Il y a trois ans disparaissait Eugene Cernan, le douzième et dernier homme à avoir marché sur la Lune. C’était en décembre 1972. Cernan est décédé, il y a tout juste trois ans. Jean Ponsignon a relu pour nous le livre que Cernan a écris avec Don Davis.
Voila un ouvrage qui tranche sur beaucoup de récits aseptisés de la période Apollo. Eugene Cernan, fort de sa position de dernier homme sur la Lune, dit tout sur les recrutements, les arguties de la composition des équipages de mission, les candidats moins bons, le poids des politiques. Il ne « balance » pas par déception, mais ne cache rien ; c’est dans sa nature.
C’est pour cela que des évènements que vous avez déjà lus vont se trouver complétés par ce récit. Le livre s’ouvre sur le récit du tragique accident de Gus Grissom, Ed White et Roger Chaffee. D’emblée, il nous introduit dans l’intimité de la vie des familles et des veuves, et tout l’ouvrage continuera à offrir ce sentiment de proximité avec les acteurs.
Issu de la deuxième génération d’émigrants tchèques, Eugene Cernan, avec l’aide de Don Davis, raconte fort bien la vie de ces nouveaux arrivants et les conditions de leur élévation sociale progressive. Il fait revivre l’époque d’Eisenhower et les débuts d’un jeune officier de marine – terriblement malade en mer. Puis nous suivons sa formation de pilote, lâché sur T34 après seulement 11 heures de formation. A 25 ans, pilote de la Navy, il vogue heureux sur les porte-avions dans le Pacifique.
La rencontre avec Barbara – hôtesse de la Continental Airlines – est savoureuse et aurait pu faire l’objet d’un film à succès. Hélas, ils se sépareront bien des années plus tard, après le dernier vol vers la Lune.
En 1963, la Navy le propose comme candidat astronaute. On suit alors pas à pas le parcours de sélection partant de 400 à 36, puis 32 après les tests médicaux. Puis viennent les enquêtes de moralité de la NASA et du FBI, et le décompte final retient 14 astronautes qui s’installent à Houston pour le programme Apollo, puisque Mercury et Gemini étaient en cour de développement.
Cernan décrit certains d’entre eux à la pointe sèche : Gordo – une tête brulée, Gus – qui avait toujours un peu peur après le vol Mercury qui avait mal fini, Scott – qui était là parce que sa femme le voulait, Wally – un perfectionniste sans prétention, Alan Shepard – un commandant d’acier, Ed White – le héros américain typique, une publicité vivante pour le programme. Ou encore : les égo de Grissom et Borman étaient trop grands pour tenir dans un même vaisseau ; Neil Armstrong était un type amical et sans prétention.
Le premier astronaute qui mourut fut le discret Ted Fryman qui au cours d’un vol de routine sur T38 a percuté une oie qui fit éclater la verrière et arrêta le réacteur.
On apprend aussi que les épouses ne pouvaient assister aux lancements de leurs maris, « car une règle, non écrite et non dite, voulait qu’elles soient de retour à Houston pour montrer à la presse comment elles tenaient « la maison » et sourire au photographe. Et puis il y avait une autre, le sexe. Il y avait beaucoup de jolies filles qui rêvaient d’une aventure avec un héros de l’espace. Nous étions attirants, des pilotes fêtards et de véritables aimants pour les femmes. »
On croit le savoir, mais là on a tous les détails pour comprendre comment les premières sorties dans l’espace furent compliquées et risquées, tant chez les Russes que chez les Américains (cf Leonov et Ed White notamment). Cernan intitule sa propre première sortie comme « la sortie dans l’enfer ». Elle fut tellement compliquée que la suivant en direct, le Pape Paul VI fit une prière spéciale pour lui.
S’ils ne pouvaient pas rentrer dans la capsule, le chef de mission avait pour ordre de les détacher dans l’espace et de rentrer sur terre en les abandonnant, mais on ne le disait pas à celui qui était désigné pour la sortie. A la page 134, la description des 7 couches de vêtement à enfiler avant une sortie dans l’espace est édifiante. Un peu plus loin on apprend que la recette pour se soulager dans l’espace comprend 22 étapes. C’est un livre qui dit tout.
Sa première mission spatiale fut Gemini 9 ; elle fut avortée à plusieurs reprises et le lecteur partage l’insoutenable attente pour le pilote et pour l’épouse. Les difficultés d’arrimage entre deux vaisseaux sont détaillées. C’est lui qui a convaincu la NASA de s’équiper d’une piscine pour l’entrainement.
Puis arrive les lancements d’Apollo qui s’accompagnent d’une folie médiatique, usante pour les couples. La veille de son départ pour la Lune, il conduit en excès de vitesse et se fait arrêter ; comme il n’a pas le droit de se faire connaître comme astronaute pour ne pas alerter la presse, vous découvrirez comment l’épisode se dénoue.
La description de son premier vol vers la lune – Apollo 10 – est complète précise et presque sans histoire ; le processus était rôdé. Seul problème, Cernan jure en direct pendant les séquences télévisées, alors que les astronautes devaient respecter un langage châtié.
« Puis la bulle du divorce éclate en 1969, renversant le délicat et invisible système qui avait protégé les astronautes des horreurs de la vraie vie. » De nombreux divorces ont eu lieu ; les astronautes concernés étaient soit virés, soit rétrogradé dans l’ordre des missions. Lui aussi se séparera après Apollo 17 ; il part alors avec le vice-président Agnew pour une tournée de 18 jours en Asie.
Quelques jours avant dernier vol vers la lune (Apollo 17), Eugene Cernan fait une connerie monumentale. Pour se détendre il emprunte un hélicoptère et par tout seul faire du radada au dessus de l’Indian River proche de Cap Canaveral. Et là, il se plante et heurte l’eau, mais ne se tue pas. Mais l’hélicoptère prend feu et une fois remonté à la surface sa combinaison aussi prend feu. Une femme seule dans un petit bateau de pèche le sauve ! Pour la presse on camoufle l’erreur de pilotage qui devient une panne moteur.
L’un des problèmes d’Apollo 17 était que l’équipage comprenait un scientifique non pilote. Il se comporta fort bien, mais les deux pilotes eurent beaucoup de difficultés à l’accepter. Deux mois avant le départ il joue une partie de softball et se fait un claquage au mollet. Cernan a refait le con ! Le médecin, risquant sa place, masque la vérité et lui prescrit un traitement de choc.
Le 6 décembre 1972 c’est le dernier départ pour la lune, de nuit. Pour la suite, les budgets sont réduits et la NASA démotivée. Mais il y avait tout de même 700.000 spectateurs. Une fois sur la Lune, grâce au géologue de l’équipe, qui pouvait choisir les échantillons lunaires en connaissance de cause, le vol fut un succès scientifique, malgré les ennuis provoqués par la rupture d’un garde boue de la jeep. Son dernier pas fut celui du dernier homme sur la lune avant longtemps ! Eugene Cernan est mort, il y a 3 ans, en janvier 2017.
Jean Ponsignon
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Oui, magnifique bouquin, à lire et relire... Les souvenirs de Gene Cernan constituent une superbe leçon de vie, pleine de courage et de volonté. Et, nonobstant la nostalgie, une leçon d'optimisme!
La NASA après avoir récupéré WVBraun (operation paperclip) et son équipe, est partie un peu à l'aventure mais sans trop se presser, du moins au départ. La guerre froide et le besoin de se doter d'un vecteur intercontinental pour envoyer un missile nucléaire sur l'URSS ont fait le reste. Kennedy a saisi l'opportunité de la situation pour faire passer la course à la lune. Beau projet en soi mais non dénué d'interêt.
Pourriez vous nous donner le nom de l’astronaute qui a marché sur la Lune et que vous avez rayé de votre liste ? En effet 12 hommes ont marché sur la Lune au cours de 6 missions Apollo.... Pas onze, comme dans votre titre ... Ils ne sont pas si nombreux pour qu'on en oublie ;)
(Armstrong, Aldrin, Conrad, Bean, Shepard, Mitchell, Scott, Irwin, Young, Duke, Cernan, Schmitt).