Dans la famille Schneider, les maîtres de forges sont plus connus que les aviateurs. Et pourtant, Henri-Paul et son frère Jean ont pris part à la guerre de 14-18 en tant que pilotes. Le premier y a laissé la vie, le second rempilera en 1940 et son épouse, Françoise, sera une active IPSA (Infirmière pilote secouriste de l’air). Roger Gaborieau a eu la bonne idée de se pencher sur ces trois vies.
Voilà un livre fort instructif car il évoque plusieurs aspects de la vie de Henri-Paul Schneider et de celle de Jean et Françoise Schneider. On découvre d’abord la vie d’une famille de maître de forges, marquée par la stature écrasante de Eugène II, qui va régner sans partage à la fois sur les usines du Creusot et sur sa famille pendant 44 ans jusqu’à l’âge de 80 ans. Il refuse de céder la moindre part d’autorité à ses fils. On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec l’attitude de Marcel Dassault vis à vis de ses descendants.
Alors, Henri-Paul et Jean vont décider de quitter l’entreprise familiale et de « vivre leur vie« .
Mais arrive la Guerre de 14 ; ils devancent l’appel, s’engagent et exigent de se battre au plus près du front. Après l’infanterie et la cavalerie, ils se font tous deux muter dans l’aviation. Le livre évoque de façon vivante les multiples changement d’aérodromes, l’évolution des appareils et décrit de façon détaillée les combats auxquels ils prennent part. Mais le 23 février 1918 Henri-Paul est abattu à 22 ans et ne survit pas à ses blessures.
Jean termine la guerre avec une victoire aérienne. Il se marie en 1919 avec Françoise de Curel, quittant définitivement l’entreprise en 1921, et intente un procès à son père ; il le gagnera 10 ans plus tard, mais ne reverra plus son père avant 1942. Sa femme s’était engagée dans la Croix Rouge pendant la guerre et, sans enfant, va consacrer toute sa vie à la Croix Rouge et à la création des IPSA (Infirmières pilotes secouriste de l’Air).
Jean va travailler pour Air Union, puis plus tard pour Air France. On lui confie de très nombreuses missions d’exploration pour l’ouverture de nouvelles lignes, en Afrique d’abord, puis à destination des Etats Unis ensuite. C’est ainsi qu’en 1932 il est le chef de projet d’une expédition aérienne et automobile destinée à relier la Tunisie à Madagascar.
On suit pas à pas, et avec tristesse, les aléas de la construction aéronautique et celles de la politique au moment du front populaire et du réarmement à marche forcée de l’Allemagne. La guerre se déclenche et Jean, qui pourtant n’en a plus l’âge exige de redevenir chasseur. Il a 44 ans, comme son ami Saint Exupéry et vole sur le fameux Dewoitine 520. Il remporte deux victoires.
Le 23 mai 1940 il est chargé de protéger le fameux vol de reconnaissance de Saint Ex sur Arras (qui donnera lieu à la rédaction de « Pilote de Guerre »). Il est alors descendu en flammes. Il se pose mais est terriblement brulé et la guerre active est finie pour lui.
Pas pour sa femme qui développe le rôle des IPSA, accompagnant les 8 premières promotions, accomplissant 2.200 heures de vol dans des conditions souvent scabreuses.
Jean poursuit la guerre dans la diplomatie entre la France et l’Algérie, entre les pro-Giraud et les pro-de Gaulle. Ses amitiés américaines sont bien utiles pour débloquer les situations difficiles. Le 14 novembre 1944, il rentre d’Alger avec sa femme à bord d’un Liberator Britannique. Dans une tempête de neige, l’avion s’écrase dans le Morvan, non loin du lieu où s’était écrasé en 1934 l’Emeraude qui transportait Maurice Nogues au retour d’Indochine.
Je referme le livre, ayant beaucoup appris, mais empreint de tristesse devant ces destins où le courage et l’amertume s’entremêlaient à chaque instant.
Jean Ponsignon
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Habitant au Creusot depuis 40ans je ne connaissais pas l'histoire de Jean et Françoise. J'ai hâte de lire ce livre...
Ah ! il me tarde de pouvoir lire ce livre. J'ai effectivement parlé de Jean Schneider dans mon "Saint-Exupéry, ses combats" au sujet de sa participation au mémorable "flight to Arras", lui consacrant une demi-page d'illustration avec son camarade Joël Pape. On ne peut que se féliciter que des seconds couteaux, qui ont eu des destins extraordinaires malgré tout, sortent de l'ombre pour enrichir notre savoir. Merci