Aujourd’hui bien oublié, le Breguet Deux-Ponts fait l’objet d’une passionnante monographie qui révèle que cet avion est tombé à point nommé pour rendre d’inestimables services à ses exploitants.
Ses exploitants, on ne lui en connaît guère que cinq, et encore la majorité est constituée de compagnies qui ne l’employèrent que de façon très éphémère : le Breguet 761, le tout premier, fut un peu employé par Air-Algérie, puis par Silver-City pour du cargo en Allemagne, une mention rapide pour l’UAT, l’Union aéromaritime de transport…
Reste donc le pavillon national et l’armée de l’Air, qui en firent un usage intensif et qui apprécièrent effectivement cette machine… Ainsi, Air-France en eu 12 en dotation, et les forces armées tricolores une douzaine également, de trois modèles différents, Breguet 761, Breguet 763 Provence rachetés à Air France et 765 Sahara.
Dernier opus en date d’une collection de livres évoquant les matériels d’Air-France publiée sous l’égide du musée éponyme, après le DC-3 ou la Caravelle, le dernier ouvrage collectif en date (citons la coordination générale d’Étienne Rachou et la participation de Louis Attenoux, Vital Ferry, Daniel Gaulard et Bernard Pourchet) est donc consacré à un mal aimé, entré en service en même temps que Lockheed Constellation, Vickers Viscount et De Havilland Comet (qui ne fit qu’un bref passage, comme son nom l’indique), le Breguet 763 Provence.
Nous sommes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France est en reconstruction, Air-France veut se développer avec des avions modernes et performants, synonymes de progrès. Le gouvernement, lui, veut redorer le blason d’une industrie aéronautique nationale en lui trouvant des débouchés – c’est donc sans enthousiasme qu’Air-France se verra constituer une flotte d’appareils qui, du fait de son esthétique, disons peu gracieuse surtout à côté d’un Constellation, seront gratifié de sobriquets peu flatteurs comme « la Daurade », « la Badèche » ou encore « le Brégouze » !
Et de fait, la technologie employée est grosso modo celle de l’avant-guerre, le quadrimoteur n’est pas pressurisé, n’a pas de servocommandes, heureusement qu’il emploie des moteurs américains fiables de la famille des Twin-Wasp de Pratt & Whitney, des groupes de 2 400 ch que l’on retrouve aussi sur le DC-6… Mais l’architecture du Breguet, sur deux ponts, donc, lui procure une capacité d’emport et une modularité à nul autre pareil.
Peut-être pas si long courrier que ça, il s’avère être le couteau suisse du réseau méditerranéen d’Air-France, à l’époque ou l’Algérie est encore française, et où le sud de ce pays voit apparaître des puits de pétrole… Ainsi, les 12 Deux-Ponts volant sous le signe de l’hippocampe ailé seront basés et maintenus à Alger. Alors s’il fut mal aimé au départ, l’avion fut en fin de compte extrêmement apprécié, et s’il a connu quelques incidents, il n’a subi aucun accident et, tout au long de sa carrière, il n’a même pas provoqué le moindre blessé, un palmarès rare.
Ce livre est très réussi. Mais exactement comme ceux qui l’ont précédé, dont il reprend les codes. S’il est centré sur l’utilisation de l’avion par Air-France, il n’en oublie pas pour autant sa carrière sous les cocardes – jusqu’à la Polynésie, lors des essais nucléaires. Il évoque la gestation, sous l’angle technique comme administratif avec les négociations entre le vendeur et l’acquéreur sous l’œil de l’État, l’anatomie de la machine, son exploitation (et les hiatus qui vont avec), ses performances et son pilotage, ceux qui ont survécu (il n’en reste que trois, un civil et deux militaires)…
Et surtout, marque de fabrique de cette série de monographies qui n’ont décidément rien à envier à celles que d’autres éditeurs consacrent à des avions de combat – les avions civils ont aussi une histoire, souvent passionnante ! –, une part (belle) est laissée aux témoignages des acteurs de l’époque, aux traces qu’ils ont pu laisser. Mécaniciens, PNC, pilotes, etc., des pages de souvenirs sont rassemblées qui donnent un côté très vivant à ce volume de 318 pages au format 21 x 29,7, qui bénéficie en outre d’une importante iconographie et d’une magnifique couverture due au peintre de l’Air, Lucio Perinotto.
Il semble que la collection Musée Air-France envisage ensuite de s’étoffer avec le Boeing 707 – on s’en lèche les babines à l’avance !
Jean Molveau
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Pas oublié du tout, cet avion à tout faire ! Une conception rationnelle et économique
un confort très suffisant, adapté au Sahara, une architecture très intelligente...
A propos du Breguet 2 ponts de EVREUX, BR765 : heureusement conservé, mais tout de même, sans ses capots moteurs ( et moteurs ) à d'origine. Ce qui le rend assez laid ! Dommage. Y aurait quelque chose à faire ! Au moins reproduire la forme de ces capots moteurs ! et redonner l'illusion qu'il est prêt à y aller encore et encore !
Merci pour l'annonce de ce livre. Comme Daniel, au dessus, j'ai eu la chance de fréquenter le BR 763 de Air France. Assidument même, puisque pour chaque "grandes vacances", quand il s'agissait de fuir les grosses chaleurs de la Saoura et de Colomb-Béchar, les familles de militaires étaient rapatriées 4 mois en été: le luxe ! J'avais de 6 à 10 ans. Souvent le nez en l'air à Colomb Béchar, vers le Breguet 2 Ponts, mais pas que - Centre d'Essai en Vol - avec les copains nous rêvions de faire pilote.
J'ai eu la chance de visiter le CIEES de la BA-145, fin mai 60.
Justement un Breguet de l'Armée e l'Air était là, sur le Tarmac, ventre ouvert: en effet préparé pour accueillir dans son ventre un chasseur qui s'était crashé sur le ventre. Globalement intact, sauf le ventre, et le train justement. Il s'agissait du Mystère IVN proto de nuit, doté d'un radar. Démontage des ailes en cours... Je cherche des témoignages et photos de cet évènement.
MERCI d'avance ! Peut-être est-ce évoqué dans le livre ??
Une solide machine, (la pose en campagne train rentrée du coté de Bron et remise en vol en témoigne), et bien adaptée selon notre sémantique actuelle "à son biotope".
Un appareil qui rendit de grands services sur le réseau AOF, qui n'a tué personne et dont la capacité en soute était, on l'oublie aussi, contrairement aux Constellation, Caravelle et Comet, en accord avec ses ambitions commerciales. D'un point de vue exploitant ça comptait beaucoup même si, en ce temps, l'on calculait volontiers davantage sur le "prestige du pavillon français" que sur les ratios comptables en vigueur depuis une trentaine d'années.
Reste les choix politiques. Si le "2 ponts" fut en effet imposé (tout comme l'Armagnac, Concorde et même, on l'a oublié, l' A300B) la question se pose toujours en 2021 pour le groupe Air France partiellement renationalisé, perfusionné sur base de fonds publics, lequel demeure de nouveau en passe de céder aux sirènes d'outre atlantique pour remplacer une grande partie de sa flotte court/moyen courrier ce qui ne manque pas, en période de disette industrielle, de poser de sérieuses questions.
Si en 1948 ,notre industrie accusait alors un retard considérable lesquel justifiait ces choix sur fond de Plan Marshall, qu'en pensent aujourd'hui nos parlementaires de l'Etat actionnaire de 2021?
Petit-fils d’Yves Brunaud, pilote en charge des essais en vol de ce drôle d’oiseau, je tiens à remercier le travail d’Étienne Rachou, Louis Attenoux, Vital Ferry, Daniel Gaulard et Bernard Pourchet pour ce bel ouvrage que j’ai hâte de découvrir!
Bonjour
le Bréguet 2 ponts exposé sur la base d'Evreux existe toujours , il se trouve à l'entrée de la base et sa restauration est toujours en cours
un autre Bréguet , d'Air France celui la , a été enfoui , après avoir été démantelé, sous le parking des campings cars de l'aérodrome de la Ferté Alais
un autre ,ex Air France, qui se trouvait sur l'aérodrome de Toussus à cote d'un Constellation sénégalais a également disparu
une bien belle machine que cette grosse baleine
cordialement
Philippe Guérin
(J'ai plus toute ma tête comme disait B Blier...) Mais n'y avait-il pas une carlingue de 765 reléguée aux fins fonds de la BA d'Evreux ? Peut-être y est-elle encore !
https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/dans-l-eure-le-breguet-765-64-pe-revit-grace-a-des-passionnes-d-aviation-19-11-2020-8409231.php
J'ai un moins bon souvenir du Breguet Deux Ponts. Ce devait être le 6 ou le 7 décembre 1960, de Reggane à Paris en passant par Alger. Mon grade de l'époque ne me permettait que le pont inférieur et j'avais dû arroser copieusement l'enterrement de ma vie de garçon la veille au soir. J'ai tout juste réussi à rester propre !
Je crois par ailleurs qu'un Breguet Deux Ponts a fait un atterrissage malheureux à Reggane et qu'il y est resté. Il doit toujours y *etre.
Il y en un en statique à La Baule, place des Salines dans les années 60/70. Il était utilisé comme bar de nuit, trop jeune à l'époque je n'ai pas connu l'intérieur. Il a fini délabré puis à la ferraille.
Vous pouvez toujours visiter le Breguet 2 ponts des Ailes Anciennes de Toulouse qui est restauré par une équipe de passionnés (dont je fais partie), vous pourrez aussi visiter le reste de la collection et faire un tour au musée Aeroscopia .
Au plaisir de vous voir dans nos murs.
Je me souviens, en 57 j'avais 4 ans ; nous sommes partis avec ma mère rejoindre mon père basé en Algérie à bord d'un Bréguet 2 ponts d'Air France. Dieu que j'aimai alors cet appareil. J'en ai ensuite approché un de l'A.A. dans les 60's à Frescaty avec la même ferveur. Puis en école fin 72 sur la base d'Evreux c'est avec bcp de nostalgie que je scrutais le Bréguet statique près du restaurant en bout de piste. Vivement ce livre... !