A travers la biographie romancée d’Anne Morrow Lindbergh, Melanie Benjamin redonne, à la femme de l’aviateur la part qui fut la sienne dans ce couple hypermédiatisé malgré lui. Charles Lindbergh, décédé il y a tout juste quarante ans, n’en sort pas forcément grandi.
C’est un genre littéraire très risqué, la biographie romancée : « La Femme de l’aviateur », un fort volume de 426 pages, détaille la vie d’Anne Morrow Lindbergh, épouse courageuse de Charles Lindbergh (Editions Michel Lafon). Dès les premières pages, le lecteur comprend qu’il est ici plus proche de la biographie rigoureuse pure et simple que du roman, l’auteur, Melanie Benjamin, s’en expliquant dans une indispensable postface. Elle confirme que tous les faits relatés sont réels, à une exception près, dûment justifiée, les événements étant détaillés avec beaucoup de minutie.
On constate aussitôt qu’Anne Morrow est peu connue, sans doute sous-estimée comme aviatrice, « femme de » et écrivain. C’est un paradoxe dans la mesure où elle a constamment vécu sous le contrôle des médias, qu’elle a tenté tout au long de sa vie de fuir les paparazzis, pas toujours avec succès.
Bien sûr, Melanie Benjamin, admirablement traduite par Laure Joanin, ne prétend en aucun cas rivaliser avec des biographes patentés comme Bernard Marck « Lindbergh, l’ange noir », par Bernard Marck, 950 pages, Editions L’Archipel, 2006. mais, sachant que l’ouvrage se base sur des recherches sérieuses, il se lit le crayon à la main. C’est tout le contraire d’une hagiographie et la grande fragilité du couple Lindbergh apparaît à chaque instant, et pas uniquement en marge du kidnapping et de l’assassinat de leur premier enfant.
Charles n’est pas seulement un grand pilote mais aussi un homme qui traverse son époque avec de grandes difficultés, vit mal sa grande notoriété, est égocentrique et affiche des opinions politiques de plus en plus dérangeantes. Anne souffre de le voir s’enfermer dans des idées isolationnistes (le mouvement America First), une fascination croissante pour Hitler et le nazisme puis la découverte douloureuse de ses infidélités (il aura sept enfants hors mariage avec trois femmes différentes). Qu’en dit-elle ? Que « Charles Lindbergh ressemble, en définitive, aux autres hommes. Aux hommes stupides et égoïstes. A un simple mortel ».
Elle n’était pas préparée à de telles difficultés mais elle a suivi le mouvement, joué le jeu. Fille d’ambassadeur qui a grandi dans une relative opulence, entourée de beau monde, elle se décrit parfaitement bien, grâce au porte-plume de Melanie Benjamin : « je vivais dans un univers d’intellectuels et de rêveurs, où la réussite passait par l’écriture de livres, les accords diplomatiques, la course aux diplômes universitaires ».
Au fil des années, sans mot dire, apparemment, elle va vivre la fin du mythe de « Lucky Lindy » à côté d’un mari constamment absent à la personnalité écrasante, bientôt adversaire déclaré de l’administration Roosevelt, miné par un antisémitisme larvé.
Anne, que l’on découvre pour la première fois en profondeur, évoluera secrètement. Sa vie de couple, affirme Melanie Benjamin, avait quelque chose de lyrique, d’autant qu’elle va chercher de toutes ses forces à devenir « l’héroïne de sa propre histoire ». C’est un écrivain de talent Solitude face à la mer », par Anne Lindbergh, Presse de la cité, 1961, « Gift from the Sea » en anglais. Aussi « Le Vent se lève », préface d’Antoine de Saint-Exupéry, avant-propos de Charles Lindbergh, Editions Correa, 1939, « Listen ! The Wind » en anglais, « Je Promets de t’aimer », par Anne Lindbergh, Editions Robert Laffont, 1963, « Dearly Beloved » en anglais et non pas une intellectuelle craintive comme on l’a cru, elle est en réalité téméraire et, au vu des exploits qu’elle a partagés avec son mari, une vraie pionnière de l’aviation.
Finalement, par petites touches, elle apparaîtra tardivement sous son vrai visage, solide au point d’arriver à se construire une autre vie. Aujourd’hui, le vif intérêt pour les Lindbergh reste intact Jusqu’au 9 novembre, une exposition consacrée à Charles Lindbergh à l’Espace John Fitzgerald Kennedy, au Touquet..
C’est un livre réussi, bien construit, important. Aussi doit-on regretter qu’il se présente comme une « biographie romancée », formule qui suscite malheureusement un zeste de méfiance de la part du lecteur. A tort ou à raison.
Pierre Sparaco
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Anne Morrow Lindbergh, « La Femme de l’aviateur »
Merci Pierre pour cette article qui donne envie de lire ce livre et d'en découvrir un peu plus sur cette femme.