Certes, le centenaire de la Grande Guerre s’est terminé en 2019. Cette période a vu la parution de biographies renouvelées de certains des plus grands as français. Un manquait encore à l’appel… Patrick de Gmeline efface cette lacune avec son travail sur Charles Nungesser.
Auteurs et éditeurs (surtout) sont sensibles au calendrier. Les livres il faut les vendre, et les périodes anniversaires sont propices à attirer l’attention sur les ouvrages qu’ils publient. Pure logique marketing, sans aucun jugement péjoratif, car cela permet de dépoussiérer des travaux déjà anciens et souvent hagiographiques, sur des personnages qui eurent à juste titre leur heure de gloire.
Ainsi ces dernières années, a-t-on gratifié le lecteur de biographies fort intéressantes – d’autant que la science historique est en constant progrès – sur Georges Guynemer, René Fonck, Maurice Boyau et Georges Madon… Il en manque encore, dans ce panthéon des as tricolores de la Première Guerre mondiale, peut-être moins célèbres mais tout aussi héroïques, souhaitons qu’ils ne tombent pas définitivement dans l’oubli du grand public. Car c’est davantage pour le grand public que pour les « fanas », les gens de l’air, que ces récits de vie sont destinés, afin que ces figures ne s’affadissent pas dans les limbes du passé ! Allez, qui va nous revisiter René Dorme, par exemple ?
Alors bravo à l’historien Patrick de Gmeline d’avoir consacré ce volume de 318 pages au format 14 x 21,5 à l’un des fleurons de l’aviation de chasse française, complétant ainsi le triptyque avec Fonck et Guynemer.
Enfant déjà, sa vie est aventureuse. Parents divorcés, construisant sa propre histoire en Amérique du Sud, il rentre en France pour effectuer son service militaire, et c’est là que la Première Guerre mondiale éclate… Cavalier, hussard, le voilà qui capture avec une pincée d’hommes une voiture d’état-major allemande et leurs documents. Autorisé à conserver personnellement la Mors ainsi conquise, il en fut surnommé le « Hussard de la Mors », par clin d’œil envers la tête de mort portée sur la coiffe de certains de ces redoutables cavaliers. L’automobile, d’ailleurs, constituera une partie intégrante de sa vie, lui qui roula en Rolls-Royce, offerte par le roi d’Angleterre !
Bombardier sur Voisin obtenant ses premières victoires, il passera dans la chasse. Blessé grièvement, il reprend sa place au combat, rejoignant son Nieuport orné de son fameux « fétiche » (on dirait aujourd’hui son insigne personnel, deux tibias entrecroisés et un cercueil entre deux chandeliers) sur ses béquilles… Il multiplie combats aériens et conquêtes féminines, épousera une Américaine dont il divorcera – en réalité, la véritable femme de sa vie, ce fut sa mère…
Que faire la paix revenue ? Charles Nungesser crée une éphémère école de pilotage et baptêmes de l’air à Orly, mais c’est peut-être trop « sage ». Alors il monte des spectacles de reconstitution de combats aériens, aux États-Unis, là où l’on n’a pas connu la réalité de la guerre aérienne. Directeur de son cirque du ciel, il en vient à tourner son propre personnage, incartade dans le septième art.
Enfin, ainsi que chacun le sait, il bâtit son grand projet un peu comme une course de vitesse car il veut être le premier : le premier à traverser l’Océan Atlantique d’est en ouest, le plus difficile, face aux vents dominants. On connaît la suite, parti avec son navigateur (et second pilote) François Coli, il disparaît sans laisser de trace le 9 mai 1927, quelques jours avant que Lindbergh réalise l’exploit en sens inverse…
Donc ce personnage épique méritait cent fois une « bio » qui dépasse les travaux aussi incomplets, romancés, qu’hagiographiques (on pense à Le chevalier du ciel, un bagarreur héroïque, Charles Nungesser, de Marcel Jullian, Amiot-Dumont, 1953). Si des dialogues sont reconstitués, au moins sont-ils plausibles tant ils s’appuient sur des faits dans l’ouvrage qui nous occupe.
L’apport le plus structurant est justement cette recherche du factuel et l’honnêteté intellectuelle de l’auteur, qui, au-delà de la disparition, passe en revue les témoignages, les interventions de personnages comme le neveu et homme politique Roland Nungesser et naturellement, Bernard Decré, qui a lancé plusieurs – et infructueuses – campagnes de recherches à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sans passion, mais avec le souci de la rectitude de la démarche, toutes ces initiatives sont passées en revue et explicitées, mais en reviennent toujours à l’invariable constat de l’absence de preuves. Nungesser et Coli ont-ils effectivement traversé l’Atlantique en 1927 ? Ce que l’on peut juste déduire de témoignages concordants est que l’Oiseau blanc a bel et bien survolé l’Irlande avant de s’enfoncer vers l’inconnu…
Quoi qu’il en soit, en dépassionnant (et en dépoussiérant) le dossier Nungesser et Coli, ce livre (qui n’est une biographique de Charles Nungesser, pas de François Coli, qui est cependant et naturellement évoqué) tient toute sa place dans la bibliothèque du passionné de l’aéronautique.
Jean Molveau
Commander le livre Charles Nungesser: De l’As de la Grande Guerre au disparu de l’Atlantique
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j'ai commencé le livre, juste reçu hier, ma mère m'ayant souvent raconté des histoires sur son oncle, et justifiant ma passion aeronautique à cette pseudo ascendance!
Il faut aussi écouter la chanson "L' oiseau blanc", beaucoup chantée par des choeurs pyrénéens en l' honner de Nungesser et de coly.
Merci je ne connaissais pas :
http://www.youtube.com/embed/WwTv8S_2jm4
Il y a encore beaucoup de pilotes de la 1° GM dont la biographie mérite d'être relue. Intéressez-vous ainsi à celle de Max Knipping, qui fut pilote d'essais par la suite.
et la suite de la suite qui n'a plus rien d'aéro en a fait un proche compagnon de route de Joseph Darlan à la tête de la milice , tous deux fusillés à la libération pour collaboration .. ça gâche un peu le mérite non ?..
@ marc
Darnand, pas Darlan - si vous voulez faire des remontrances historiques, ne mélangez pas tout, soyez sûrs de vos sources.
Max Knipping gagna plusieurs records mondiaux (de distance sur Caudron 109) dans les années 20 - c'était l'époque de ce genre de compétitions, records qui d'ailleurs disparaissaient quelques mois après, battu par un autre pilote sur un autre avion.
Et puis aussi Fonck, même Mermoz... laissons-leur leurs choix et leur histoire, conséquences d'une époque qu'il est vain de juger avec les yeux d'aujourd'hui.
Merveilleux personnage que Charles Nungesser, cette biographie est une chance et j’irai lire la dernière page à « l’oiseau blanc » avenue Kléber 😊