Sur la route des vacances, à seulement quelques kilomètres des portes du Grand Sud, se cache celle qui est considérée comme la seconde collection d’avions de collection en état de vol sur le territoire. De nombreuses reliques en état de vol peuplent les hangars d’Aérorétro.
« Nationale 7 ! Celle qui mène de Paris à Sète… On est heureux Nationale 7 ! ». Ainsi chantait Charles Trenet, poète de la jeunesse et du bonheur en 1955, en hommage à cette route synonyme d’évasion et de joie de vivre. Si elle fourmille de sites le plus souvent dédiés à l’automobile et son histoire, il est un endroit, entre la Cité Gallo Romaine de Vienne et Valence, où il semble bien que ceux que l’on rencontre ici ont justement trouvé leur propre bonheur.
Ce lieu, sur les cartes, aux portes du grand Sud, se nomme « Le Creux de la Thine »… C’est ici qu’un petit aérodrome dont l’histoire se confond avec les débuts de l’aviation se love entre l’autoroute du Soleil et la N7. L’Aéroclub d’Annonay et de la Vallée du Rhône y a pignon sur la route mythique. Un restaurant et quelques hangars alignés le long de la piste témoignent aussi d’une intense activité permanente… Bienvenue sur ce champ d’aviation, où la pratique des différentes disciplines aéronautiques est à portée de main !
C’est sur ce champ, que fut érigé au siècle dernier un monument en hommage au Marquis d’Arlandes, François Laurent, marquis d’Arlandes est né le 26 septembre 1742 au château de Saleton, à Anneyron, dans la Drôme, à quelques kilomètres seulement de l’aérodrome, est l’un des deux premiers aéronautes, avec Jean-François Pilâtre de Rozier. Plus jeune, il avait fait la connaissance de Joseph Montgolfier au collège des Jésuites de Tournon. Intrépide, il s’essaie au parachutisme en sautant depuis une tour et en 1782, il manque de mourir en tentant un saut d’une carrière de Montmartre. Bien informé de tout ce qui se passe dans la capitale, il parvient à se faire accepter dans l’équipe qui va voler pour la première fois en ballon. L’année suivante, il forme le projet de traverser le pas de Calais en ballon, mais la tentative n’aura pas lieu.officier du Roy et premier navigateur aérien, rappelant son premier envol sur le ballon des Frères Montgolfier le 21 Novembre 1783. C’est encore ici que se dresse la stèle commémorative de l’accident du 21 Avril 1919, survenu à quelques encablures, dans lequel Jules Védrines (2) et son mécanicien Guillain perdirent la vie alors qu’ils participaient au « défrichage « de la première liaison postale entre Paris et Rome, qui à l’époque avait valeur de grand raid.
Soulevant la poussière d’un chemin proche de l’entrée de l’aérodrome, nous arrivons au but de notre visite du jour : la collection Aérorétro.
L’histoire d’Aérorétro prend sa genèse en 1974, dans l’amitié de quatre copains… Christian Martin, André Anrès, Claude Chabuel et Jean Chovet, des pilotes privés qui possédaient chacun leur avion avec lesquels ils volaient régulièrement. Ils investirent un petit hangar, (aujourd’hui le lieu de stockage des réserves de pièces de rechange) pour y abriter et y entretenir Morane 315, Stampe SV4 et autre Caudron Luciole, des appareils (1920 – 1930) déjà anciens pour l’époque, nécessitant déjà des soins éclairés.
Rapidement d’autres pilotes/mécanos ou mécanos/pilotes se joignirent à cette petite équipe. Avec Jean Claude Lagland et Jacques Bourret, arrivèrent en 1976 des appareils plus récents, plus puissants aussi dont certains, comme le T6 ou le Fieseler FI 156 « Storch » Storch = la cicogne, appareil d’observation allemand pendant la seconde Guerre Mondiale à décollage et atterrissage courts grâce à ses becs de bord d’attaque et ses volets à fente. Le Storch fut conçu à partir de 1935 mais un grand nombre de Fi 156 a été produit durant l’occupation dès 1942 en France par Morane-Saulnier qui a développé après la guerre une version spécifique, notamment le MS.502 Criquet à moteur en étoile Salmson de 240 ch, puis le MS.505 Criquet à moteur en étoile Jacobs de 305 ch.Deux appareils de ce type furent rachetées au Centre de Vol à Voile de Saint Auban sur Durance.L’un d’eux rejoignit un autre terrain, Le F- AZDA fut remotorisé comme à l’origine, avec un moteur Argus AS 10C-3 de 240 Cv.eurent une seconde carrière civile après avoir servi sous une livrée militaire. Le North American T-6 Texan, fut l’appareil d’entraînement standard des pilotes de chasse des nations alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Il remporta un gigantesque succès commercial : il fut produit à 15 495 exemplaires, toutes versions confondues. D’innombrables forces aériennes ont utilisé le T-6 comme avion d’entraînement de début, mais aussi comme avion d’appui feu léger. Ils fut aussi abondamment utilisé par l’Armée de l’air comme avions de lutte contre la guérilla, pendant la guerre d’Algérie et pour la formation au pilotage élémentaire. L’Aéronavale française a aussi employé le T-6 comme avion école avancé. Le premier T6 d’Aérorétro fut cédé par Jean Salis, à la tête d’une déjà belle collection d’avions anciens sur le terrain de Cerny-La Ferté Alais au sud de Paris. Jacques Bourret se chargea du rapatriement de ce qui n’était qu’une épave et, après 2 années complètes de travail, l’avion revint à la vie.
Les années 80, grâce à la liquidation de la flotte de la Garde Aérienne du président Gabonnais Omar Bongo, virent l’arrivée en France des premiers vrais « Warbirds », les imposants et puissants AD4 Skyraider construits par la firme américaine Douglas, à El Secundo. Deux exemplaires furent rapatriés en Métropole dans un premier temps, et Aérorétro eut l’opportunité d’acquérir l’un d’eux. Cet avion, qui nécessita une petite restauration mécanique et changea de livrée au tout début de sa carrière dans la collection Drômoise, a été revendu depuis aux Etats Unis.
Puis ce fut l’acquisition d’un YAK 11, l’un des 41 exemplaires récupérés sur une base militaire dans le désert Egyptien et enfin, un beau jour de 1988 vit l’atterrissage du joyau de la collection… un magnifique North American P51D Mustang. Après avoir fait le bonheur de tous les pilotes qui ont eu la chance de parcourir l’Europe des meetings à ses commandes, fut cédé quelques années plus tard à une collection Britannique. Le Mustang « Jumpin Jacques » est un modèle P-51D-20-NA, construit à l’usine North American d’Inglewood en Californie. Acquis par l’ USAAF le 21 Décembre 1944, le Serial 44-72035 a été initialement affecté à la Huitième Air Force en Angleterre, mais cela a été rapidement transféré sur le théâtre méditerranéen des opérations au 332ème Fighter Group de la 15ème Air Force, dont les pilotes, connus sous le nom de « Tuskegee Airmen » escortaient les vagues de Forteresses Volantes allant bombarder l’Allemagne, l’Autriche et la Tchécoslovaquie, à partir de Mars 1945. L’avion portait encore les cicatrices de la bataille lorsqu’il a été acquis par Aérorétro, sous la forme de réparations hâtives d’impacts de balles à plusieurs endroits sur le fuselage. L’avion a maintenant rejoint la Collection dite « Hangar 11 » basée à North Weald (GB)
Nous nous attendions à visiter un musée dans lequel, dans une progression chronologique, les avions témoignent d’un passé riche en péripéties. Nous découvrons en fait un immense atelier où sommeillent, entre deux meetings, une petite trentaine de machines d’un autre temps. Ici, point de belles allées tirées au cordeau où les appareils s’exposent derrière des pupitres sur lesquels dans une volonté didactique des maîtres des lieux, leurs caractéristiques et leur histoire sont relatées. Mais le trésor est bien là, ailes enchevêtrées, en une sorte de patchwork de fuselages aux couleurs vives, alternant avec des livrées militaires plus austères. Caudron Luciole, Morane 315, Yak 11 et Yak 18, Pilatus P2 ; NA T6 et son alter ego « déguisé » pour les besoins d’un film en chasseur japonais, De Havilland Chipmunk, Boeing Stearman, NC 858, Nord 1100 et 3202, Bristol Bulldog, Ercoupe, Pou du Ciel et Demoiselle de Santos Dumont sont rangés dans deux grand espaces, un peu à la « va comme je te pousse » au sens le plus littéral du terme, puisque les avions sont régulièrement sortis et remisés à la fin de leurs vols.
Dans les fermes métalliques soutenant les tôles du toit sont accrochées quelques engins volants incroyables… dont on peut se demander s’ils ont quitté la terre un jour. Le hangar est à la fois abri, lieu de stockage et chantier permanent où quelques machines font l’objet en permanence d’une chirurgie réparatrice. Lorsqu’une restauration se termine, une autre commence et parfois plusieurs en même temps. En ce moment, un Caudron Aiglon totalement reconstruit se termine et l’équipe se penche désormais sur la réparation du Storch, victime d’une petite avarie de son moteur.
Si ce concept que certains pourraient qualifier de foutoir ou « bric à brac » peut sembler un peu étonnant, un réel parfum d’authenticité a pris possession du lieu depuis l’origine et ne l’a jamais quitté.
Il règne ici une atmosphère un peu particulière. Si ce n’est quelques rires sonores de deux « mécanos » affairés sur l’aile d’un Caudron Luciole des années 30, l’ambiance, sous cette cathédrale d’acier, paraît bien studieuse. Aux parfums d’huile chaude qui se mêlent à celles de diluant et de peinture fraîchement passée, seuls les chocs des outils sur le métal apportent la note sonore et olfactive à l’environnement. Plus loin, quelques gros bras, aux ordres du pilote, poussent au dehors un vénérable T6 qui, dans quelques instants, pour un point fixe, va faire résonner l’éther des sonorités tonitruantes de son moteur Pratt et Whitney de 600 Cv… Le hangar vibre ! Les avions, peu à peu, vont renaître à la vie.
L’objectif de l’Association est clairement visible lorsqu’on pénètre dans les hangars- ateliers d’Aérorétro et les membres qui s’affairent autour des machines se plaisent à le rappeler : « Nous œuvrons dans le but de promouvoir la préservation, la remise et le maintien en état de vol d’avions qui ont marqué l’histoire de l’aviation et montrer au public, par le biais d’expositions, de vols de démonstration, de participation à des tournages de films et par notre présence dynamique dans les meetings aériens nationaux et internationaux que ces machines, qui pour la plupart ont eu leur heure de gloire peuvent encore, pour peu qu’on s’en donne la peine, avoir une nouvelle carrière propre à transmettre la connaissance de l’histoire de l’aviation aux générations montantes » exprime avec enthousiasme Jacques Bourret, président de l’association.
Cette participation à la protection et la survie du patrimoine aéronautique est possible grâce à une équipe d’une petite quarantaine de personnes, dont les plus jeunes, avides d’apprendre à travailler sur ces appareils qui les font rêver, passent beaucoup de leurs loisirs et temps libre à écouter et voir travailler les plus anciens, le noyau dur de l’association.
Et l’ hiver dans le hangar glacé comme en été sous les tôles brûlantes de la toiture, une poignée de ces aficionados, riches d’une même passion, poursuivent la tâche sans sourciller avec l’espoir enfoui au plus profond d’eux mêmes de pouvoir piloter un jour les machines qu’ils bichonnent aujourd’hui… Mais ceci est une autre histoire !
Cette autre histoire est celle des meetings, une douzaine de fois pendant la saison d’été, ou encore la participation aux tournages de films et autres productions cinématographiques utilisant des avions historiques (Indiana Jones et la dernière croisade, Fucking Fernand, clip de « Musulmanes », une chanson de Michel Sardou, l’évasion du Duce du Monte Cassino et tant d’autres), véritable manne qui permet de pérenniser l’activité, poursuivre les restaurations, peaufiner l’entretien et encore améliorer la collection.
Alors, si d’aventure vos pas ou tours de roues estivaux vous conduisent en Drôme, n’hésitez pas à rendre visite à « l’antre » d’Aérorétro, un monde « à part », un autre visage de l’aviation. Nul doute que celui qui vous fera déambuler entre ces reliques en vous contant les dizaines d’anecdotes qui accompagnent nombre d’entre-elles, saura vous insuffler un peu de sa passion.
Philippe Chetail
La visite est possible tous les week-ends, samedi et dimanche de 10 h à 18 h (parfois plus) et le mercredi, ou sur rendez-vous. Demander que votre visite soit guidée par un membre de l’Association.
AERORETRO
Aérodrome de Saint Rambert d’Albon
« Le Creux de la Thine »
26140 – ALBON
Tel : 04 75 23 78 75
mail : aérorétro@gmail.com
Site : http://aeroretro.free.fr
Venir à Aérorétro :
Pour venir en avion : L’aérodrome est ouvert à la CAP, vous y trouverez deux pistes en herbe. Son code OACI : LFLR. La carte VAC se trouve sur le site du SIA
Pour venir en voiture : Saint Rambert se situe au sud de Lyon, et au nord de Valence.
Prendre l’autoroute A7, Sortie 12 (Chanas, St Rambert d’Albon).
Au premier Rond point suivre “St Rambert”.
Puis rester sur la RN7 en direction de Valence, jusqu’à l’aérodrome au cœur du village « Le Creux de la Thine ».
L’aérodrome se trouve à gauche, en direction de Valence.
Se restaurer :
Restaurant « Le bar des Ailes »
Aérodrome de Saint Rambert
26140 – Albon
Tel : 04 75 23 72 42
http://www.restobardesailes.com
Autres curiosités à proximité :
Palais Idéal du facteur Cheval
8 rue du Palais
26390 – Hauterives
Tel : 04 75 68 81 19
http://www.facteurcheval.com
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Bonjour
Votre article a été mis en ligne le lendemain où l'on apprenait une terrible nouvelle. Christian Martin, un des membres fondateurs d'Aero Retro s'en est allé.
https://www.facebook.com/baptiste.salis.7?fref=ts
http://www.pilotes-prives.fr/viewtopic.php?f=2&t=21743&start=0&st=0&sk=t&sd=a
Je tiens à rendre hommage à l'oeuvre de cet homme qui a été l'un des piliers de l'aviation de collection naissante en France.
Condoléance à la famille et ses proches.
A Saint-Rambert-d'Albon, quittez l'A7 pour Aéroretro
A St Rambert d'Albon je me souviens d'avoir vu aussi un Beech 17 Stagerwing
C'était dans les débuts d'Aéro Retro
Qu'est devenue cette belle machine?
A Saint-Rambert-d'Albon, quittez l'A7 pour Aéroretro
Oui, Vous avez tout à fait raison, il y eut bien un Beechcraft Staggerwing D17S, propriété de Christian Martin le F-AZLA - N° de série 4829 mais ce n'était pas dans les débuts d'Aérorétro mais un peu plus tard dans les années 90. Il a été revendu par Christian à un pilote de ligne d'Air France qui vole sur A380 (Th. Paris).