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Culture Aéro

« Au bout d’une heure, l’avion des mutins ayant décollé, nous recevons l’autorisation de partir. »

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Sur le Jump Seat

par Jean Ponsignon

Et oui, pendant près de 30 ans, j’ai fait des pieds et des mains pour me faire admettre en vol dans les postes de pilotage. J’avais trois atouts. Je voyageais beaucoup : parfois 100 vols par an à cause de mes métiers dans le conseil en management puis dans l’humanitaire. J’allais souvent dans des pays peu courus par les européens (micro états du Pacifique Sud, Haïti, Patagonie) et par-dessus tout j’avais un sésame : la carte de reporter pour « Aviation & Pilote » – encore merci Jacques pour ta confiance renouvelée pendant plus de deux décennies.

Je faisais aussi souvent les mêmes vols vers Dakar, Libreville, Mexico, Sydney ou Nouméa, et savais les moments où il était opportun de sortir sa carte de presse pour faire la demande d’accès au cockpit, ce qui était plus facile avant le 11 septembre.

Alors je pourrais vous parler d’un vol vers Dakar en Concorde. J’avais mis deux ans à obtenir une place, car sur ce vol vers Rio, il n’y avait que 4 sièges pour Dakar et il y avait toujours des ministres ou des ambassadeurs prioritaires.

« Mais le jour où j’eu une place, le commandant de bord m’appela pour le franchissement du mur du son et pour l’atterrissage. »

Mais le jour où j’eu une place, le commandant de bord m’appela pour le franchissement du mur du son et pour l’atterrissage.

Il y eut ce délicieux vol au retour de Libreville en DC 10 où quand le Captain m’invita pour l’atterrissage à Nice, il y avait 2 jump seats et à côté de moi une séduisante demoiselle déjà installée. Le hasard fit que lors de l’approche nous traversâmes un très beau cumulus un peu conjestus et en le voyant se précipiter sur nous à 500 km/h, la jeune fille paniqua et se jeta dans mes bras, où je la maintins, même un peu après que les turbulences aient été traversées.

Ou encore ce vol en 747 d’Air France dans un orage de mousson au-dessus du golfe du Bengale. Si j’avais été à ma place de passager j’aurais eu la trouille. Mais du poste c’était fantastiques des feux de la St Helme gros comme des bras venaient se plaquer sur le pare-brise ; le CDB regardait d’où venait les départs d’éclairs et donnait ses instructions au copi. C’était très impressionnant.

Mais c’est d’un vol curieux au Vanuatu que je vais vous compter plus avant, où j’ai vécu un putsch militaire en direct.

« Pendant six ans, je suis allé régulièrement dans les micro-états du Pacifique-Sud à la demande du Ministère des Affaires Etrangères. »

J’avais fait un reportage qui avait plu au président de la compagnie Vanair (au Vanuatu) à qui j’avais donné quelques photos pour sa publicité ; aussi pendant plusieurs années ai-je pu voler gracieusement sur les Twin Otter de la compagnie pour gagner des iles reculées et minuscules de l’archipel les week-ends où j’étais libre.

Un samedi on me propose de voler sur la plus longue rotation de 13 heures avec 16 étapes pour gagner au Nord la limite des îles Salomon.

Arrivé de bonne heure, je constate un encombrement inhabituel de véhicules abandonnés, n’importe comment devant la minuscule aérogare. Je m’approche du rustique comptoir d’embarquement où le préposé au pesage des passagers me dit aimablement « We have a problem ».

Des militaires lassés d’attendre depuis trois ans des rattrapages de solde viennent d’enlever le président de la république qui est retenu dans un Twin Otter à 20 mètres de là. Tous les commandants de la compagnie étaient de nationalités étrangères et avaient refusé de prendre les commandes de l’appareil. Alors les militaires avaient tiré de son lit, le canon d’un revolver sur la tempe, le seul commandant de bord ni-vanuatais, tout juste qualifié. Il lui ont intimé l’ordre de préparer un avion pour décoller pour les îles de Santo et de Marlikolo pour aller prendre aussi en otage le vice-premier ministre.

Les nouvelles contradictoires se succèdent, la tension monte, mais au bout d’une heure, l’avion des mutins ayant décollé, nous recevons l’autorisation de partir. J’occupais la place du co-pilote. En vol nous entendions les conversations radio de l’avion ramenant à Port Villa les militaires et les deux officiels otages. Leur pilote paraissait affolé, se trompait entre le QNH et le QFE, ignorait les distances de séparation et nous nous croisâmes à moins de 200 mètres.

Cela paraissait irréel car le paysage était splendide, ciel bleu tacheté de petits cumulus, survol de cratères de volcans actifs ou au repos, baies de sable blanc à l’infini et minuscules cabanes (faciles à reconstruire après les cyclones) servant d’aérogares. Ce fut un vol exceptionnel par sa durée ; après la dixième escale, fatigué par les fréquents changements d’altitude, je devais pour récupérer m’allonger au sol sous les ailes pendant les transferts de passagers .

Au retour nous apprîmes que le Président de la République prétendait ne pas pouvoir signer les rappels de solde, mais que c’était la tâche du Ministre des Finances, opportunément en voyage en Australie.

Mais par la suite les mutins eurent gain de cause. Ainsi s’acheva ce premier putsch ni-vanuatais.

Jean Ponsignon

Jean Ponsignon fait partie de la rédaction d’Aerobuzz.fr depuis la création du site
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Sur le Jump Seat

C’est la série de l’été 2022 proposée par Aerobuzz.fr. Des lecteurs évoquent leurs souvenirs de vols dans le cockpit, assis sur le jump seat. Le jump seat, c’est ce strapontin qui se déplie entre les deux pilotes. C’est la place du testeur. C’est le meilleur point de vue sur le travail de l’équipage. En certaines occasions devenues rares, le jump seat peut-être occupé par un observateur privilégié. En d’autres temps, il était rarement vide. Nous vous encourageons à partager vos souvenirs de vol sur un jump seat. Laissez un commentaire…

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  • Voilà qui réveille des souvenirs. J'étais CDB F27 à la SFAH (Air Hébrides / UTA) et le hasard à fait que j'ai fait le dernier vol Nouméa Espiritu Santo avant le blocus de l'île suite à la sécession du Vemarama de Jimmy Stevens, et toujours par hasard j'ai fait le premier vol pour aller chercher des blessés suite à l'attaque de l'île par les soldats papous déposés par les Hercules anglo-saxons.
    J'ai eu maille à partir avec deux barbouzes de la perfide Albion escortés d'une escouade de soldats papous. Ces deux gars m'avaient surpris en train de filmer, tout à fait innocemment, une batterie de mitrailleuse installée sur le toit de l'aérogare. Comme je refusais de donner la pellicule ces deux zigotos ont ouvert leur veste pour me montrer leurs revolvers. Les soldats m'ont entouré ... J'en reste là.

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