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Culture Aéro

Avec « Boîte noire », le BEA sort de l’ombre

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Gil Roy

Yann Gozlan livre un thriller puissant dans lequel Pierre Niney incarne un enquêteur du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA). Pour ce film qui tient la distance, le BEA a joué le jeu.

Même si au cours des dernières années, le BEA a fait d’énormes efforts de transparence, et qu’aujourd’hui, ses relations avec les médias sont devenues professionnelles, c’est une surprise de voir, ce discret service de l’Etat, tenir le premier rôle sur grand écran. Quand le réalisateur Yann Gozlan est venu présenter son scénario au BEA, un peu plus de deux ans avant le début du tournage, il a été accueilli avec « beaucoup de bienveillance », explique Sébastien Barthe, responsable communication du BEA. « Tout simplement parce que le film est une fiction, il ne s’intéresse pas à un fait réel. En tant qu’organisme d’Etat, il nous aurait été impossible de cautionner un projet concernant un événement sur lequel nous aurions enquêté et qui aurait nécessairement donné lieu à une interprétation simplifiée et donc erronée ». Tout le monde a en mémoire, la charge de Clint Eastwood contre le NTSB (l’équivalent américain du BEA) avec son film « Sully« .

Si « Boîte noire » est tout sauf un documentaire, ce film décrit par le détail le travail du BEA.

« Boîte noire » est l’histoire d’un jeune acousticien du BEA propulsé enquêteur en chef sur un accident ayant entrainé la mort des 300 passagers et membres d’équipage d’un avion qui s’est écrasé dans les Alpes françaises, lors d’un vol entre Dubaï et Paris. 

Première scène du film « Boîte noire ». © WY Production 24 25 Films

Le film s’ouvre sur un plan séquence magistrale. L’avion est installé sur son niveau de croisière. Le service des repas débute. Une hôtesse vient prendre les commandes des pilotes. Elle retourne à l’arrière. On la suit. On traverse toute la cabine. Sans le savoir on découvre tous les protagonistes. On passe sous le pont, dans la soute avionique et le mouvement s’arrête sur les deux boîtes noires. C’est à ce moment-là que le CVR (Cockpit Voice recorder) qui enregistre les sons dans le cockpit, à l’autre extrémité de l’avion, « entend » un son non identifié. Le spectateur ne verra rien d’autre du crash.

De l’erreur de pilotage à l’acte terroriste en passant par une défaillance technique, les hypothèses s’imposent les unes après les autres. Autant de pistes suivies par le jeune technicien interprété par Pierre Niney, qui prend le relai de l’enquêteur en chef disparu brutalement et de manière inexpliquée. Le mystère s’épaissit. Le suspense s’intensifie. 

Le réalisateur a reconstitué fidèlement les laboratoires du BEA. © T. Grabherr / WY Production 24 25 Films

« J’ai eu le désir d’écrire une histoire qui relaterait une enquête complexe sur un crash. Même si je me suis inspiré de cas réels, je ne souhaitais pas faire un simple documentaire ni reconstituer une catastrophe aérienne qui aurait eu lieu. Mon ambition était plutôt d’évoquer les nouvelles problématiques qui sont sur le point de bouleverser l’aviation civile : à savoir l’assistance au pilotage généralisée et l’automatisation progressive des cockpits grâce à l’intelligence artificielle. », explique Yann Gozlan. «  L’écriture du scénario a pris du temps : outre le travail de documentation nécessaire, l’intrigue, tortueuse, nous a donné du fil à retordre. Mais plonger dans cet univers a été passionnant ! »

L’action du film se déroule en grande patrie sur l’aéroport du Bourget. © WY Production 24 25 Films

Le réalisateur s’est appuyé sur l’expertise du BEA pour bâtir le réalisme de l’action. Ce que confirme Sébastien Barthe. La collaboration s’est déroulée en trois temps. « Durant la première étape, Yann Gozlan nous a rencontré à de nombreuses reprises pour nourrir sa réflexion autour du scénario : il s’est familiarisé avec nos métiers, nos méthodes de travail, nos rythmes de vie, notre culture. (…) Yann voulait tout savoir : quel était le niveau de vie d’un enquêteur, sa charge de travail, sa disponibilité… Une fois son scénario finalisé, il s’est agi, à sa demande, de procéder à une relecture du scénario pour en améliorer la crédibilité technique.  Il fallait évidemment simplifier au maximum les dialogues pour qu’ils puissent être compréhensibles du plus grand nombre tout en gardant quand même un vocabulaire suffisamment technique pour garder l’esprit sérieux et complexe du travail des ingénieurs dans nos laboratoires. À partir de là, notre tâche a consisté à dire à Yann : « Voilà, nous, on dirait plutôt cette phrase comme cela, ou on verrait mieux cette scène de cette façon ; mais si tu n’es pas d’accord, on ne va pas se fâcher non plus. »

Même si il est de moins en moins fréquent de reconstituer l’épave de l’avion dans un hangar, le réalisateur a construit un décor spectaculaire qui joue un rôle important dans l’intrigue. © WY Production 24 25 Films

« Ensuite, est arrivée la troisième phase qui a consisté à rencontrer au BEA Pierre Niney, Lou de Laâge et Mehdi Djaadi qui joue le personnage de le personnage de Samir et de leur faire visiter nos installations en lien avec le scénario et leurs rôles respectifs, puis en un rôle de consultant au moment du tournage. » Les questions des acteurs étaient très techniques : « Est-ce que cette phrase du dialogue est crédible ? Qu’est-ce qui se dit dans ce cas-là ? Que portez-vous comme vêtement dans cette situation ? Est-ce que le nom du département correspond ? L’étiquette sur ce bureau est-elle la bonne ?… »  Autant de détails qui permettent de restituer de manière la plus fidèle possible l’ambiance du BEA dans le cadre d’une enquête majeure et d’apporter du crédit à l’intrigue.

« Une seule fois, je me suis permis d’intervenir dans la mise en scène d’une séquence. C’est lors de la conférence de presse que donne Rénier, le patron du BEA, avec Mathieu. Dans la salle, les figurants qui jouaient les journalistes ne réagissaient pas, ils étaient très passifs alors que, lorsqu’un événement de cette nature se produit dans la vraie vie – Rénier annonce quand même l’intrusion d’un terroriste dans le cockpit ! -, il y a énormément d’agitation. Les gens vont couper la parole aux responsables, ils vont se mettre à passer des coups de fil tous azimuts, à prendre des photos… Yann a suivi mes conseils et modifié la scène en conséquence. »

Pierre Niney est convaincant dans son rôle d’enquêteur jusqu’au-boutiste du BEA. Il est venu plusieurs fois rencontrer les vrais enquêteurs du BEA, au Bourget. © WY Production 24 25 Films

Bien évidemment, les pinailleurs s’en donneront à coeur joie pour traquer les plus belles perles. Globalement, il n’y a pas de fausses notes. Outre le plan séquence par lequel on pénètre dans ce thriller, l’une des scènes qui fera date est l’ouverture du CVR. C’est la seule qui ait été tournée dans les locaux du BEA au Bourget. Elle est d’une intensité dramatique incroyable et pourtant tout est fidèle à la réalité que vivent les enquêteurs à ce moment crucial de leurs investigations.

« Tourner au Bourget me semblait indispensable. D’une part, par souci de réalisme, dans la mesure où les locaux du BEA y sont installés et que le salon de l’aéronautique, qui sert de cadre à l’épilogue du film, s’y déroule également. Et d’autre part, parce que ce lieu, peu filmé au cinéma, avec ses différents hangars, ses lignes de fuite, son tarmac et ses grands bâtiments monumentaux, apportent une identité visuelle spécifique au film. » Yann Gozland

Du côté du BEA, le film a été bien accueilli. Les enquêteurs font simplement remarquer qu’une enquête est un travail collaboratif. Pour les besoins du film, l’enquêteur fait cavalier seul. Cela ne devrait pas empêcher, dans les semaines à venir, le BEA de faire le plein de candidatures spontanées.

« Boîte noire » est aussi un beau cadeau d’anniversaire pour le BEA qui fête cette année ses 75 ans.

Gil Roy

 

 

 

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • ce film exceptionnel de qualités fait beaucoup mieux et plus que tenir la distance. Ce n'est pas seulement son thème aéronautique qui fait sa "hauteur" de vues, mais il s'agit bien d'un très bel et grand thriller appelé à devenir après un large succès public une référence incontournable.
    La seule perle plus que mineure est le petit hélico Robinson appelé Dauphin. Tout le reste est d'une précision et vérité saisissantes, les images, les acteurs, le scénario, la fiction ( si proche malgré tout de débats récents sur les vraies cause d'accidents et les conflits d'intérêts qui agitent récemment encore plus fort la communauté Constructeurs-Autorités de certification-Opérateurs (comprenne qui voudra!) nous entraînent irrésistiblement sur les pentes escarpées et dangereuses de la politique industrielle, de la grande politique internationale et de réflexions nouvelles et salutaires sur notre avenir face à l'intelligence artificielle.
    Un CHEF D'OEUVRE ABSOLU et rare, qui surpasse , et de très loin, les autres succès de nos films "aériens" plébiscités et reconnus, du Top Gun de Tom Cruise aux Chevaliers du Ciel de Gérard Pirès. Un film appelé à devenir un "top standard", français qui plus est, du cinéma général mondial.
    A voir et à revoir sans modération par tous les terriens et pas seulement les aviateurs...qui seront peut-être au début allés le voir comme un film d'avions et en ressortent convaincus d'y avoir trouvé une nouvelle oeuvre fascinante et universelle

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