Le spécialiste des questions aéronautiques de Radio France a réalisé avec Concorde quelques uns de ses plus mémorables reportages. Mémorables, pour ses auditeurs, mais aussi pour lui, comme ce record de vitesse autour de la Terre. Jean Barbaud a évidemment retenu, l’arrivée de Concorde à New York…
Mon amitié pour Concorde et celles et ceux qui ont accompagné sa vie, « fait voler la machine » comme aimait à le dire André Turcat, son emblématique et brillant premier pilote d’essais.
Notre rencontre fut fulgurante : Concorde avait fait son premier vol en 1969 avec André Turcat, Jean Franchi, Michel Rétif et l’ingénieur d’essais Henri Perrier. Depuis, il avait passé Mach 1, puis Mach 2. Les prototypes accumulaient les heures de vol et moi j’étais jeune pilote et reporter à Europe 1. Les péripéties de son développement défrayaient la chronique. On était pro ou anti-Concorde, pour des raisons le plus souvent très subjectives, mais ce superbe avion, qui n’avait plus comme concurrent en face de lui que le Tupolev Tu144 Russe accumulait sans cesse les records.
En 1975, la direction des essais en vol d’Aerospatiale, comme British Aerospace en Grande Bretagne, organisait des vols d’endurance. Ma position de grand reporter à Europe 1, passionné d’aviation, m’offrit la chance inouïe de faire partie des quelques centaines de happy few qui étaient invités et choisis cette année-là, à quelques mois de la mise en en ligne de janvier 1976, pour servir de passagers d’essais. Disons testeurs, ce qui est plus exact.
Les vols étaient opérés par le constructeur, en coopération avec une compagnie cliente, Air France, pour tester de l’intérieur le confort, l’organisation du service à bord, ainsi que, pour cet appareil exceptionnel, les sensations et l’effet de vols très rapides permettant de voyager loin. Cela permettait d’entrainer les hôtesses et stewards aux possibilités de service dans ce fuselage un peu étroit, aux pilotes (d’essais) de planifier les annonces aux passagers dans les phases particulières : allumage et extinction de la post combustion nécessaire au passage du Mach et à l’accélération vers Mach 2, etc.
Ainsi je partis pour Caracas à bord du F.BTSC, avec pour commandant Turcat lui-même, que je connus ainsi, qui quelques années m’a tenu la main lorsque j’ai écrit, en 1996, mon ouvrage sur Concorde, et avec qui les liens ont duré jusqu’à sa récente disparition.
Après ce vol, j’ai pu faire inviter des membres de la direction d’Europe 1, et André Arnaud, le célèbre présentateur, à une séquence d’essais au dessus de la Manche. Juste des simulations de pannes de moteurs ! Arnaud émerveillé ouvrit son journal Europe midi, le lendemain sur ses impressions. Puis je fus invité par Air France à un vol de convoyage. Puis je couvris pour Europe 1, depuis DTHU, le centre opérationnel d’Air France à Orly, à l’époque, le premier vol en ligne sur Rio de Janeiro, le 21 janvier 1976. Je n’ai pas ici la place de citer les anecdotes. Mais ce n’était pas fini.
Affecté à la politique je suivais régulièrement le Président Giscard d’Estaing. Ainsi je partis au printemps 1976 à La Réunion, par Bahreïn, puis en juillet aux USA pour le bicentenaire de l’indépendance. C’est là que je sympathisais, au Texas, avec le merveilleux Pierre Dudal, coiffé d’un superbe Stetson, qui venait de le poser à Houston. Je le lui rappelais en juillet dernier.
J’ai été invité au premier Washington, puis au premier New-York, où avec mes collègues des radios nous nous fîmes passer pour l’équipage du Concorde, ce qui nous valut un traitement royal. Puis ce furent les vols anniversaires, 10ème anniversaire de la mise en ligne, du premier New-York, etc. J’étais devenu un habitué de cet avion.
A France Inter ensuite j’organisai la première émission de radio en direct et en numérique depuis un avion, dans les années 1979 ou 80 sur un Paris New-York. Avec l’aide de nos techniciens et des services de la navigation aérienne, et Saint-Lys Radio. Et c’est l’apothéose : je suis sollicité par Air France et l’avocat milliardaire américain de Miami, Donald Pevsner qui organise en 1992 un record de vitesse autour de la Terre en Concorde pour fêter le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique. La place coûte près de 30.000 €.
Mais je suis choisi car pilote et membre de l’Aéroclub de France donc de la Fédération Aéronautique Internationale. Je dois à ce titre certifier et faire homologuer tous les records qui seront établis. En complément, je fais suivre ce vol d’heure en heure sur France Inter et France Info. 23 heures 12 mn de vol, 32 heures 49 mn d’amplitude avec les escales. Plus de 20 heures à Mach 2 !
Aux escales, demeurant à bord du F-BTSD (l’appareil le plus léger des 6 d’Air France), car je suis très occupé par mes liaisons radio, je vois descendre nos hôtesses et stewards qui se relaient chaque deux étapes. Moi, je garde l’avion ! Et j’accueille les arrivants ! Inouï ! C’est sur ce vol que je deviens très ami avec Jean Marcot. L’un de nos 3 copilotes et 2 captains qui a préparé les vols. Il périra le 25 juillet 2000 dans mon F-BTSC (celui de Caracas) au décollage de Roissy, victime d’une panne irrattrapable.
D’autres vols m’on encore permis de voler en Concorde. C’est l’avantage d’être un spécialiste de l’aviation. Mais hors l’écriture de mon ouvrage paru en 1996 au Cherche Midi, et 4 fois réédité, je n’en ai jamais tiré aucun avantage qui ne soit professionnel. Pour mon entreprise.
Puis en juillet 2000 je suis conduit à « couvrir » la catastrophe. La famille Concorde se rassemble dans la peine. Ils me font l’amitié de m’inclure. Je les accompagne aux obsèques de Jean Marcot. A l’automne nous irons à Montréal avec quelques uns baptiser un petit Cessna « le Jean Marcot » en hommage à ce brillant copilote qui œuvra, avec son commandant et le mécanicien navigant, avec rigueur, calme et professionnalisme jusqu’à la dernière seconde.
Je serai présent quand Michelin lance en 2001 le pneu NZG qui met l’aviation à l’abri des explosions destructrices comme celle qui a tué le Concorde. Et Grâce à lui, Concorde va revoler. Ce sont les équipages (j’ai été lâché sur le simulateur par Jean Marcot en mai 2000, et j’ai même pu tenir les commandes de l’avion dans quelques occasions) qui m’invitent (Siège 10B) à la reprise des vols, en particulier mon ami et voisin périgourdin Edgar Chillaud : La ligne Paris-New-York et retour recommence le 7 novembre 2001.
Le maire de New-York, Rudolph Giuliani nous accueille. L’Amérique traumatisée par le 11 septembre fait la fête à l’espoir de renaissance qu’apporte le Concorde lui aussi éprouvé. Puis nous faisons une tournée en Concorde à Clermont Ferrand, pour un merci à Michelin (et à Edouard) qui embarque ses Bibendum !
Las, au printemps 2003, la seconde Guerre du Golfe provoque une crise qui oblige les compagnies françaises et britanniques qui exploitent les quelques Concorde construits à les clouer au sol. Je suis invité au dernier vol sur New-York, le 30 mai 2003, puis je vois partir au musée ces beaux avions, les 12 qui demeurent et rejoignent les 6 prototypes.
Un peu désuets, mais toujours si beaux et originaux, et seuls capables de faire voler des hommes de la rue, comme nous, à Mach 2. Je suis sûr que je possède plus de 100 h de vol à bord des Concorde, donc plus de 70 à vitesse supersonique ! Dans sa vie, un pilote de chasse en cumule au mieux trois ou quatre fois moins.
Mon F-BTSD est conservé et abrité au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, face à face avec le premier prototype, le F-WTSS.
Je suis trop long et n’ai rien dit de mes souvenirs tant il en manque. Ce sera pour une autre fois. Mais la famille Concorde continue à se retrouver. L’amitié demeure. A bientôt !
Michel Polacco
© Dessin : Jean Barbaud / Animation : Martin Roy
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Et je découvre une erreur. Excuses. C’etait Jacques Guignard à côté de Turcat pour le premier vol ! ??
Ah ce repas à NYC dans little Italy . Quel souvenir !! C’était l’époque où il n’y avait que 4 “ grandes radios” . Une autre époque que dis je un autre monde
B. V
la traversée de l'Atlantique de Christian Marty en planche à voile (et non pas à la voile !)
Exact.
Merci pour ces souvenirs passionnants avec cet avion exceptionnel !
Michel, tu sais aussi sans doute que le commandant de bord du SC qui s'est craché à Roissy était Christian Marty qui avait fait la première traversée de l'Atlantique à la voile jusqu'à Kourou ?
Connais-tu aussi l'histoire du SST américain, qui a été abandonné par Nixon en 1972 au profit du Space Shuttle, les USA n'ayant pas les moyens de se payer les 2 programmes ?
J'en avais visité la maquette échelle 1 à Seattle en 1971, le prototype était prêt à être monté, et les ingénieurs de Boeing étaient persuadés que la décision de le réaliser serait prise puisque nous avions le Concorde. Mais ils se trompaient, et la conséquence fut l'interdiction pour le Concorde de se poser à New York...