Dassault est le plus ancien constructeur aéronautique au monde détenu par une famille qui porte toujours son nom. A travers le portrait de son fondateur Marcel Dassault et de son fils Serge qui lui a succédé, dans son livre « Dassault, de Marcel à Serge », Claude Carlier raconte, sans complaisance et avec la rigueur de l’historien, le développement extraordinaire de cet avionneur qui occupe une place à part pour les français.
De l’hélice Eclair de la Première Guerre mondiale au Rafale du XXIe siècle, des avions de transport des années 1930 aux avions d’affaires Falcon, de l’électronique à l’informatique, en passant par la banque, la presse, le cinéma, l’immobilier, la viticulture, sans oublier la politique, Marcel et Serge Dassault incarnent un siècle de passion. Plusieurs » affaires » politiques, industrielles, juridiques, familiales ont émaillé leur vie.
Telle est la trame du livre de Claude Carlier, particulièrement fouillé qui raconte l’histoire d’un empire industriel à travers ses deux principaux dirigeants. De plus ces deux dirigeants furent si différents : Marcel, le fondateur parti de rien, sauf de la connaissance de l’ébénisterie et la passion du dessin va pendant 65 ans créer un vaste ensemble comprenant, en plus de l’aérien et de l’électronique, un immense groupe de Presse, des exploitations vinicoles de renom et une société immobilière. Marcel Dassault fut déroutant de gentillesse avec tous (sauf ses descendants), presque d’effacement, de bonhomie vraie ou fausse, de largesse incongrue dans ses pourboires.
Et pourtant il en a subi des avanies : les articles de Gringoire dans les deux années précédents la dernière guerre, sont d’une violence d’une autre époque comportant des appels au meurtre contre « ce juif infâme ». Puis le gouvernement de Pétain le met en prison pour des motifs fallacieux : le retard dans la livraison des chasseurs n’est pas de la faute de sa société (12 à 13 mois seulement entre la commande et la livraison du premier appareil), mais du manque de décision des ministères de l’Air aux titulaires changeant fréquemment.
Puis la famille est envoyée à Drancy, et il est embarqué dans le dernier wagon envoyé à Buchenwald. Là se déroule un épisode curieux : les jeunes résistants qui partagent avec lui le wagon déclouent les planches du plancher et sautent. Lui refuse ; se sent-il trop âgé pour jouer les acrobates ; pas sûr ; il semble qu’il soit persuadé que le pire n’est pas certain. Il devra son salut aux résistants communistes qui font autorité dans les bâtiments du camp.
Sa réputation de patron social et bienveillant fera que tous s’uniront pour le sauver en permanence. Le plus extraordinaire c’est que le dernier jour où les SS ont décidé de le tuer, ses camarades communistes vont le faire changer d’identité 3 fois dans la journée en le faisant endosser à 3 reprises la veste d’un déporté qui vient de mourir, en le changeant de « bloc » à chaque fois. Sa femme et ses fils jeunes seront libérés de Drancy.
Marcel parlera très peu de ses épisodes et décidera d’effacer sa judéité Bloch devient Dassault (nom de guerre de son frère qui dès les premiers jours a rallié de Gaulle à Londres). De même il décidera de changer de religion ; il s’agira d’un cheminement de 10 années accompagné par le célèbre prédicateur, le Père Riquet.
Pour Serge le parcours est différent ; après polytechnique il intègre l’entreprise familiale, mais y est sévèrement encadré par son père, même plutôt malmené. En fait il faudra attendre la mort de son père à 94 ans, pour qu’il devienne le patron à un âge proche de celui légal de la retraite. Chez les Dassault, la retraite est un mot qu’on ne connait pas ; on assume les responsabilités jusqu’à sa mort. Le style est différent : Serge parle beaucoup, partout, comme il en envie, sans aucune auto censure. La politique deviendra sa deuxième passion.
L’ouvrage n’a rien d’un panégyrique. Il est le fruit d’un travail méticuleux d’historien, spécialiste de l’aéronautique et de l’espace, et de journaliste. L’auteur ne s’est pas contenté de puiser ses informations dans les archives, y compris celles de la famille. Ses entretiens avec des personnalités politiques et industrielles, des collaborateurs, des concurrents et, bien sûr, des membres de la famille, dont Serge Dassault lui-même, donnent à cette saga familiale l’éclat très nuancé d’une «aventure, humaine, industrielle et politique».
L’un des intérêts de l’ouvrage est de découvrir que si Marcel était de sensibilité politique de type radical et Serge franchement de droite, tous les gouvernements de gauche ont été plus favorable à l’entreprise (lui évitant même la nationalisation) alors que ceux de droite ont failli l’imposer.
En lisant ce livre, vous en apprendrez beaucoup et dépasserez l’image véhiculée par les médias.
Jean Ponsignon
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Jean Claude BROU ingénieur 1961 / 1992 Direction Générale Technique puis Direction du programme RAFALE 26 ans après mon départ je revis toute cette période comme si c'était hier. Monsieur Dassault était sur les planches à dessin toutes les semaines. Que de centaines de projets étaient calculés toutes les semaines. Que de prototypes ont volés. une progression technique permanente pas à pas ce qui conduit aujourd'hui au meilleur avion d'armes du monde le RAFALE. Monsieur Dassault était un génie, il a su s'entourer d'équipes superbes dans tous les domaines. J'ai 82 ans, un dinosaure pour certains. Faites comme lui, soyez créatifs, décidez, allez de l'avant, vite et bien.
Serge aura souffert de Marcel et Olivier aura souffert de Serge. On reproduit souvent les traumatismes que l on a vecu soi-meme.
Bel article!
Un livre à livre!
Bonjour à tous
Les informations dans cet article semblent corrects
Dassault c'est déjà une histoire et je pense que Serge a souffert d'avoir un père avec beaucoup de talent.
L'ayant rencontré, il faudra reconnaître un jour son importance dans la Fabuleuse aventure industrielle
Mr TRAPPIER que je ne connais pas continue avec beaucoup de discernement à promouvoir l'excellence aéronautique française !!
Je souhaite que cela continue le plus longtemps possible
Je n'ai aucun intérêt personnel à écrire
Je ne suis pas frangin mais mecacien formé sur catia à l'ENS cachan et maintenant patron d'une société de mécanique
J'aime CATI (CATIA) pour toujours
Vive les avions Dassault et vive le France ??
ARNAUD MONTESINO RJP
Ancien mecanicien de l’Armée de l’Air sur Mirage lll puis sur Mirage lV, je suis resté totalement « addict » des avions Dassault, si beaux et si racés...
Comme vous je clame vive Dassault et vive notre belle France!
Gilles Peroux