La 317ème section » et assiste au fameux discours de Phnom Penh du général de Gaulle. A la fin de son affectation il rentre en France avec sa femme en bateau à travers le Pacifique, le canal de Panama et l’Atlantique. Il est démobilisé avec le grade de capitaine.
De Gaulle l’envoie alors comme pilote personnel du président Micombero (Tutsi) du Burundi. Il le formera aussi comme pilote d’hélicoptère ; le président deviendra grâce à sa formation, un pilote confirmé avec plus de 1.000 heures d’Alouette. Comme au Cambodge, sa femme l’accompagne et le couple devient vite très connu et accueillant à Bujumbura.
A Bujumbura, Jean Billaud fait partie du « réseau Foccart ». Il assiste désolé aux luttes fratricides entre Hutus et Tustsi qui feront près de 200.000 victimes des années avant que les évènements ne se répètent, hélas en plus grand, au Rwanda. Mais aussi, il dîne et danse avec Mobutu, Bokassa, Kountché. Il fait survoler le pays à Hailé Sélassié. C’est à cette époque qu’il devient pilote de la Caravelle présidentielle, sans avoir été formé et sans avoir la qualification de type sur cet appareil.
Vous l’avez compris la vie de Jean Billaud s’écoule comme un torrent, et se lit de même avec des chapitres courts qui tiennent le lecteur en haleine ; pas de fioriture des textes où de langage, pas mal de pointes d’humour et pas mal de critiques des diplomates qui apprécient trop à son goût l’usage « du parapluie« . On parcourt une vie tellement remplie, tellement chanceuse à maints égards, qu’on se dit qu’au cinéma où dans un roman, elle ne serait pas plausible.
Son dernier pays d’aventure sera les Comores où il devient le pilote du président Ahmed Abdallah et l’ami du sulfureux Bob Denard. Une volte face politique le rend indésirable sur place après l’assassinat du président, et son contrat est rompu de façon abusive. Hélas le livre s’achève avec amertume en 1984 sur une condamnation de l’Etat Français dans un procès où Jean Billaud sort gagnant. Mais la vie continue et maintenant il a 92 ans et a été décoré en 2015 comme Grand Officier de la Légion d’Honneur.
Jean Ponsignon
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