Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
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Olivier Constant
La Corée du Nord constitue assurément le Graal pour les spotters du monde entier. Pourtant fermé et agité périodiquement par des poussées de fièvre comme en juin dernier, ce pays accueille depuis le printemps 2012 des groupes de passionnés d’avion. Les participants d’un des derniers voyages organisés (juin 2013) ont pu profiter d’un Tour encore plus dense que ce qui était prévu initialement dans le programme.
On se doit d’imaginer ici la complexité des démarches effectuées au préalable par les organisateurs anglais de Juche Travel pour monter le programme. Cela ne les a pas empêchés, cependant, d’obtenir de la part de la compagnie nationale Air Koryo le remplacement du traditionnel Tupolev 204 de la ligne Pekin – Pyongyang par un vénérable Ilyushin 62M lors de l’un des premiers Tours réalisés en 2012. Sans doute, les passagers « normaux » n’ont rien su de ce changement d’appareil au seul profit des spotters occidentaux. Cet exemple, parmi d’autres, illustre le fait que malgré la rigidité des autorités de ce pays, il est toujours possible de conclure quelques « petits arrangements entre amis ». Au sein des participants de ce voyage qui constitue assurément la dernière frontière pour les spotters sur terre, il y avait un français. C’est à partir de ses renseignements que nous avons pu rédiger cet article. Plutôt que de rejoindre le groupe de participants majoritairement composé de suisses, d’allemands et d’anglais au terminal 5 de Londres-Heathrow, notre français a rejoint le groupe au départ de la capitale chinoise. Après avoir visité l’un des musées aéronautiques les plus importants au Monde avec moults appareils datant de la Guerre Froide, il s’est embarqué à bord de l’un des deux Tupolev 204 de la compagnie nationale nord-coréenne. Cet appareil pouvant transporter près de 200 passagers en biclasse était l’un des plus récents de la flotte. Arrivé à destination, le groupe de spotters dont le nombre anormalement bas (20) était lié aux tensions qui avaient existé au cours de l’hiver 2012/13 (mais qui n’avaient plus cours en juin 2013) n’a pas pu s’affranchir de la traditionnelle visite de l’Arc de Triomphe à la coréenne et surtout des immenses statues des deux « leaders » présent et passé. Ils furent « invités » à déposer chacun une gerbe de fleurs qui leur avait été vendue, au préalable, 5 euros pièce et à respecter le cérémonial suivant : être tous alignés face à la statue, fleurs à la main, se diriger vers le socle tous ensemble, déposer les fleurs, se retirer toujours tous alignés en marchant à reculons face aux statues, s’incliner tous ensemble en penchant le buste vers l’avant. L’histoire ne dit pas si ceux qui refusent de se prêter à ce que le guide local appelle pudiquement « une de nos coutumes par respect de nos leaders » sont immédiatement reconduits à l’aéroport pour y attendre le prochain vol vers Pékin. Les fanas d’avions ne purent tout aussi bien éviter le déplacement sur la non moins traditionnelle DMZ, la ligne de démarcation existant entre les deux Corées. A l’issue d’une journée passée sans avion, ils ont finalement pu embarquer à bord d’un Tupolev 134 pour rejoindre le Mont sacré Paektu. Autant dire ici que ceux qui n’aimaient pas les ex-avions soviétiques n’avaient rien à faire dans ce Tour. D’ailleurs, la compagnie Air Koryo n’opère que des avions russes dont les plus récents sont les Tupolev 204 précités ainsi qu’un unique Antonov 148 tout neuf. Les passionnés de transport aérien ont, à cette occasion, pu s’entretenir avec des représentants de la compagnie et profiter d’un pique-nique juste avant d’entamer le trek d’une demi-heure environ pour effectuer l’ascension du Mont précité. Là-encore, les occidentaux ont pu profiter de « l’ouverture » de leurs hôtes car l’aéroport de Samijon abrite aussi une base militaire. Les prises de vues d’appareils militaires étaient, toutefois, interdites et le non-respect de cette interdiction dans un voyage organisé en septembre 2012 avait failli remettre en cause l’existence de ces Tours. Le retour dans la capitale s’effectua dans le même appareil de 72 places qui avait été entièrement affrété par Juche Travel. A l’issue de ce vol d’une durée d’une heure et dix minutes, le groupe fut invité à embarquer à bord du premier Antonov 148 de la compagnie pour un vol autour de la capitale d’une durée de trente minutes. Très complet en ce sens qu’il n’était pas qu’une succession de visites d’aéroports, ce Tour permit aux participants de mieux s’imprégner de l’atmosphère pour le moins étrange régnant dans ce pays, du chien étant même proposé… en supplément à déjeuner. Ainsi fut notamment visité le métro de la capitale implanté à… 150 mètres sous terre. Les cinquième et sixième jours du voyage furent marqués par une succession de vols, à commencer par un Pyongyang – Hamnung en Tupolev 154 dans une configuration très confortable à 120 sièges seulement. Le retour s’effectua à bord d’un Antonov 24, l’équivalent du Fokker 27 de l’époque en plus rustique. Le lendemain, ce fut un véritable festival Ilyushin avec l’emprunt d’un IL 62M, puis d’un IL 76MD de transport de fret, des vols d’une durée de trente minutes environ. A leur débarquement, les occidentaux eurent le loisir de visiter un rarissime Il 14, un bimoteur à pistons qui n’a plus volé depuis vingt ans. En insistant un peu, les nord-coréens pourraient être en mesure de le faire revoler, juste pour le plaisir des spotters du monde entier. Le groupe remonta ensuite à bord d’un vénérable quadriturbopropulseur Ilyushin 18D datant de 1968 pour rejoindre Hamnung en une heure de vol (contre 35 mn en TU 154). Nul problème de créneaux pour ces vols charters, l’aéroport n’accueillant que huit vols internationaux par semaine en provenance de Chine et de Russie. Tous les participants eurent ainsi largement le temps de constater que les avions étaient dans un état impeccable depuis la cabine jusqu’aux pneus tout neufs les équipant. Les réserves émises depuis l’Europe quant au niveau de sécurité de ces appareils furent rapidement balayées sur place d’autant que ces avions ont peu d’heures de vol malgré leur âge avancé. Déjà, les spotters avaient emprunté huit types d’appareils différents dans un seul et même pays. Et c’est là où les Tours de Juche Travel Services font toute la différence. Pour un spotter esseulé, il s’avère, en effet, très difficile de voler à bord d’ex-avions russes à moins d’effectuer des distances énormes entre différents pays de l’ex-URSS. Pour l’Ilyushin 18, c’est même impossible car plus aucun appareil de ce type ne vole en régulier. Même s’ils durent, encore une fois, s’accommoder des visites tout à la gloire des dirigeants du pays tout en logeant dans l’un des hôtels 5 étoiles fréquentés par les dignitaires du pays (avec masques à gaz dans les tables de chevet !), les participants purent, en revanche, profiter d’un dernier vol domestique pour revenir d’Hamhung à bord de l’IL 18D. Ces appareils n’existent plus qu’à deux exemplaires en Corée du Nord. Pour ce retour vers la capitale, ils furent, une fois de plus filmés par le cameraman les ayant suivis tout au long du voyage. Pour 50 euros, ils purent ainsi conserver un souvenir de leur voyage dans ce pays donnant l’impression à ses visiteurs d’être réellement sur une autre planète. L’histoire ne dit pas si la Corée du Nord ne garde pas ces précieuses vidéos… pour ses archives. Enfin, le retour vers Pekin fut effectué à bord d’un Tupolev 204. Sur les vols internationaux, le coefficient de remplissage des avions d’Air Koryo est de 50% environ. Ce taux d’occupation est le même que celui des compagnies occidentales dans les années 60.Toutes ces prestations hors du commun coûtèrent à chaque participant environ 4 000 euros. Cette somme fut d’autant mieux acceptée que les spotters obtinrent une autorisation spéciale pour ramener toutes les photos numériques qu’ils avaient faites sur les tarmacs des aéroports. A titre de comparaison et sans aller bien loin, les aéroports italiens abritant une base militaire sont interdits à la photographie. Les policiers effectuant les rondes dans les aérogares vous obligent à supprimer toutes les prises de vue en cas d’infraction au règlement.Nous ne saurions que trop conseiller aux candidats aux voyages (plusieurs par an) de se hâter rapidement à présent. Air Koryo a, en effet, initié le renouvellement de sa flotte avec un Antonov 148 supplémentaire et un Antonov 158 pour remplacer les Tupolev 134 B3 et 154 B2. A l’exception des sud-coréens et des… journalistes, la Corée du Nord accepte tous les participants à ces Tours bons pour sa balance commerciale. Et pour les consignes de sécurité présentes à bord des appareils, nul besoin à présent de les subtiliser pour dire « j’y étais ». Les nord-coréens ont compris à l’issue des premiers voyages et ils les vendent désormais à cinquante euros le jeu de sept. Il n’est pas de petit profit mais à ce prix là elles sont neuves ! Olivier Constant
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Daniel Craig écrit des articles sur Aerobuzz ?
_ Ok, je sors ->
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète En revanche, Guantanamo, vous trouvez normal.
Mais bon, on est sur un site aéro, alors tenons-nous en à l'aéro et en Corée du Nord, on est servi pour qui sait apprécier les machines Soviétiques et Russes.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Lire aussi "Les aquariums de Pyongyang" de Pierre Rigoulot (10 ans au goulag Nord Coréen par Kang Chol-Hwan), cela remet les idées en place et ne donne pas trop envie d'aller faire du tourisme même "aéronautique" dans un pays régi par un tel régime.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Alors que visiter les États-Unis, qui maintiennent la peine de mort, qui entretiennent Guantanamo et qui torturent des suspects (je dis bien suspects, et non des criminels reconnus), c'est valable.
Visiter les pays du golfe persique, ou même faire une halte dans leurs somptueux hubs aériens, ça on peut.
Faire des safaris en Afrique... pourquoi pas...
Il n'y a vraiment que la Corée du Nord qui soit pays non-gratta...
Mais dites vous bien une chose : plus les Nord-Coréens verront/accueilleront d'étrangers, même si c'est sous surveillance, plus le pays s'ouvrira, et plus les choses ont de chances de changer pour eux.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète C'est sûr, 4000 Euros, ça fait mal, en fait, ce n'est pas cher du tout.
Quand on regarde les tarifs de Juche Travel, la semaine coûte 2000 Euros au départ de Pékin, ce qui est très bon marché, vu que c'est légèrement moins cher qu'un voyage "normal" en Corée du Nord proposé par la concurrence.
En fait, je ne suis pas certain que l'on pourrait trouver un tel voyage aux États-Unis par exemple, qui permettrait de voler sur 5 old-timers nolisés à ce prix.
Et oui, ça fait rêver (moi en tout cas), même si j'ai connu certains des avions cités.
C'est vraiment l'occasion de vivre une expérience unique.
Aurons-nous la chance de voir un album photo un peu plus complet ?
Ah, et pour finir, je m'interroge sur le terme avion "ex-russe" ; vous voulez dire par là un avion de fabrication soviétique, un avion anciennement opéré par les russes et vendu aux nord-coréens ?
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Mais le plus beau se trouve au sous sol du Musée de la Guerre de Libération, avec les appareils de chasse ex russes et les prises de guerre américaines.
Les pièces (chars, avions,hélicoptères,...) ont été placées là avant la construction du musée, qui est bâti au dessus!
Bâtiment immense...et glacé en hiver, où il n'y a quasiment aucun visiteur pour 20 ou 30 000m2 d'expo.
Il faut évidemment faire abstraction des conditions locales...comme dans un certain nombre de pays du monde, mais celui ci est effectivement particulier...
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Pour vous donner une idée sympa du régime nord-coréen lisez "Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté", Blaine Harden, ISBN 978-2714449689. La Syrie, c'est le club med à côté!!
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Excellent article ! Un des meilleurs du site. Ce pays me fait rêver, ce tour me fait rêver... 4000€ à économiser ouch.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète Le pays n'est pas sous embargo international. Saviez-vous qu'une très large part de vos habits floqués d'un "made in China" sont en réalité fabriqué en Corée du Nord ? Et qu'ils sont importés sans impunité alors que les divers gouvernements et douanes sont au courant ? Saviez-vous qu'une dizaine d'étudiants Nord Coréens étudient actuellement l'architecture à l'école d'architecture de la Vilette ? Et tout ça pour construire des bâtiments destinés aux "leaders" de la nation. C'est aux gouvernements occidentaux de réagir mais bien sûr ils ne risqueront rien pour ne pas se faire froisser lors des sondages d'opinions. (Mon pays, le Cambodge, a connu la même chose lors du régime Khmer rouge, personne n'a levé le petit doigt).
Et l'embargo ... quelle connerie, affamez encore plus la population, bravo.
Arrêtez de faire les hypocrites avec vos discours tout fait car sinon vous ne sortiriez plus de chez vous. C'est certes 4000€ qui vont partir je ne sais où, mais c'est également l'occasion de faire quelque chose d'unique.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète et 4000 dollars à distribuer à un gouvernement sous embargo international. Bravo à cette contre productivité. Pendant ce temps, la population souffre.
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Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
Daniel Craig écrit des articles sur Aerobuzz ?
_ Ok, je sors ->
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
En revanche, Guantanamo, vous trouvez normal.
Mais bon, on est sur un site aéro, alors tenons-nous en à l'aéro et en Corée du Nord, on est servi pour qui sait apprécier les machines Soviétiques et Russes.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
Lire aussi "Les aquariums de Pyongyang" de Pierre Rigoulot (10 ans au goulag Nord Coréen par Kang Chol-Hwan), cela remet les idées en place et ne donne pas trop envie d'aller faire du tourisme même "aéronautique" dans un pays régi par un tel régime.
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Alors que visiter les États-Unis, qui maintiennent la peine de mort, qui entretiennent Guantanamo et qui torturent des suspects (je dis bien suspects, et non des criminels reconnus), c'est valable.
Visiter les pays du golfe persique, ou même faire une halte dans leurs somptueux hubs aériens, ça on peut.
Faire des safaris en Afrique... pourquoi pas...
Il n'y a vraiment que la Corée du Nord qui soit pays non-gratta...
Mais dites vous bien une chose : plus les Nord-Coréens verront/accueilleront d'étrangers, même si c'est sous surveillance, plus le pays s'ouvrira, et plus les choses ont de chances de changer pour eux.
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C'est sûr, 4000 Euros, ça fait mal, en fait, ce n'est pas cher du tout.
Quand on regarde les tarifs de Juche Travel, la semaine coûte 2000 Euros au départ de Pékin, ce qui est très bon marché, vu que c'est légèrement moins cher qu'un voyage "normal" en Corée du Nord proposé par la concurrence.
En fait, je ne suis pas certain que l'on pourrait trouver un tel voyage aux États-Unis par exemple, qui permettrait de voler sur 5 old-timers nolisés à ce prix.
Et oui, ça fait rêver (moi en tout cas), même si j'ai connu certains des avions cités.
C'est vraiment l'occasion de vivre une expérience unique.
Aurons-nous la chance de voir un album photo un peu plus complet ?
Ah, et pour finir, je m'interroge sur le terme avion "ex-russe" ; vous voulez dire par là un avion de fabrication soviétique, un avion anciennement opéré par les russes et vendu aux nord-coréens ?
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Mais le plus beau se trouve au sous sol du Musée de la Guerre de Libération, avec les appareils de chasse ex russes et les prises de guerre américaines.
Les pièces (chars, avions,hélicoptères,...) ont été placées là avant la construction du musée, qui est bâti au dessus!
Bâtiment immense...et glacé en hiver, où il n'y a quasiment aucun visiteur pour 20 ou 30 000m2 d'expo.
Il faut évidemment faire abstraction des conditions locales...comme dans un certain nombre de pays du monde, mais celui ci est effectivement particulier...
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
Pour vous donner une idée sympa du régime nord-coréen lisez "Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté", Blaine Harden, ISBN 978-2714449689. La Syrie, c'est le club med à côté!!
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Excellent article ! Un des meilleurs du site. Ce pays me fait rêver, ce tour me fait rêver... 4000€ à économiser ouch.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
Le pays n'est pas sous embargo international. Saviez-vous qu'une très large part de vos habits floqués d'un "made in China" sont en réalité fabriqué en Corée du Nord ? Et qu'ils sont importés sans impunité alors que les divers gouvernements et douanes sont au courant ? Saviez-vous qu'une dizaine d'étudiants Nord Coréens étudient actuellement l'architecture à l'école d'architecture de la Vilette ? Et tout ça pour construire des bâtiments destinés aux "leaders" de la nation. C'est aux gouvernements occidentaux de réagir mais bien sûr ils ne risqueront rien pour ne pas se faire froisser lors des sondages d'opinions. (Mon pays, le Cambodge, a connu la même chose lors du régime Khmer rouge, personne n'a levé le petit doigt).
Et l'embargo ... quelle connerie, affamez encore plus la population, bravo.
Arrêtez de faire les hypocrites avec vos discours tout fait car sinon vous ne sortiriez plus de chez vous. C'est certes 4000€ qui vont partir je ne sais où, mais c'est également l'occasion de faire quelque chose d'unique.
Corée du Nord : la dernière frontière pour les spotters de la planète
et 4000 dollars à distribuer à un gouvernement sous embargo international. Bravo à cette contre productivité. Pendant ce temps, la population souffre.