Il y a de ces chercheurs qui vont au-delà de la « simple » démarche de s’adresser aux lecteurs de leurs ouvrages, choisissant à travers eux de s’orienter vers la postérité, de laisser aux historiens du futur une base de départ solide, un socle pour leurs futurs travaux. Cet ouvrage ô combien impressionnant, consacré aux as de l’aviation française 1914-1918, constitue l’archétype de cette approche.
L’universitaire Claude Thollon-Pommerol s’est lancé voici des années, à l’orée du centenaire, dans une étude approfondie de l’aviation tricolore de la Grande Guerre, notamment sur le plan des opérations aériennes, mais pas que. Son site Internet, www.asoublies14-18.fr, constitue une ressource extrêmement riche sur ce domaine, ressource qu’il a complété au fil du temps par une publication papier à parution occasionnelle (désormais deux par an), les Cahiers des as oubliés 14-18, dont le n° 25 nous occupe aujourd’hui. Et sans aucun doute celui-ci est-il le plus exceptionnel de la collection, ne serait-ce que par son « épaisseur » (dans tous les sens du terme, 2,5 cm, 1,25 kg sur la balance), par l’importance de son contenu.
Dans la manière d’aborder son sujet, Claude Thollon-Pommerol a toujours considéré le moindre aviateur de la Première Guerre mondiale comme un « as oublié ». À juste raison. L’aviation en était à ses balbutiements, et il fallait déjà une sacrée dose de courage, d’abnégation, saupoudrée d’un zeste d’inconscience pour survoler les lignes ennemies dans le froid, sous des conditions météo parfois exécrables… L’équipage d’un « bombardier », balançant à la main par dessus bord des obus d’artillerie empennés faisait preuve de la même détermination que celui cherchant à l’abattre.
C’est effectivement durant le conflit qu’est apparue la notion d’« as », sous la houlette de personnages dont le journaliste Jacques Mortane, qui, après un certain tangage, a fini par se stabiliser sur le chiffre 5. C’est tellement difficile de remporter une victoire aérienne, de « descendre » un avion ennemi, qu’avoir réédité l’exploit pour parvenir à un tel palmarès fait très naturellement de son auteur un as qui mérite le respect, certes de ses pairs, mais également de la nation toute entière… Et tout aussi naturellement, cette appellation s’appliquera aux « as du bombardement », aux « as des missions spéciales », en pure logique, tant les prouesses n’étaient pas le domaine réservé des pilotes de chasse.
Bien sûr, le haut du tableau est connu encore de nos jours, y compris du grand public et plus encore des « gens de l’air ». René Fonck, Georges Guynemer, Charles Nungesser font partie de ce panthéon des gloires aéronautiques françaises. D’autres sont moins connues, mais sont de temps à autre encore évoquées, Maurice Boyau, Jean Chaput, René Dorme, Alfred Heurtaux, Armand Pinsard, Gilbert Sardier… Mais que dire de ceux qui n’ont pas du tout démérité, mais dont le sort a voulu que leur score plafonne à 5 victoires ? Eh bien ce livre leur est consacré, car il traite de tous, de ceux qui brillent au firmament de la célébrité, comme de ceux qui sont aujourd’hui dans l’ombre de leur illustres voisins dans les tablettes de l’histoire. Tous sont des héros, et tous sont évoqués dans ce volume, y compris les as « non confirmés », comme Célestin Adolphe Pégoud, dont on sait pourtant preuves à l’appui qu’ils font partie du lot…
Pour cette œuvre véritablement titanesque, Claude Thollon-Pommerol s’est adjoint deux compères, Philippe Guillermin et David Méchin, pour passer en revue la totalité des pilotes français qui remportèrent au minimum 5 victoires aériennes durant le conflit. On imagine sans peine, mais avec admiration, l’ampleur de ce travail qui fera date, et qui justifie que ce soit le général Sabéné, directeur du Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA) qui signe la préface. Sont donc ici évoqués une compagnie constituée de 175 militaires de nationalité française répertoriés en leur temps au Journal officiel, 9 étrangers sous commandement français, et 4 « cas spéciaux », comme Pégoud déjà cité, ou Eugène Gilbert.
Ainsi donc, chacun fait l’objet d’une « fiche » détaillée, qui débute par l’état-civil, et les affectations en unités successives. Suit une biographie, certes, d’importance inégale, illustrée de photos de l’aviateur, le palmarès détaillé des victoires (date, lieu, victime, coopération ou non sur ce combat), citations et profils en couleurs de leur monture identifiée. Au milieu des Nieuport et autres Spad, on voit même quelques avions de 1940 si tant est que des soldats d’active se sont de nouveau battus contre le même ennemi une vingtaine d’années plus tard…
Certes, cette somme ne se parcourt pas comme un roman. Mais celui qui l’a en mains détient à l’évidence un trésor, à savoir une connaissance jamais publiée jusqu’à présent, un ouvrage de référence indéniable, évident, incroyable ! Chapeau aux auteurs pour cet apport formidable que les historiens du futur ne manqueront pas d’exploiter…
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