Pas question d’improviser un plan à deux avec un hélicoptère aussi capricieux que nous le décrit Thierry Basset, même si Jean Barbaud est plus romantique que jamais !
Lorsque Gil Roy a demandé à certains d’entre nous d’écrire quelques mots au sujet de notre « aéronef fétiche », j’avoue avoir été confronté à un sacré dilemme. Devais-je parler du Jodel 112 sur lequel j’avais fait mes premières armes ou du Robinson 22 avec lequel Tango Bleu se produit en meeting depuis maintenant 15 ans ?
Bien sûr, le Jodel était fragile et attachant. Bien sûr, il m’avait, un beau matin de juillet 1972, amené tout seul à faire un tour de piste avec un décollage « balle de ping-pong » en raison de « l’abandon » de mon instructeur de 95 kilos (j’avais huit heures de vol et le roi n’était pas mon cousin).
Mais, il m’avait trahi aussi lors de tentatives de voyages plus ou moins avortées. Il faut dire que, sans démarreur, sans aucun équipement à part le strict minimum, il n’autorisait pas grand-chose. Du coup, nous nous étions quittés. Je l’avais délaissé, plutôt.
Alors que le Robinson 22, le 22 comme on dit quand on est intime, lui ne m’a donné que du bon.
Même le mauvais est bon avec cette petite machine.
Par exemple, c’est un bipale en balancier ! Il est à ce titre sujet au « mast bumping » (le huey aussi).
Pour faire simple, si vous poussez le manche de façon à tracer une jolie parabole, vous passerez par un moment à 0G, où le rotor et la cellule auront la très mauvaise idée de ne plus s’entendre. Il y aura alors une TRES forte chance (enfin un très fort risque) que le rotor percute le mat et que la pâle reculante découpe la poutre de queue… Et, là, ça volera beaucoup moins bien.
Et, « où est le bon dans cette histoire ? » direz-vous.
Dans le fait que, comme on vous décrit ça dès votre première installation à bord, vous faites attention. Mais pas une attention idiote tendant à vous préserver, vous tout seul. Non, une attention, comme quand vous prêtez attention à quelqu’un que vous aimez. Vous avez envie de lui faire du bien. Du coup, lui aussi.
Pareil pour l’autorotation. Vous savez cette étrange manœuvre qui fait que lorsque le moteur tombe en panne (encore que le Lycoming ne se soit jamais arrêté spontanément sur Robinson, sauf défaut de carburant… ce qui est bête, convenons-en !) on se pose en théorie comme une fleur dans une prairie parfaitement tracée pour ça (là, j’idéalise…).
Sur le Robi (son autre petit nom), pour établir l’autorotation comme on dit, il faut aller vite … très !
En tout cas, plus vite que sur une machine dotée d’un rotor lourd, donc à forte inertie. Disons qu’une réaction à plus de 3 secondes commence à vous placer en situation critique.
Là aussi, il faut être attentif. Et le bougre vous le rend bien.
En effet, en bas, disons à une dizaine de mètres de haut, pas besoin de faire des choses compliquées comme sur Hugues 300 ou Bell 47 (qui imposent un premier soutien puis un deuxième, une remise à plat « quand on a l’impression de la queue va toucher » – que celui qui utilise cette formule en instruction se dénonce immédiatement !). Avec le Robi, un flare un peu marqué (tu cabres la machine pour lui casser la vitesse sur trajectoire), une remise à plat, et hop, tu es posé en glissant un peu.
Tout ça, à condition de faire preuve de la même attention… Je n’ose pas répéter avec le même amour.
Depuis vingt-cinq ans et depuis 15 en meeting, Robi et moi formons un couple (il en va de même, bien sûr, pour Koy, l’autre pilote de Tango Bleu) en meeting aérien. Il est peu puissant (le Robi, pas Koy), je dois donc le ménager. Il est fragile, il faut veiller à ne pas le sonner. Il est vif. On peut opérer des changements de trajectoire dignes d’une Alpine A110 (l’ancienne, bien sûr. Pas l’aseptisée d’aujourd’hui).
Et surtout, il vous fait ressentir. Il vous le dit qu’il va perdre les tours, avant que ne se déclenchent ses alarmes. Il vous prévient qu’il ne faut pas accélérer plus (le bruit des pales, les vibrations, un je ne sais quoi …). Il vibre ce qu’il faut juste avant de se mettre en vortex (une joyeuseté que je vous conterai une autre fois).
Tango Bleu est, selon (et grâce à) notre chorégraphe, une danse. En fait, je ne sais pas trop, pour ne l’avoir jamais vu sauf en vidéo. Mais, depuis l’intérieur, j’ai vraiment l’impression d’un tango. D’autant que nous calquons les manœuvres sur le tempo musical. Et là, il est inégalable Robi. Son défaut, le manque d’inertie, devient alors une qualité indéniable. Il réagit sans temps mort (ou presque). Et ça, pour le spectacle, et le pilote, c’est un bonheur.
Selon Larousse, un fétiche est un objet culturel auquel sont attribuées des propriétés surnaturelles bénéfiques pour son possesseur.
Le Robinson 22 n’a rien de surnaturel.
Robi, tu n’es donc pas un fétiche ! Mais, je te garde quand même ! Affectueusement.
Thierry Basset
© Dessin : Jean Barbaud / Animation : Martin Roy
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