Réplic’Air prévoit de débuter l’assemblage de sa réplique du Dewoitine 551 fin 2017. Le moteur Hispano-Suiza 12Y51 est en cours de remontage chez Safran. Airbus Nantes a pris en charge les longerons de voilures et l’empennage en alu durci. Alors que des options sont à l’étude concernant le train d’atterrissage et les roues, la réalisation des bâtis d’assemblage est enclenchée. La réplique du Dewoitine 551, le chasseur français qui na jamais volé, est en bonne voie pour effectuer son premier vol avant fin 2018. Réplic’Air va mettre fin à une attente de… 78 ans.
En 2013, Baptiste Salis décollait de Fréjus à bord d’un Morane-Saulnier type G pour rallier Bizerte. Cent ans après la traversée de la Méditerranée par Roland Garros, une équipe de passionnés a rendu possible la réédition de l’exploit d’un pionnier de l’aviation, à bord d’un avion similaire, mais construit en un temps record avec les techniques du XXIe siècle . En deux ans et en partant d’une page blanche, la trentaine de bénévoles de l’association, âgés de 13 à 86 ans, ont construit une réplique de l’avion conçu en 1912 par Léon Morane et Raymond Saulnier.
Après cette performance, très largement médiatisée, Réplic’Air, qui est alors passé de trente à quatre-vingt bénévoles, a cherché sans plus attendre un nouveau projet à faire renaître. Car plutôt que de restaurer, l’objectif de l’association toulousaine est de réinventer, de faire renaître des avions disparus, oubliés, tout en utilisant les techniques modernes. « Tout comme le chantier naval qui a vu la renaissance de l’Hermione à Rochefort« , explique Jérémy Caussade, l’enthousiaste président de Réplic’Air, « l’association veut travailler sur des projets fédérateurs, redonner vie à un patrimoine qui n’existe plus et lui redonner des ailes« . Fin 2013, l’association décide de se concentrer sur un nouveau projet d’envergure et dont il ne subsiste aucun exemplaire : le Dewoitine D551.
En 1939, le D550 prend les airs depuis Bagnères de Bigorres. Motorisé par un Hispano-Suiza 12Y51 de 1.000 ch1100 ch en surpuissance (aussi appelée puissance de guerre, ou WEP par les anglais, war emergency power), ce racer atteignit la vitesse record de 703 km/h. Dérivé du chasseur D520, le D550 devait servir de base à l’élaboration d’un nouveau chasseur, le D551. Avec ses 8,25m de long et 9,3m d’envergure, son canon de 20 mm et ses six mitrailleuses, on estime qu’il pouvait atteindre 660 km/h de vitesse maximale. Une performance pour un avion français à l’époque. Sa construction ne prend que 4.000 heures alors qu’on mettait environ 8.000 heures à construire un D520. Il était attendu comme le « Mustang français », un avion de chasse qui pourrait rivaliser avec ceux de la Luftwaffe qui commençait à inquiéter sérieusement l’Etat-Major français. L’armée d’ailleurs en avait commandé seize exemplaires à son concepteur, Emile Dewoitine.
En juin 1940, cinq exemplaires du Dewoitine 551 étaient proches de l’état de vol et un au moins était prêt à voler. Onze autres cellules, à différents stades d’avancement, attendaient d’être terminées lorsque l’Armistice a sonné le glas pour ce chasseur qui ne volera jamais. Deux exemplaires ont été mis en caisse, appelés D560 du nom d’un avion de sport haute performance, et camouflés échappant ainsi à l’occupant. L’un des deux exemplaires sera exposé plus tard à près de la piscine Nakache à Toulouse. Ce dernier survivant d’une époque révolue sera ferraillé dans les années 60, faisant disparaître à jamais un patrimoine d’exception.
Il aura fallu une équipe de passionnés pour faire renaître le phénix de ses cendres. C’est ainsi que l’association Réplic’Air travaille depuis 2013 à la renaissance du Dewoitine 551 sans toutefois partir d’une feuille complètement blanche. « 650 plans existaient qu’on a eu la chance de récupérer« , explique Pierre-Etienne Langenfeld, ingénieur aéronautique chez ATR et responsable de la production du D551 chez Réplic’Air, qui poursuit : « manquent pourtant quelques informations par exemple sur la place exacte des instruments sur le tableau de bord« . Tout est prêt pour imaginer un premier vol fin 2018. L’avion sera toutefois légèrement modifié. De monoplace à l’époque, il deviendra biplace monocommande : le volumineux équipement radio de 60 kg à l’arrière du pilote disparaît au profit d’un passager.
Depuis 2013, peu à peu, le projet étant porté exclusivement par des bénévoles, l’avion prend forme. Deux moteurs d’origine ont été retrouvés par l’équipe, démontés et passés en métrologie avec le concours de Safran, héritier d’Hispano-Suiza. L’un des deux moteurs 12Y51 a été démonté et inspecté par Safran à Colombes et est en cours de remontage : il devrait être monté fin 2017 sur le bâti moteur. Ici, l’aide de Jacques Rougemont a été extrêmement précieuse. L’aîné de Réplic’Air, âgé de 86 ans, a pu travailler lors de son apprentissage à la fin des années 40 sur ce moteur apportant une connaissance du sujet d’une valeur inespérée.
« L’avion est composé de plus de 3.000 pièces qui sont en passe d’être réunies pour débuter l’assemblage du premier exemplaire à la fin de l’année » s’enthousiasme Pierre-Etienne Langenfeld qui précise : « les deux-tiers des pièces formées process pour les pièces formées : on part d’une tôle brute, puis découpée laser, ébavurage, formage à la presse à matelas souple et enfin traitement thermique et primaire, découpées au laser, sont prêtes. 50% des pièces usinées sont quant à elles terminées« . Partenaire majeure de l’aventure, Airbus Nantes réalise les plus grosses pièces usinées telles les longerons de voilure et d’empennage en aluminium durci grade aéronautique, suivi par Rossi Aero. Toutefois Réplic’Air recherche un partenaire pour terminer l’usinage des plus petites pièces. Les cadres du fuselage vont être traités en octobre dans un four qui accepte des pièces de grandes dimensions.
L’équipe est en train de réaliser les bâtis d’assemblage qui permettront d’assembler les cadres et double-cadres du fuselage. Problème, les longerons de fuselage mesurant 4m80 sont difficile à réaliser : il faut trouver un four capable de traiter une telle longueur. Une autre solution technique est en cours de réflexion, à base d’aluminium formé en trempe fraîche. Question matériau, les bruts d’aluminium, en fait les briques, qui serviront à réaliser les pales d’hélice ont été réceptionnés qui devraient être usinés début 2018.
Si Réplic’Air utilise les méthodes traditionnelles dans l’aéronautique pour la réalisation des pièces, les techniques récentes ne sont pas laissées de côté, au contraire. « Les jambes de train, par exemple, dont la production va débuter d’ici peu, a bénéficié de l’impression 3D » précise Pierre-Etienne Langenfeld, « les jambes elles-mêmes, étant des structures primaires, seront coulées. Mais les moules ont été réalisés en impression 3D« . De même, certaines petites pièces complexes non critiques qui forment la structure secondaire, telles les attaches des réservoirs dans le nez de l’avion, ont été réalisées en impression 3D titane.
La question du moment, ou plutôt l’une des questions parmi une centaine d’autres, porte sur le bon compromis encombrement / efficacité pour le train d’atterrissage et en particulier pour les roues : quelle jante? quel pneu? « on cherche du côté des avions du type du Cessna Citation par exemple« , explique Pierre-Etienne Langenfeld qui précise : « on a également changé le système de freinage, à air à l’époque, pour un système plus efficace à disque… mais qui pose le problème de l’encombrement à résoudre! »
La réplique du Dewoitine 551, du moins sa maquette à l’échelle 1/5e, appelée « planeur » bénéficie également d’une série de campagnes d’essais en soufflerie, qui a débuté cet été et se poursuivra jusqu’au premier vol de l’appareil. « C’est une chance inespérée que le partenariat que nous avons conclu avec l’ONERA » explique Wilfrid Dufaud, ingénieur chez Assystem qui suit les campagnes d’essais pour Réplic’Air : « grâce à la soufflerie verticale du site de l’ONERA à Lille, on va pouvoir vérifier le comportement de l’avion et donner un profil de vol au pilote d’essai. »
« Ce qui nous intéresse particulièrement, poursuit Wilfrid Dufaud, c’est le comportement de l’avion aux basses vitesses, en phase d’approche par exemple, lorsqu’on dégrade la vitesse ou l’angle d’incidence, lorsque l’avion est en dérapage, bref quand on est dans une zone à risque : avec la soufflerie on peut simuler ces cas critiques et connaître son comportement« . En plus de ces données, l’ONERA a spontanément proposé à l’association d’étudier plus précisément le souffle de l’hélice produit sur le comportement de l’avion et sur ses commandes de vol. En plus du comportement de l’avion, les mesures en soufflerie vont bientôt porter sur la température moteur qui chauffe rapidement et a besoin d’être refroidi rapidement également.
Même s’il reste encore de nombreux points à résoudre, le projet avance et les membres de Réplic’Air restent confiants sur un premier vol à l’automne 2018. Il faut noter que la grande majorité des membres de l’association sont des bénévoles qui ont une activité professionnelle à côté. « L’objectif est de prendre notre temps pour faire un avion qui volera bien » précise Pierre-Etienne Langenfeld, « c’est aussi comme cela qu’on rendra hommage à ceux qui ont travaillé, avec Emile Dewoitine sur le projet et qui, pour beaucoup d’entre eux, ont permis au Fouga Magister et à Concorde d’exister. »
Fabrice Morlon
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Bravo à tous, vous relevez l' honneur des français dans la compétition avec les Brits.
Oui bravo et merci à toutes et à tous, quoi de neuf on attend la suite avec impatience !
Jérémy Caussade qui est à l'origine de ce projet ambitieux nous a expliqué, lors d'une très récente rencontre à Toulouse, que l'assemblage final du D551 devait débuter cette année. L'objectif de l'association Réplicair est de mettre l'avion sur son train avant fin 2019. A suivre…
Merci les gars c'est vraiment génial !