Pilote dans la toute jeune armée de l’Air, officier de renseignement à Berlin où il est proche de Göring, puis chef d’état major de l’armée de l’Air, le général Paul Stehlin a eu une carrière digne d’un roman. Matthieu Gantelet signe une biographie passionnante qui plonge le lecteur dans les prémices de la deuxième guerre mondiale et jusqu’aux choix militaro-industriels de la France des années 1960.
Paul Stehlin aura vécu plusieurs vies en une, toutes au cœur des événements qui auront façonné la France et l’Europe d’aujourd’hui. Engagé pour la libération de la France pendant la seconde guerre mondiale, ses prises de positions à contre courant de celles du Général de Gaulle et en faveur de l’industrie nord-américaine, face aux programmes développés par Dassault, lui ont toutefois valu l’ire de ses contemporains.
Matthieu Gantelet signe une biographie dense, entremêlée de militaire, de politique et de programmes industriels, autour d’un personnage qui aura marqué à la fois l’armée de l’Air mais aussi les relations avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Sorti de Saint-Cyr en 1928, Paul Stehlin, qui parle Allemand couramment, est envoyé en Allemagne en 1935 où il est nommé Attaché de l’air adjoint auprès de l’ambassadeur.
Officier de renseignement, il est témoin du réarmement menaçant de l’Allemagne. Il est même aux premières loges : devenu proche de Göring, qui lui prête son avion personnel et dont la sœur sera épris du jeune français, Stehlin alerte ses supérieurs de la montée en puissance de la Luftwaffe. Malgré la transmission de plans détaillés de l’attaque de la France obtenus de la main même du chef de la Luftwaffe, Stehlin gardera une rancœur à l’encontre des responsables de l’armée de l’Air de l’époque, qui n’ont pas voulu l’écouter.
Stehlin l’aviateur participe à la campagne de France, à la tête du groupe de chasse GC III/6 Roussillon. Il fait partie des conseillers du gouvernement de Vichy à l’armistice puis rejoint les aviateurs de la France Libre. Le personnage n’est pas exempt de contradictions, qu’il parvient à expliquer dans plusieurs ouvrages.
Gravissant les échelons au sein de l’armée de l’Air, il devient chef d’état major en 1960 avec l’ambition d’à la fois de moderniser et réformer en profondeur une institution qui lui semble à bout de souffle. Dans cette période de mise en place de l’arme nucléaire, il accompagne le déploiement du Mirage III et le lancement du Mirage IV et participe activement au projet du Jaguar. A contrario du général de Gaulle, avec qui il entretient toutefois des relations cordiales, le général Stehlin prône une alliance forte avec les États-Unis qui, selon lui, sont les seuls à disposer de la puissance militaire et technologique pour protéger l’Europe d’un menace venue de l’Est.
Quittant la plus haute fonction de l’armée de l’Air en 1963, il devient homme politique et lorsque les états européens membres de l’OTAN décident en 1971 de remplacer leur Starfighter F-104 par des F-16, Paul Stehlin milite de manière active et farouche pour que la France choisisse également F-16 face au Mirage F1 de Dassault. Sa note au président Valéry Giscard d’Estaing est publiée dans la presse et fait l’effet d’une bombe : il est contraint à démissionner de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale et est considéré comme un traitre à la Patrie.
En juin 1975, une note est publiée dans la presse révélant que Paul Stehlin a été rétribué comme conseiller auprès de Northrop pendant dix ans. Quelques jours après, Stehlin est renversé par un bus et décède des suites de ses blessures.
Avec le concours du Centre des études stratégiques aérospatiales, Matthieu Gantelet livre une vision sans concession, et parfois mordante, à la fois sur Stehlin et son caractère, son ambition et son manque de reconnaissance, mais aussi sur l’armée de l’Air de cette époque, enferrée dans une vision dépassée.
Avec Stehlin, on assiste aux prémices de la guerre au cœur de l’Allemagne, à la réorganisation, laborieuse, de l’armée de l’Air qui suivra la Libération, et jusqu’à l’émergence des programmes industriels français qui marquent de leur empreinte l’aviation moderne.
Fabrice Morlon
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À mon avis, Stelhin et Galland, sont deux grands francais.
Un francais qui est pour Boeing est un traitre.
Mais un Américain qui est pour Airbus est un héros.
Voila la logique toute française que j'ai subit moi aussi durant mes 25 années dans l'aérospatial.
Je suis nord-américain et je suis pour Boeing.
C'est vrai que les Américains ne sont jamais nationalistes. C'est savoureux de vous voir nous donner des leçons.
Nous sommes nombreux dans ce pays à ne pas vous considérer comme nos amis. Et s'il vous plait, ne nous ressortez pas le débarquement, la "libération" et tout ça, et que sans vous, nous parlerions allemand.... alors que l'envahisseur d'alors n'a jamais cherché à nous imposer sa langue, pour commencer. Bref, on pourrait en parler pendant des heures, sans changer nos positions respectives.
Vous devez être canadien, pour dire "nord-américain" comme ça. Ceux qui qualifient les francophones de leur pays de "Français"... j'ai appris à les connaitre, figurez-vous (et pour moi, c'est 44 et non 25)
"l’envahisseur d’alors n’a jamais cherché à nous imposer sa langue"!!!!!
Vous n'êtes pas au courant qu'il a imposé nettement pire?
Sous des airs badins votre commentaire s'assimile à du négationnisme!
On ne peut pas mettre STELHIN et GALLAND sur le même plan. Je ne connais pas grand chose à l'aviation militaire mais je comprends des messages précédents que le Général était motivé par son soucis de la performance de l'Armée de l'Air.
GALLAND, qui n'était pas un spécialiste de la construction aéronautique ou du transport aérien, est devenu un vulgaire lobbyste au service d'une multinationale étrangère. C'est politiquement et moralement condamnable (on peut d'ailleurs s'étonner que cela ne le soit pas également judiciairement...), non parce qu'il est français mais parce qu'il fut ministre de la République et qu'il a donc eu accès à des informations confidentielles et des connexions propres à son statut (c'est une forme de délit d'initié!)!
Quand il y a des sous à se faire, pour certains la mère patrie ne compte pas beaucoup, sinon il n'y a pas photo, le F1C était un avion ancienne génération donc le F16 semblait meilleur. Sinon j'ai beaucoup apprécié le F1CR, mais comme le Jaguar, il méritait un moteur plus puissant, 2 pour le félin.
= Mirage G 04 (ou 08), 2 Atar 9K50 (mais ailes à géométrie variable. Le Mirage F.2 était mono-réacteur, 9 t)
Quant au F-16, comme disait un général Belge : ça pousse fort, mais on aimerait que ça pousse plus longtemps...
Une grande partie de la flotte a été perdue sur panne réacteur, bien plus que des Mirage 2000 !
J'ai lu effectivement,il y a 40 ans, le livre critique du gal Sthelin sur le Mirage F1, comparé au F16 qui était déjà, à l'époque plus avancé que le Mirage 2000 (encore prototype): ces deux avions cités ont des commandes de vol électriques et un réacteur puissant et moderne.
En comparaison, le F1 est un avion où tout est "câblé" et le moteur issu de celui du Mirage 4: c'était un bon avion, l'avenir l'a montré largement!!! Mais à l'époque, on regardait, comme toujours, le dernier "cri". Même dans l'Armée de l'Air, il y a eu des Hommes (et Femmes) qui ont plutôt regardé vers les USA, à tort ou à raison. M. Sthelin en faisait partie...
Les premiers blocks (versions) du F-16 (blocks 1 à 15) n'étaient-ils pas qu'à moitié numériques ? Et avec un ordinateur de vol des plus limités, problème remédié avec les F-16C et les MLU.
Un peu plus de précision dans la tenue de vos caps... Le gal Stehlin était appointé par Northrop qui, remarquez-le, n'était pas le constructeur/promoteur du F-16 mais celui de son concurrent: le F-17... celui qui avait perdu face au F-16. Le rapport du Gal Stehlin, tel qu'il fut communiqué à VGE, démontrait l'écart grandissant qui se creusait entre les capacités technologiques française (le F1 en étant un exemple ) et celle des USA avec le florilège F-15, F-16, F-17... Selon lui, la France agissant seule (et cela a été la politique stratégique constante de M. Dassault), ne pouvait rivaliser: même le F1-M53 (dont l'armée de l'air ne voulut pas, d'ailleurs) ne tiendrait pas la route, car le moteur n'était qu'une partie de l'équation: c'était le système d'armes qui était en cause. Pour lui, il y avait donc deux voies: que l'Industrie française accepte une coopération européenne (mais le gal Stehlin, de par sa carrière avait bien compris que c'était impossible vu la stratégie de Dassault) ou la coopération avec les USA. La décision appartenant évidemment au Politique, d'où le dossier transmis à VGE. La coopération est le résultat d'une option politique (France-Grande Bretagne pour ce qui deviendra le Jaguar, par exemple)... On l'a vu: l'absence de coopération européenne conduit inéluctablement à une écrasante pénétration des USA dans les armées de l'air européennes malgré des succès partiels des avions Dassault (Belgique, Suisse, Espagne, Grèce) . Cinq décennies après 'l'affaire Stehlin', la même équation à résoudre et voici le SCAF : intéressante aventure à suivre: fera, fera pas ?
Merci pour la promotion de cet ouvrage que je ne connaissais pas.
Il y a eu d'autres livres sur le personnage.... et je me souviens très bien de l'affaire, à l'époque. Il avait donc fait la promotion du F16 pour l'Armée de l'air française, ce qui avait fait beaucoup de bruit - et encore plus lorsqu'on avait opportunément découvert qu'il était payé pour ça.
Un des patrons de l'industrie américaine s'était vanté de l'avoir comme employé, après qu'il ait quitté l'armée de l'air - pensez donc, avoir comme lobbyiste un ancien chef d'état-major.
Ils sont nombreux comme ça, encore maintenant, à palper de façon plus ou moins occulte des Américains. Combien ont fait la promotion du F18, des drones, du F35 récemment ? et se sont retrouvés ensuite dans une sinécure de l'autre côté de l'Atlantique, à prétendre vouloir transformer l'OTAN ? on n'a rien sans rien.
Mme Sylvie Goulard a dû quitter son poste de ministre de la Défense après un mois seulement, car cela n'était pas tenable - salariée d'un think-tank américain, et pas pour des clopinettes....
Il y a le club de Young Leaders, qui recrute et place ses gens au plus haut niveau de l'état - cherchez, et vous ne serez pas déçus. Il y a les généraux qui ont fait toute leur carrière en étant les hommes des Américains, de Tiger Meet à l'OTAN, en commençant par l'échange Ecole de l'air / Air Force Academy de Colorado Springs. C'est d'ailleurs la justification de la chose.
Alors oui, lisez ce livre, et pensez bien à tout ça.
C'est comme Yves GALLAND, ministre de Chirac (de l'industrie puis du commerce extérieur...) parti vendre son carnet d'adresse et son entregent chez Boeing en 2003....