Quand de jeunes parents africains, dans le hall d’un aéroport, confient leur enfant à un bénévole revêtu d’un gilet bleu ciel, pour qu’il aille en France se faire opérer d’une malformation cardiaque, c’est leurs vies et leurs espoirs qui remettent entre les mains d’Aviation sans Frontières. Avec ses accompagnements d’enfants malades mais aussi avec ses Cessna Caravan, Aviation Sans Frontières est aujourd’hui un maillon vital d’une chaine de solidarité mondiale. Tout a commencé en 1968, au Biafra, quand des pilotes et des mécaniciens navigants d’Air France ont décidé qu’il fallait agir.
Entretien avec Jean-Yves Grosse, Président d’Aviation Sans Frontières
Quelle est la vocation de votre association ?
Aviation Sans Frontières est une association à but humanitaire, indépendante et apolitique. Née de la volonté de porter assistance aux plus vulnérables, elle met les moyens et les compétences du monde de l’aéronautique au service de l’humanitaire, qu’il s’agisse des missions qu’elle effectue grâce à la mobilisation du réseau aérien, des opérations menées sur ses propres avions ou des actions mises en œuvre en collaboration avec des aéroclubs en France.
Dans quelles circonstances l’association s’est-elle crée et à quelle date ?
En 1968, des pilotes et mécaniciens navigants d’Air France, touchés par le conflit au Biafra, ont décidé de participer à une opération de survie en créant un pont aérien. Plusieurs opérations de ce type auront lieu dans les années 1970 : la communauté de l’aviation prend alors conscience qu’elle a un rôle spécifique à jouer dans les opérations humanitaires. En 1980, Aviation Sans Frontières voit le jour et devient une structure permanente.
Quelles sont vos activités actuelles ?
Aujourd’hui, Aviation Sans Frontières se mobilise au travers de ses 7 missions, à l’international comme en France :
Où, géographiquement se déroulent vos actions ?
Nous agissons pour la plupart de nos missions internationales en Afrique, continent qui concentre le plus de désastres humanitaires qu’ils s’agissent de catastrophes liées aux conflits, au climat, aux épidémies… En un peu plus de 10 ans (entre 2003 et 2015) les Nations-Unies ont enregistré une augmentation des appels humanitaires mondiaux de 550 % et sur 27 appels, 21 concernent le continent africain. Ponctuellement, nous intervenons aussi en Asie et en Amérique latine, principalement pour accompagner des enfants en urgence de soins ou pour acheminer de l’aide humanitaire.
En dehors des missions que nous opérons à l’étranger, nos équipes sont également implantées en France, avec 3 délégations (Ouest à Nantes, Midi-Pyrénées à Toulouse et Sud-Est à Aix-les-Milles) et une quinzaine d’antennes déployées sur tout le territoire.
Qui en sont les bénéficiaires ?
Les 7 missions d’Aviation Sans Frontières ciblent des bénéficiaires très différents.
Qui sont les membres de l’association ?
Notre ONG est composée majoritairement de bénévoles. Ils sont 800 et constituent, depuis la création d’Aviation Sans Frontières, son socle et cette forte contribution des bénévoles fait partie intégrante de l’identité de l’association.
A nos côtés, les adhérents sont la communauté des sympathisants les plus proches. D’ailleurs tous les bénévoles sont adhérents. Enfin, les salariés, au nombre de 13 en 2016, accompagnent les actions menées par les responsables de missions et de délégations régionales sur les volets administratifs ou de sur le plan de la communication.
Quelle est votre base sociale ?
Nous comptons environ 800 bénévoles actifs et 1600 adhérents et pour faire face à l’ensemble de nos missions nous avons un grand besoin de recruter de nouveaux adhérents. Je ne sais pas si je peux en profiter pour faire un peu de promotion mais si des lecteurs sont intéressés pour rejoindre nos équipes de bénévoles ou d’adhérents, qu’ils n’hésitent pas ! L’aventure en vaut vraiment la peine. Concernant nos donateurs, nous enregistrons pour cette année environ 26 000 donateurs.
Comment recrutez-vous les nouveaux bénévoles ?
Le plus souvent, les nouveaux bénévoles viennent du monde de l’aérien. Je n’ai pas les chiffres exacts mais je dirai que 80 % de nos bénévoles sont issus de ce monde. Air France et le Groupe ADP en tête. Les autres s’engagent car le plus souvent ils connaissent une personne déjà bénévole chez nous. Le bouche à oreille peut être très efficace !
Êtes-vous contrôlés par le Comité de la Charte ?
En 2012, nous avons fait le choix d’être labellisé par Ideas plutôt que le Comité de la Charte. Délivré par le Comité Label indépendant, le Label Ideas atteste d’un bon niveau de conformité de l’association au Guide des Bonnes Pratiques qui couvre les trois thèmes suivants : la gouvernance, la gestion financière et l’efficacité de l’action. Les contrôles externes sont réalisés par des experts professionnels, le Commissaire aux Comptes de l’organisme et un Expert-Comptable indépendant. Valable 3 ans, nous sommes actuellement dans une démarche de renouvellement de ce label.
Comment se répartissent vos ressources ?
Les ressources issues des grands bailleurs internationaux tels que l’ONU et le Ministère des Affaires étrangères en cas de crises exceptionnelles comme cela a été le cas lors de la flambée d’Ebola en 2015, sont affectées aux Missions Avions car elles répondent à un besoin de logistique aérienne de terrain. Les autres sources de financements, dons ou partenariats financiers d’entreprises, sont affectés en fonction des souhaits exprimés par les donateurs. Si aucune affectation n’est précisée, nous dirigeons les ressources en faveur des actions les plus urgentes, le plus souvent les Accompagnements d’Enfants Malades.
Quelles évolutions avez-vous constaté depuis votre création ?
Les exigences croissantes des bailleurs nous obligent à fournir toujours plus de garanties pour assurer le maximum de sécurité et de contrôle. Par ailleurs, nous devons être capables de rendre compte de nos activités pour obtenir des financements. Cela a un impact sur les associations telles que la nôtre qui doivent désormais faire appel à des salariés qualifiés : la professionnalisation de l’humanitaire est incontestable et aujourd’hui salariés et bénévoles sont complémentaires. L’essentiel est que tous se mobilisent dans le même état d’esprit que celui qui a présidé à la création de notre ONG.
Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez dans vos actions ?
Cette année, nos Missions Avions ont dû faire face à une baisse des financements institutionnels. Faute de bailleurs, cette mission phare qui a été à l’origine de la création de l’association, a été en proie à de très lourdes difficultés alors que paradoxalement les besoins sur le terrain sont croissants.
Nous devons par ailleurs faire face à un manque de notoriété : si nous sommes bien identifiés par nos partenaires et la communauté de l’aérien, nous sommes encore peu connus du grand public et des acteurs humanitaires. C’est important car pour pouvoir faire appel à nos missions, notre ONG doit être identifiée.
Enfin, nous recherchons constamment des bénévoles pour répondre aux appels de plus en plus nombreux de nos partenaires humanitaires. Par exemple, cette année, de nouvelles délégations régionales de l’OIM ont fait appel à nous pour accompagner des réfugiés vers leur pays d’accueil.
Quelles sont les « réussites » les plus marquantes ?
Nous sommes très fiers d’avoir pu obtenir en 2012 notre Certificat de transporteur aérien. Nous sommes agréés par la Direction générale de l’Aviation civile française mais aussi l’Agence européenne de la sécurité aérienne, au même titre que toute compagnie aérienne européenne. Pour une association, ce n’est pas rien !
Cela signifie que nous respectons les exigences européennes en termes d’entretien, de qualification des pilotes, etc. pour nos opérations aériennes en Afrique. C’est un gage de qualité pour les ONG que nous transportons mais aussi une garantie incontournable pour travailler avec un bailleur tel que l’ONU.
Notre participation active pendant 9 mois à la lutte contre l’épidémie de fièvre Ebola en Guinée, à un moment où les incertitudes étaient fortes et les risques encore mal appréciés, fait sans aucun doute partie de nos accomplissements les plus marquants des dernières années.
En tant que président quel est votre souvenir le plus fort ?
Je ne suis Président que depuis moins de deux ans, mais mon souvenir le plus fort est la visite du centre de traitement Ebola, tenu par la Croix Rouge française à Macenta, en Guinée forestière. Nous avons atterri sur une piste très sommaire, qui venait d’être réhabilitée et n’avait pas vu d’avion depuis trente ans. Dix kilomètres par une route défoncée avant de parvenir à une petite ville pleine de vie et un centre où tout avait été rigoureusement pensé et mis en place pour parer les risques de contagion.
Quelle dimension spécifique apporte l’aviation à votre action ?
Nous sommes la seule ONG européenne et même, si nous prenons en compte nos 7 missions, la seule au monde à mener ces actions. Nous sommes donc un des maillons indispensables à la chaîne humanitaire – le maillon aéronautique.
Une forte majorité de nos adhérents provient de ce monde de l’aviation, un monde de passionnés. Nous y jouons donc un rôle de mobilisation des énergies au profit de l’action humanitaire.
Nous répondons aux besoins de transport aérien de près d’un millier d’associations, organisations internationales ou instituts. Mon souhait est désormais de devenir l’ONG de référence du monde de l’aéronautique.
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Concernant les accompagnements d'enfants, Aviation Sans Frontières acceptait jadis des dons sous forme de "miles" de compagnies aériennes ; c'était une option méconnue qui pouvait intéresser les grands voyageurs et les jeunes retraités (qui avaient été de grands voyageurs). J'espère que cette option existe toujours car elle répondait à un réel besoin.