La mémoire collective, en effet, a occulté que pratiquement une soixantaine de personnes, de multiples nationalités, survolèrent ou tentèrent de le faire, l’Océan Atlantique avant que l’Américain ne réussisse l’exploit du 21 mai 1927 avec son Ryan NYP. Un bon concept a priori, d’évoquer dans un livre tous ceux que l’Histoire n’a pas retenu en dépit de leur incommensurable mérite !
En cette époque de centenaire des multiples événements de l’Entre-Deux guerres, le thème de cet ouvrage de 260 pages relève assurément de l’excellente idée ! Le lecteur s’attend judicieusement à se voir raconter par le menu toutes les tentatives, toutes les pseudo-réussites (celles aux multiples escales, aux amerrissages forcés, que sais-je…) tous les échecs si cuisants soient-ils, afin que d’étranges fantômes de personnages courageux retrouvent la lumière méritée et l’hommage que tous sont en droit de bénéficier une centaine d’années après leurs prouesses. Attente bien légitime.
Pourtant, dès l’examen de la table des matières, la déception s’installe et l’interrogation s’impose. Dans ce panthéon élaboré par l’auteur, Georges Bornes – qui visiblement n’est pas un spécialiste de l’aéronautique, mais loin de moi l’idée de lui en faire le reproche, ce cas de figure pouvant apporter une certaine fraîcheur à la rédaction – se trouvent des gens qui n’ont absolument rien à y faire, car n’ayant aucun lien, de près ou de loin avec la grande mare séparant le vieux du nouveau continent !
On accepterait de très bon cœur des digressions sur les franchisseurs d’autres océans, on comprendrait une évocation de Blériot pour la Manche et de Garros pour la Méditerranée. On se ferait à l’idée que l’on poursuive le survol au-delà de l’année fatidique de 1927, par exemple jusqu’à l’orée de la Seconde Guerre mondiale. Mais que dire de beaucoup trop d’autres pilotes qui ont le mérite d’être juif (de Camondo) ou Belges (de Caters, Olieslagers, Thiefty…) ou de très remarquables aviateurs de la Grande Guerre, mais sans aucun rapport avec les mers du globe ? Vous avez dit hors-sujet ?
Autre reproche, l’ignorance totale des tentatives (et des succès) en plus légers que l’air. Pour que ce livre soit un véritable document, avec un semblant d’exhaustivité, il eut fallu, de mon point de vue, s’étendre sur les aéronautes qui réfléchirent à tenter cette folle traversée…
Aucune allusion aux yankees Thaddeus Lowe, John Wise ou John LaMountain, tous concurrents et tous en lice au moment du déclenchement de la Guerre de Sécession. Rien sur le vol épique du dirigeable America de Walter Wellman (étudié par le Français Louis Godard) qui dérive quelque 2.000 kilomètres au-dessus de l’immensité liquide jusqu’à la récupération de son équipage par un vapeur le 18 octobre 1910. Rien sur le vol transatlantique du R-34 britannique en 1921, sur la livraison par air aux États-Unis du Zeppelin LZ-126 en tant que dommage de guerre en 1924.
De même, certains exploits authentiques, comme le premier raid de Terre-Neuve à l’Irlande, des pilotes Alcock et Brown à bord de leur bombardier bimoteur Vickers Vimy, auraient pu – auraient dû, selon moi – être nettement plus développés. Il y a des manques (quid de la tentative de René Fonck avec son Sikorsky s’écrasant en flammes au décollage ?)
Des photos sont présentes, mais elles sont bien rares, c’est dommage. Le texte souffre en outre de trop nombreuses approximations, voire de répétitions. On peut lire la même chose écrite différemment, quelques pages plus loin !
Faut-il en rajouter ? Non, et je regrette de passer pour un méchant. La lecture de ce volume permet quand même de passer un moment agréable, à condition de ne pas en attendre qu’il soit une référence. Des héros exotiques apparaissent dans ces pages. Les anecdotes peuvent s’avérer plaisantes, si tant est qu’elles soient vérifiées. Je ne jette pas le bébé avec l’eau – de l’Atlantique.
Jean Molveau
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Je n'ai pas lu ce livre et, donc, je ne sais pas si le commentaire que je fait est pertinent, mais dans la rubrique des exploits oubliés, il y celui de mon oncle Pierre de Saint Roman et son équipage constitué du lieutenant de vaisseau Mouneyres et du mécanicien Petit qui ont traversé l'atlantique Sud en partant de Saint Louis du Sénégal le 5 mai 1927, dont vous pouvez retrouver le récit détaillé que j'ai publié dans un article de 86 pages en juin dernier dans la revue ICARE.
Ce que vous évoquez n'est pas du tout mentionné dans ce livre…
Traversée Atlantique sud 1922
Gago Coutinho et Sacadura Cabral