Rendez-vous un vendredi matin de juin, sur l’ancienne base aérienne 102 de Dijon, avec Jacques Bothelin et ses équipiers de la Breitling Jet Team pour un vol en patrouille sur L-39C Albatros. Un vol à sensation forte.
L’allée n’a pas changé. Elle est comme dans mes souvenirs en noir et blanc. Moins animée. Un peu abandonnée. Au bout, le poste de garde est vide et la barrière reste levée.
On roule dans la base aérienne fantôme, entre les bâtiments et les hangars, en suivant les silhouettes jaunes de L-39. Les seuls uniformes sont ceux des élèves gendarmes. Un dernier portail. On est arrivé.
« Gaston » (Patrick Marchand) nous accueille et nous emmène jusqu’au « pilot club », en passant par le hangar d’Apache Aviation, la société créée en 1982 par Jacques Bothelin pour mettre en œuvre sa première patrouille de SIAI Marchetti SF-260 aux couleurs de Martini. Ce seront ensuite des Pilatus PC-7, puis Ecco et Adecco, et depuis 2003 des jets L-39C.
La patrouille n’est que la partie émergée de l’activité d’Apache Aviation qui propose ses services aériens en soutien à l’entrainement tactique opérationnel. Aux commandes de leurs Albatros, mais aussi de trois Hawker Hunter MK58, les Apache donnent des sueurs froides aux servants des navires de guerre de diverses marines. Avec les six TB-30 Epsilon que vient d’acquérir la société, ce sont les pilotes de ligne qui vont bientôt commencer à transpirer lors de nouveaux stages UPRT (Upset Prevention and Recovery Training).
Sur l’ancienne BA 102, Jacques Bothelin a recréé une véritable unité opérationnelle avec ses sept pilotes issus de l’Armée de l’Air (dont deux anciens de la Patrouille de France) et son équipe de mécanos. Au milieu du hangar, il a aménagé un autel avec un Mirage IIIE. On a tous quelque chose en nous de Tanguy et Laverdure.
On se retrouve au Pilot Club. Sur le bar, des viennoiseries, du café et des jus de fruits. Sur les murs, des photos de la Breitling Jet Team dans le Grand Canyon. Des cartes de ses tournées aux USA et en Asie. On échange quelques mots avec les autres clients. Chacun est dans sa bulle. Les pilotes qui entrent et sortent détendent l’atmosphère.
Nous sommes douze clients ce matin. La plupart a traversé la France pour rejoindre Dijon. Certains viennent de Belgique et de Suisse. Par la fenêtre on aperçoit les anciennes hangarettes qui ont abrité les Mystère IV, les Mirage IIIE et plus récemment les Mirage 2000 de l’escadrille des Cigognes. On est chez les Chevaliers du ciel.
Ce matin, la patrouille va voler avec six avions. Elle fera deux rotations. Tout le monde se retrouve dans le vestiaire où Ponpon (François Ponson) distribue une combinaison à chacun et un casque jaune. Mode d’emploi pour utiliser la visière avec précaution.
Depuis son récent changement de propriétaire, Breitling a décidé que l’aviation n’était plus un vecteur d’image. Toutes les associations de collectionneurs d’avions mythiques et les voltigeurs de haut niveau qui volaient sous les couleurs de l’horloger ont perdu leur sponsor. Seule la patrouille a été épargnée.
Le contrat a toutefois été renégocié. Au passage, Jacques Bothelin a obtenu la possibilité de développer les vols à sensation qui jusque-là étaient réservés aux seuls clients de Breitling. Désormais pour un peu moins de 3.000 euros, il est possible de voler avec la Breitling Jet Team. Et les candidats, à titre individuels ou dans le cadre de relations publiques, sont nombreux.
Ce matin, nous sommes douze. Et demain matin, avant de partir pour la côte adriatique où elle va se produire, la patrouille va faire voler six autres privilégiés. En attendant, les douze de ce matin, dans leur combinaison de vol, se retrouvent dans la salle de briefing.
Une vidéo plus tard, nous écoutons attentivement le briefing sécurité de Jacques Bothelin. Pas question de laisser trainer les mains. Elles resteront accrochées aux bretelles de la ceinture de sécurité. Pas envie de larguer la verrière en vol. Encore moins de se retrouver catapulté en dehors du cockpit.
Le téléphone restera dans la poche à fermeture éclair. Tant pis pour les photos. Il faudra nous croire sur parole quand nous raconterons nos exploits.
Le vol va durer une demie heure. Les avions vont décoller en deux box de trois à 5 secondes d’intervalle. Ils se regrouperont ensuite pour enchainer une série de figures en formation serrée pendant un quart d’heure. Ensuite, la formation se séparera en deux, et les avions s’écarteront pour une séance de voltige à la carte.
On pourra tout demander à son pilote, même de prendre les commandes. Le retour à la base se fera en formation serrée au-dessus du vignoble bourguignon. Passage à la verticale de la piste avant le break final. On montera jusqu’à 5G. Il faudra penser à bien contracter les abdominaux.
Et nous voilà au pied de l’avion. Le mécano nous aide à nous hisser à bord du cockpit comme indiqué dans la vidéo. Un pied sur le siège avant de glisser les jambes sous le tableau de bord. Les poignées rouges sont repérées. Il fait chaud dans cette combinaison. Attaché, branché, casqué. Bien sûr que ça va Ai-je l’air tendu ?
Verrière fermée, verrouillée. Mise en route de l’APU, puis du moteur. Tous ensemble aux ordres du leader. Vincent égrène sa check-list dans l’intercom. A gauche, à droite, tout le monde est prêt. Les mécanos couchent les extincteurs et se positionnent en face de chaque avion. Roulage.
Magique. On suit les trois premiers. Les moteurs sifflent. On salue les deux qui vont nous suivre. Un signe à ceux qui ont volé avant nous. Nous sommes passés de l’autre côté des barrières. Nous sommes la Breitling Jet Team. L’adrénaline débite au max.
Depuis quinze ans, je ne compte plus le nombre de fois que j’ai vu évoluer la patrouille en meeting. Parfois, même en même temps que la Patrouille de France. Elle m’a toujours procuré la même émotion. Cet ensemble parfait. Cette fluidité dans les trajectoires. Mais cette fois, je ne suis plus spectateur, les deux pieds sur le sol. Je vais la ressentir de l’intérieur.
Roulage en file indienne. Autorisation de s’aligner. Les trois premiers se calent à gauche de l’axe de la 35. Les trois autres, à droite. Le leader donne le top. Comme dans les films. Les roues quittent le sol, en même temps. Le premier box est devant et un peu plus haut. En une poignée de secondes les six avions sont regroupés. Le spectacle est magnifique. Les L-39 sont éblouissants dans ce magnifique ciel de traine. Nous avons vraiment beaucoup de chance. Pas de vent et plein de beaux cumulus blancs qui se détachent sur fond bleu.
On vole vraiment très près les uns un des autres. Trois mètres. Ce n’est rien. A cette distance, à gauche et à droite, le bonheur des passagers se lit sous les visières teintées. On échange des petits signes. Imperceptiblement, la formation a rejoint sa zone d’évolution et son altitude pour débuter sa partition.
On était trop occupé à vivre l’instant présent. On n’a rien vu venir. Le leader donne le départ.
Changement de dimension. 5.000 ft. Manche en avant. La formation prend du badin. 600 km/h. Et c’est parti pour la première boucle. On monte à la verticale. Tous ensemble. On commence à être franchement tassé dans son siège. La technique de la contraction des abdos atteint vite ses limites.
Avant d’être complètement écrasé au fond du cockpit, on passe sur le dos. Suspendu dans le vide, toujours aile dans aile, la terre saupoudrée de petits cumulus apparaît dans le champ de vision, avec les cinq autres avions en premier plan.
Pas le temps de reprendre son souffle. On enchaine la suite. Une barrique, puis une autre boucle. C’est physique. « On a tiré un petit 5G en haut de la boucle », précise Vincent dans l’intercom.
Le mécano a pris la peine de préparer un sac. Autant le sortir. Juste par précaution. Tant pis pour la GoPro. Je ne serai pas le premier reporter à perdre la face. Pendant ce temps, imperturbable, la patrouille enchaine les figures avec la fluidité qui la caractérise. Fin du premier acte.
Je manque de fraîcheur pour entamer le second. Vincent commence par un tonneau. Je demande grâce. Je prends les commandes pour retrouver mes esprits. Le peu de lucidité qui me reste me permet de voir que le L-39 est vif aux commandes.
Tant pis, on va se la jouer cool. Une très légère inclinaison à droite. Retour dans l’axe, en douceur. Je garde le manche au cas où Vincent voudrait me montrer ce que l’Albatros a dans le ventre. J’ai bien noté qu’il fallait en garder pour le break final.
Vincent reprend les commandes et en une fraction de commandes, les six L-39 éparpillés se regroupent. Survol de Nuits-Saint-Georges, Clos-de-Vougeot, Romanée-Conti, Gevrey-Chambertin. Verticale de la BA102. Et c’est parti pour le break. Comme dans les films, mais vécu de l’intérieur. Ca prend une autre dimension.
Posé. Roulage jusqu’aux installations d’Apache Aviation. Les six L-39 sont à nouveau alignés face au hangar. Moteurs coupés. Verrières relevées. On vient de vivre un moment exceptionnel.
Je rends au mécano son sac. Il n’a pas servi. En échange, il me donne la carte mémoire de la GoPro. 30 minutes gravées à tout jamais. La Breitling Jet Team est l’égale des plus grandes patrouilles acrobatiques militaires de la planète et j’ai pu en faire partie le temps du vol.
Gil Roy
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Looks super cool !!!
Pour avoir volé en 2017, effectivement, ça reste un moment exceptionnel avec une grande équipe. Prêt à recommencer ??
Tanguy- Laverdure III C et non III E( à la TV du moins)
Bonjour, si je vois bien, le pilote a un anti-G et pas le passager... Pas cool.
Il faut de bons repères pour arriver jusqu'à ce beau repaire
Ian
euh, SECONDE plutôt, non ? ^^ Ça fait bien envie !
What an adventure -lucky one!!! Well done Martin
Génial... Ca fait rêver... Pour être exact, ça me rappelle avec émotion mon vol en Alphajet à Cazaux, la patrouille en moins... Sensations géniale, 20 ans après j'en parle encore avec des trémolos... Appelez-moi Laverdure !
"Elles resteront accrochées aux bretelles de la ceinture de sécurité" : Ceinture de sécurité, ceinture de sécurité, ça évoque plus une voiture ou un avion de tourisme qu'un jet de haute performance, non ? Le bon terme ne serait pas plutôt "harnais" ?
Bonjour ,
Pas de visite ou questionnaire médical ?
A faire sûrement.