Dans son nouvel ouvrage intitulé « Shenzhou, les Chinois dans l’espace », Philippe Coué décrit la « naissance d’une grande puissance spatiale ». Le lecteur averti ne manquera pas de faire un parallèle avec la construction en cours de l’industrie aéronautique chinoise. De quoi relativiser les déboires du programme Comac C919…
Il serait malvenu de se gausser des retards accumulés du biréacteur Comac C919 : il ne faudrait en aucun cas, en effet, sous-estimer la capacité des Chinois à maîtriser dans le long terme les programmes technologiques les plus complexes. En témoigne leur effort spatial, peu connu, mais immensément ambitieux. Ce que souligne un nouvel ouvrage étonnant de Philippe Coué, « Shenzhou, les Chinois dans l’espace ». Le sous-titre dit l’essentiel : « naissance d’une grande puissance spatiale ».
Il y a là matière à double lecture, dans un contexte tout à fait particulier. On retiendra tout d’abord que la manière de faire chinoise continue de faire la part belle au contrôle absolu et tatillon des politiques, que l’information est tout sauf ouverte et accessible, que l’observateur consciencieux se doit de mettre bout à bout des données partielles, à décrypter avec prudence, et à condition de bien connaître le sujet. Et les secrets sont bien gardés : Philippe Coué évoque, notamment, le programme Shuguang, révélé… 30 ans après son abandon. Qui plus est, l’unique document le concernant n’existe qu’en mandarin.
On retient à cette occasion que la Chine voit grand, et à très long terme. Ainsi, elle pense à la Lune depuis les années soixante (depuis l’époque d’Apollo) mais il nous a fallu patienter jusqu’à 2011 pour prendre connaissance d’un plan quinquennal évoquant très officiellement un programme lunaire habité, l’établissement d’une base lunaire permanente, prélude à l’exploration du système solaire. Coué, en marge de l’analyse du projet de vaisseau baptisé Projet 921, souligne que « ce programme spatial habité n’était pas aussi flamboyant que ceux conduits par les Russes et les Américains ». Cependant, ajoute-t-il, la Chine a progressé régulièrement, effectuant notamment des sorties extravéhiculaires et des rendez-vous spatiaux.
Vu avec recul, le démarrage a été lent, les premiers résultats obtenus « insignifiants » mais les avancées bien réelles. La Chine veut devenir une superpuissance spatiale (elle posera un véhicule sur la Lune à l’automne prochain) et elle est bel et bien en passe d’y parvenir. Cela sans mettre à portée des observateurs occidentaux une information détaillée. En revanche, au vu des résultats d’ores et déjà acquis, le doute n’est plus permis : la Chine est capable de mener à bien des opérations exceptionnellement ambitieuses. Et sans doute convient-il de tenir compte de cette réalité avant de porter un jugement sur d’autres programmes aérospatiaux.
On pense ainsi à la mise en place de l‘avionneur Comac et au développement du C919, lequel vise le même marché que les séries Airbus A320 et Boeing 737. Le décalage dans le temps est considérable, le petit ARJ 21, inspiré du Douglas MD-80, n’en finit pas d’être mis au point, le C919 est très en retard. Mais de quel retard parle-t-on ? S’il fallait utiliser nos critères habituels, sans doute serait-on tenté d’affirmer que la Chine se prépare à réinventer avec le « vaisseau céleste » Shenzhou ce que la NASA réussit brillamment il y a plus de 40 ans. Mais ce n’est évidemment pas l’analyse de Pékin.
Le C919 (380 commandes et intentions d’achat à ce jour) deviendra tôt ou tard réalité, fera ses preuves. Mais ce sera sans doute au-delà de 2020, sur « nos » marchés tout au moins. Cette échelle de temps, qui ferait frémir les directeurs financiers d’industriels européens et américains, doit nous conduire à réapprendre la patience. Pour mieux le comprendre, il suffit de lire entre les lignes le « Shenzhou » de Philippe Coué.
Pierre Sparaco
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Chine : une leçon de patience
Excellente démarche dans ce livre, et commentaires extrêmement intéressants de Pierre Sparaco , au sujet de la puissance aéronautique et spatiale chinoise que les " occidentaux " ont, de mon point de vue, beaucoup de mal à mesurer. Mais il suffit de se rendre dans les halls du salon aéronautique de Zhuhai, pour se rendre compte que les chinois vont finir par " y arriver ", malgré certains " retards ". Tous ces propos illustrent assez bien ma démonstration en photographies, à venir, dans le livre " Avions et salons remarquables ", à paraître d'ici deux mois. On y verra (entre autres avions de puissances émergentes...) le J-10 (vu à Zhuhai) ; avec le J-10, j'ai remarqué que les chinois en sont vraisemblablement, et globalement, au stade technologique, qui est celui d'un F-16 ou d'un Mirage 2000, sur le plan du développement et de l'insdustrialisation des chasseurs monoréacteurs. J'ai remarqué qu'un J-10 évolue de la même manière, et aussi bien..., qu'un F-16 . Et oui...
Chine : une leçon de patience
Le temps Asiatique est difficilement perceptible par les Occidentaux. Saluons l'inauguration du plus haut aéroport commercial mondial, au Tibet Chinois, par un A319 Européen...
Chine : une leçon de patience
tout vient à point, qui sait attendre!!!!
les chinois sont patient, et bien sûr travailleurs et en plus
ils sont nombreux!!!!!!
Chine : une leçon de patience
La seule lutte possible contre la Chine sera philosophique...